De quoi a-t-on besoin pour une implémentation du système du semis direct au Maroc?
Il est certain que la diffusion et l’adoption de ce nouveau mode d’agriculture est plus complexe que celui entrepris généralement pour l’introduction d’une nouvelle variété ou un nouveau pesticide. Les méthodes traditionnelles de diffusion et de vulgarisation qui font appel aux essais de démonstration, des visites, journées et séminaires entrepris par l’INRA n’ont pas été suffisantes pour donner les résultats attendus. Même s’il s’agit d’une mutation et d’un changement global du système de gestion traditionnel des cultures, le progrès observé dans les autres pays dans ce domaine est bel et bien une réalité. C’est principalement l’œuvre des initiatives privées et des organisations non gouvernementales appuyés soutenus par la politique et les stratégies nationales de développement du secteur. On ne pourrait oublier la contribution et le rôle des organismes internationaux de recherche et développement. Certes ces derniers, comme AFD, ICARDA et AAAID ont tous manifestés leur intérêt à vouloir contribuer à la promotion de ce système au Maroc.
L’opportunité qu’offre ce système urge l’élaboration d’un plan d’actions selon une approche de concertation impliquant l’ensemble des acteurs dans la filière, la CAM, SONACOS, SCAM, MAMADA, secteur privé ainsi que d’autres institutions opérant dans les domaines de l’énergie, l’environnement, l’industrie et le commerce. Enfin, la société civile représentée par les associations et coopératives. La réunion de l’ensemble de ces opérateurs pourra se faire sous l’égide d’une agence de groupement d’intérêt économique.
Proposition d’implémentation dans le cadre du Plan Maroc Vert
Le système du semis direct peut se présenter comme un facteur d’agrégation par excellence. Les agriculteurs du pilier II du PMV, en particuliers ceux à faible pouvoir d’investissement et aux superficies exiguës qui représentent presque 80% des exploitations, peuvent adhérer à ce système. Les récentes agrégations proposées autour des semences, des engrais, avances de crédits et achats de la production revêtent un caractère commercial de promotions d’usage d’intrants. Le système semis direct les inclus automatiquement dans son approche en donnant des solutions globales intégrées de développement de l’agriculture pluviale.
Les agriculteurs du pilier I peuvent acquérir leur propre équipement qui sera vite amortis. Des mesures de crédits et de subventions déjà en place sont à renforcer par d’autres services d’encadrement, d’assurance, de disponibilité des intrants (semences fourragères, herbicides).
Les sociétés de fabrication de matériel et ventes des semoirs de semis direct, comme celles des engrais et semence pourront être les promoteurs et les agrégateurs. Le projet de développement pourrait s’articuler sur les points suivants:
La création d’unité de fabrication des semoirs de semis direct dont le prototype existe déjà à l’INRA. Le Maroc disposera ainsi de sa propre technologie qui demain pourra avoir un rayonnement régional.
La mise en place de plateformes ou fermes de démonstration privées gérées par les entreprises d’agrégation afin de constituer des nucleus autour desquels se développera le système.
L’entreprise «agrégatrice» réalisera l’opération de semis comme activité fédératrice des agriculteurs, assurera la formation et l’encadrement des agriculteurs et jouera le rôle d’interface avec les institutions de crédit, d’assurance et des fournisseurs d’input, semence, engrais, et pesticides. Elle pourra aussi assurer un marché pour les commodités produites par les agrégés. Il faut remarquer que l’opération de semis englobe toutes les recommandations appropriées pour réussir un bon peuplement, une bonne vigueur et démarrage de la culture (date, dose de semis, variété/espèce, dose et type d’engrais…).
Conclusion
En zones bour, les alternatives sont rares et les issues ne sont pas évidents pour que l’agriculture pluviale précaire fait face à la sécheresse, à la dégradation de l’environnement, ainsi qu’aux fluctuations des cours des marchés et les prémices des changements climatiques.
Par un investissement minime, très loin par exemple de celui mobilisé pour les zones irriguées, l’agriculture pluviale peut réaliser un saut technologique et un développement sans précédent. On estime qu’un million d’hectare conduit en semis direct permettra annuellement une économie d’énergie de plus de 300 millions de dirhams, une réduction de 80 mille tonnes de semence soit 200 millions de dirhams et son équivalent en engrais, une augmentation et une stabilité de la production à court et moyen terme de 20 et 30%. Une réduction de l’émission de gaz carbonique, de l’érosion à des niveaux appréciables qui fera de l’agriculture une activité propre. Les besoins en investissement sont estimés à quelques centaines de millions de dirhams, largement rentabilisées compte tenu des retombées économiques, sociales et environnementales.
Le semis direct est l’issue de l’agriculture pluviale conventionnelle pour qu’elle devienne une activité compétitive à faible risque. Son adoption économisera à l’état une facture énergétique d’environ 40 l/ha, réservée aux labours, qui en années à faible pluie comme 1983, 1994, 2000 ont eu zéro dirham de retour sur investissement. Le semis direct offre une possibilité de réduire l’érosion éolienne et hydrique, pour ainsi conserver la qualité des eaux et de l’air et maintenir les sols des bassins versent. Enfin, le semis direct permettra une séquestration de 1 à 4 t/ha de gaz carbonique selon la quantité des résidus. Les agriculteurs Marocains pourront bénéficier eux aussi des quotas de carbone.