La sélection génomique: principe et impact sur l’organisation de l’amélioration génétique
M. Brochard 1, D. Boichard 2
1 Institut de l’Elevage, France
2 INRA, UMR1313 Animal Genetics and Integrative Biology, Jouy en Josas, France
La sélection génomique consiste à sélectionner des reproducteurs sur la base de leur valeur génétique prédite à partir d’informations moléculaires, généralement des marqueurs génétiques répartis sur le génome. En France, dès 2001, la SAM (sélection assistée par marqueur) est utilisée pour la pré-sélection des candidats au testage en bovin lait. Suite au séquençage du génome bovin (2006), des outils de génotypage à grande échelle ont été développés: les «puces» de génotypage basées sur des marqueurs SNP (Single Nucleotide Polymorphism), telle que la puce à 54000 SNP d’Illumina utilisée en France depuis 2008. Les évaluations génomiques utilisent trois types d’informations: généalogies, performances (phénotypes) et génotypes. A partir d’une population de référence suffisamment grande, constituée d’individus disposant à la fois des phénotypes d’intérêt et des génotypes aux marqueurs génétiques, sont établies les relations entre phénotypes et marqueurs. Ces relations sont ensuite extrapolées pour prédire la valeur génétique des candidats à la sélection, sur la base de leur génotype aux marqueurs, bien avant qu’ils ne disposent de performance. La précision des index génomiques dépend de la taille de la population de référence et de l’héritabilité du caractère (Hayes et al., 2009). En bovin lait, en France, cette précision (CD) est de l’ordre de 0,5 à 0,7 (Fritz et al., 2010) selon les caractères. Compte tenu de cette bonne précision, le testage sur descendance, long et coûteux, n’est plus nécessaire avant la mise en service d’un taureau.
Propriétés et conséquences de la sélection génomique
La valeur génétique peut être déterminée dès la naissance, voire sur l’embryon. La sélection devient indépendante d’une mesure du phénotype sur les candidats ou ses descendants, elle peut donc être précoce; elle est grandement facilitée quand le caractère est non mesurable sur le candidat, coûteux à mesurer, invasif, ou tardif dans la vie. La précision obtenue est équivalente chez les mâles et les femelles. Les index génomiques ont une précision comparable pour tous les caractères y compris ceux à faible héritabilité.
Les conséquences sont de plusieurs ordres. En raison d’une précision élevée (CD de 0,5 à 0,7), d’un intervalle de génération raccourci, d’une intensité de sélection qui peut être élevée si le coût du génotypage est suffisamment faible pour permettre un criblage large de la population, plusieurs simulations montrent que le progrès génétique peut être doublé (Schaeffer, 2006; Colleau et al., 2009). La sélection génomique est relativement peu coûteuse par candidat (en particulier avec l’apparition de puces à basse densité telle que la LD d’Illumina, 7000 SNP) et permet de rechercher les meilleurs individus dans l’ensemble de la population. Ceci ouvre des perspectives importantes dans la gestion de la diversité des populations. Par ailleurs, en déconnectant contrôle de performances et sélection, elle permet de collecter de nouveaux phénotypes dans une population de référence adaptée. Dans le même temps elle augmente le progrès potentiel, elle donne donc l’opportunité d’augmenter le poids sur les caractères de robustesse et d’intégrer de nouveaux caractères aux objectifs de sélection sans pénaliser le progrès laitier.
Mise en œuvre et impact chez les bovins laitiers en France
En France, la stratégie a reposé sur plusieurs phases successives: a) SAM1 depuis 2001; b) octobre 2008, 1ère sélection génomique à partir de la puce à 54000 SNP d’Illumina; c) officialisation en juin 2009; d) fin 2009, le consortium EuroGenomics se met en place en race Holstein: les populations de référence française, allemande, hollandaise et nordique sont mises en commun, constituant aujourd’hui un ensemble de 20 000 taureaux, assurant une très grande précision de l’évaluation génomique; e) 2011, ouverture à l’ensemble des clients intéressés dont les éleveurs.
L’impact de la sélection génomique chez les bovins laitiers est majeur:
• Disparition du testage sur descendance, mais intégration des performances des filles au fur et à mesure de leur arrivée permettant l’entretien de la population de référence (gros enjeu à l’avenir).
• Utilisation des taureaux dès qu’ils sont pubères et renouvellement très rapide. Pour éviter un impact défavorable sur l’évolution de la consanguinité, il est recommandé d’utiliser plus de taureaux.
• Précision des index similaire entre mâles et femelles, et homogène entre caractères: efficacité de la sélection des femelles et de la sélection pour les caractères fonctionnels.
• Programmes de phénotypage et génotypage pour aborder de nouveaux caractères. Les travaux en cours en France concernent la composition fine du lait (acides gras et protéines) et la santé animale.
• Un nouvel outil de gestion du troupeau femelle. On peut s’attendre avec le déploiement de la puce LD à une massification de l’indexation génomique des femelles en élevage.
La révolution scientifique et technique, qu’est la génomique, entraîne finalement une révolution organisationnelle d’envergure y compris dans les rapports entre les acteurs de l’amélioration génétique.
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