Impact sur le bien-être des ménages
Trois indicateurs ont été utilisés pour l’évaluation du changement du bien être des ménages entre 1999 et 2007: la consommation, les biens ou actifs des ménages et l’éducation. La consommation est évaluée par les dépenses au souk hebdomadaire; les biens des ménages sont évalués par la taille du cheptel, en particulier caprin, étant donné que l’élevage constitue un actif essentiel et une réserve principale de richesse des ménages; et l’éducation est évaluée par la transition des enfants, par sexe, de l’école primaire à l’école secondaire qui constitue un vrai problème dans le milieu rural (environ 80% des enfants ruraux qui commencent l’école primaire ne parviennent pas à faire cette transition).
Les résultats montrent que les ménages qui ont bénéficié le plus du boom d’argan sont ceux qui collectent plus de fruits d’argan. Ces ménages engagent plus de dépenses dans le souk hebdomadaire et investissent plus dans l’élevage caprin. Ce dernier résultat semble contradictoire avec la théorie de conservation gagnant-gagnant étant donné que le bénéfice tiré des produits de la forêt se transforme en une menace pour celle-ci à travers l’impact négatif que constituent les chèvres pour les arbres d’arganier. Concernant l’éducation, les résultats sont différents pour les filles et les garçons.
Ce sont les filles des ménages ayant bénéficié du changement du marché d’argan qui profitent le plus du passage de l’école primaire à l’école secondaire. Il semble que le rôle important que joue la femme dans le développement rural à travers, en particulier, sa forte participation dans les activités des coopératives de production de l’huile d’argan a joué sur la décision des ménages à laisser continuer la scolarisation de leurs filles à l’école secondaire pour espérer les impliquer davantage dans l’avenir dans les marchés d’argan de haute valeur (coopératives, sociétés privées).
Impact sur la forêt d’argan
Vu le rôle écologique important que joue l’arbre d’arganier pour la préservation de l’écosystème agro-forestier du Sud-Ouest du Maroc et vu le fait que les résidents locaux pourraient constituer une menace réelle pour la forêt d’arganier à travers l’exploitation de ses produits, la conservation de cette forêt constitue souvent l’un des objectifs centraux des coopératives en plus de l’objectif principal de la valorisation de l’huile d’argan pour son accessibilité au marché de haute valeur en vue de l’amélioration des revenus de la population locale en général et de la femme rurale en particulier.
Les résultats de cette étude concernant l’évaluation de l’impact du boom du marché d’argan sur la forêt d’arganier entre 1999 et 2007 montrent qu’il y a de plus en plus de conflits entre les habitants sur les ressources de la forêt d’arganier se traduisant par des clôtures, parfois illégales, des arbres d’arganier. Malgré les efforts individuels des résidents pour protéger leurs arbres privés, leurs attitudes et leurs comportements envers la forêt ne fait pas apparaître une tendance générale de conservation de la forêt d’argan. En effet, les habitants perçoivent que la coupe illégale des arbres et le surpâturage ne constituent que de petits problèmes pour la forêt.
Aussi, les habitants sont devenus plus agressifs pour la collecte des fruits dans la forêt d’argan à travers l’utilisation de la pratique de gaulage qui peut causer des dommages importants pour les arbres. Cette pratique, qui consiste à frapper les branches des arbres à l’aide de bâtons ou de pierres pour faire tomber les fruits avant leur maturation, est le résultat de l’accroissement des actes de vols de fruits d’argan dans la forêt en raison de l’augmentation de la valeur de l’huile d’argan.
Enfin, le résultat le plus surprenant est la forte tendance des habitants à l’utilisation du bois d’argan en 2007 comme source d’énergie au lieu du butane (augmentation de 75 % en 2007 par rapport à 1999). Ce résultat est d’autant plus surprenant que le butane est subventionné au Maroc et son prix, qui n’a pas changé entre 1999 et 2007, ne pourrait donc pas être coupable pour l’explication de cette tendance.
Selon les locaux, cette tendance trouve son explication dans l’augmentation du coût de la vie et la stagnation des revenus des ménages, ce qui les pousse à chercher les stratégies d’économie de dépenses à travers la recherche de solutions gratuites pour faire face aux besoins quotidiens en énergie. Ce résultat, comme le cas de l’investissement dans l’achat des chèvres, est également contradictoire avec la théorie conservatrice gagnant-gagnant étant donné la menace que peut constituer cette pratique sur la forêt d’argan.
On peut donc conclure qu’à l’exception de certaines initiatives individuelles des habitants pour la protection des arbres privés, le boom du marché d’argan n’a pas instauré un comportement collectif de conservation à long terme de la forêt d’argan.