Conclusion
L’expérience présentée dans cette étude est la première de son genre publiée au Maroc. C’est un bilan d’étape diffusé dans le but de faire profiter les nombreux grands projets en cours, dans les différentes régions, des réflexions de Mazaria, au sujet de ce genre de salle dans le contexte marocain.
Une grande salle de traite moderne par l’arrière, de type 2 x 40 postes, soulève une série de questions en rapport avec l’investissement, la rentabilité, les difficultés d’entretien de cet outil, la gestion des ressources humaines affectées à son exploitation, …mais aussi les risques de différents ordres qui lui sont associés.
En termes d’investissement global, les avantages évidents d’une salle de traite unique de grande capacité sont sans doute les économies d’échelle qu’elle permet sur le matériel, le génie-civil, le besoin en ressources humaines pour sa gestion,… mais son inconvénient majeur réside dans les risques encourus.
bo Le risque que la salle tombe en panne et de se retrouver avec 2000 vaches sans savoir comment les traire. Ce risque qui n’est jamais nul, même pour une salle à l’état neuf, sous entend la nécessité d’un entretien régulier et d’un stock obligatoire de pièces de rechange stratégiques sur place, en cas de panne, en particulier à mesure que la salle vieillit. Le cerveau d’une salle, c’est avant tout le pulsateur, mais la panne peut également provenir d’ensembles ou de pièces électriques ou mécaniques diverses (groupe électrogène, pompes à lait, pompe à eau glacée, variateurs,…).
bo Le risque de propagation des maladies. Que ce soit pour les maladies d’élevage ou les MRLC, le risque potentiel lié à un grand élevage doté d’une une seule salle de traite, est certainement plus grand qu’avec plusieurs élevages isolés, équipé chacun de sa propre salle.
Vis-à vis du personnel chargé de la gestion de la salle, l’expérience de Mazaria suggère de s’inscrire dès le départ dans un système de gestion permettant de fidéliser la main d’œuvre affectée à cette tâche. En élevage laitier, il n’est pas indiqué que les vaches soient manipulées chaque fois par une nouvelle équipe d’ouvriers.
Comme partout ailleurs, la traite est une tâche pénible, astreignante, obligeant à travailler de nuit, durant les week-ends, les fêtes, …Elle implique en plus la responsabilité du trayeur dans les problèmes de santé concernant les mammites. En dehors des avantages pécuniaires qu’elle procure par rapport au SMAG (gratification, primes, heures supplémentaires), la traite en tant que métier, intéresse peu la main d’œuvre de la société.
Le modèle de rémunération proposé, semble effectivement avoir fidélisé la main d’œuvre, puisque depuis sa mise en place, peu de trayeurs ont manifesté le souhait de changer de poste. Comme on s’y attendait, c’est aussi un modèle incitateur de progrès sur le rendement horaire de la salle par rapport au travail rémunéré à la journée. Il est maintenant établi, que des performances proches des valeurs avancées par le fabricant sont possibles. Avec un travail d’équipe soutenu, quatre ouvriers bien rodés peuvent traire 350 vaches/h, soit 2500 V/j.
Le temps consacré à la traite, enregistré dans cette expérience (ou temps d’astreinte spécifique de l’opération), semble à ses limites optimales: 2,3 min à Mazaria contre 2 min comme record en France. Des performances encore supérieures risquent de se faire au détriment des routines de travail ou de la propreté des quais. L’analyse des enregistrements réalisés par caméra, montre que pour aller au-delà de 350 vaches/h, il faut une plus forte pression sur les vaches pour les ramener des paddocks et pour les positionner dans les stalles.
De même qu’il faut accepter de réduire le temps de contact désinfectant/mamelle au moment du pré et du postrempage, la durée d’essuyage, le temps consacré à tirer les premiers jets, et d’une manière générale, à sacrifier en partie les routines de travail. Ce qui, à l’évidence, est préjudiciable à la production, à la qualité, et à la santé de la mamelle et de la vache.
C’est sur le point crucial concernant le nombre de cellules somatiques dans le lait que le résultat obtenu avec le modèle reste globalement mitigé, sans que l’on puisse déterminer réellement, dans les fluctuations constatées, la part due à la qualité de la traite, de celle imputable à l’hygiène du logement. Au sein de la société, nos investigations nous conduisent à suspecter plutôt la litière comme principale cause de mammites.
En d’autres termes, au stade où nous en sommes, nous n’avons valorisé que le segment «facile» du modèle, celui de la cadence de traite, qui ne requiert que l’effort physique de la part des trayeurs. Il reste maintenant à vérifier si grâce à ce modèle, des progrès stables et significatifs par rapport à la situation actuelle, sont possibles sur la qualité du lait et la santé de la mamelle.