Lutte intégrée en verger: guide d’observation et d’exploitation des données
Nous produisons ci-dessous un tableau synthétique d’aide à la décision où sont décrits plus simplement les gestes à suivre afin de réussir la protection. D’emblée, deux conditions sont préalables à l’utilisation de cet outil:
- la présence régulière dans le verger pour apprivoiser la faune qui le constitue;
- le pouvoir de reconnaître aisément les nuisibles d’importance économique et leurs antagonistes, c’est-à-dire ceux ayant suffisamment d’impact sur la culture pour causer des pertes notables de rendements et les auxiliaires qui s’entretiennent par leur présence.
Avec tout ce qui a été exposé auparavant dans d’autres bulletins, ces deux étapes déterminantes étant supposées acquises. Désormais il faut planifier et effectuer des observations régulières sur la parcelle et en tirer des directives motivées. Signalons que le suivi consiste généralement à procéder aux comptages sur un échantillon du verger selon une fréquence et une procédure bien précise.
Sachant que chaque nuisible agit préférentiellement sur un organe, il est préconisé de regarder alors la partie de l’arbre qui convient au déprédateur concerné et selon une méthode ou un ensemble de méthodes qui lui sont spécifiques (piégeage, frappage, battage, observations visuelles…).
Fréquence et périodes d’observation
La fréquence idéale des contrôles est au minimum mensuelle en période de post-récolte, contre une fois tous les 10-15 jours aux stades de fructification (préfloraison-récolte). Les époques propres à chaque ravageur et la technique idoine sont indiquées dans le guide ci-après. Les seuils pour chaque nuisible, à partir desquels un traitement s’avère nécessaire, sont exprimés dans la dernière colonne du même tableau. Selon les résultats des suivis et les seuils on prend ou non la décision de traiter.
Par ce guide que nous voulons pratique, on démontre que l’observation de la culture est un des éléments clés de la stratégie de lutte. Outre l’optimisation des interventions qu’elle implique, elle contribue à prévenir les dégâts et le développement de populations résistantes.
En effet, l’utilisation des pesticides en fonction des seuils plutôt qu’en fonction d’un calendrier de traitement peut réduire la pression sélective à la fois à l’égard des ravageurs clés et secondaires. Ces derniers deviendraient inévitablement de graves problèmes s’ils développaient une résistance. Les observations vigilantes délimitent aussi les zones qui nécessitent un traitement dès lors qu’il s’agit d’un ravageur peu mobile et dont la migration n’est pas une activité fondamentale de son comportement. Dans pareils cas, on peut diminuer la pression sélective sur l’ensemble du verger et procurer une période de sursis aux auxiliaires en contrôlant uniquement les zones qui comportent des taux d’infestation justifiant un traitement (foyers). Il en découle, en conséquence, une économie certaine de temps, de pesticides et une moindre répercussion sur l’environnement.
En guise de conclusion, il est à rappeler que l’échec d’un produit donné ne signifie pas forcément qu’une résistance est en cause. Et il ne faut pas se hâter de convenir qu’un ravageur semble devenu incontrôlable en raison de cette résistance car plusieurs raisons peuvent montrer, en effet, pourquoi ce produit n’a pas agi. Et c’est l’occasion, si les recommandations pour prévenir les problèmes de résistance ne sont pas suivies, de l’entreprendre diligemment. Mais avant, il faut s’assurer que l’époque d’intervention est appropriée, que l’appareil de traitement est bien calibré pour une bonne couverture de pulvérisation, que la qualité de l’eau (pH essentiellement) est acceptable, que les mélanges de produits sont compatibles… Si après tout cela le problème persiste, c’est assurément une raison pour entamer les pratiques d’une gestion phytosanitaire appropriée.
Prof. HMIMINA, M.
Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Rabat
m.hmimina@iav.ac.ma