Le phosphore (P)
Le phosphore dans le sol
Dans le sol, le phosphore est présent sous plusieurs formes:
Le phosphore de la roche mère (non assimilable par les plantes);
Le phosphore de la phase solide (disponible aux plantes au cours d’un cycle de culture). Cette forme a une plus grande solubilité que le phosphore de la roche mère;
Le phosphore de la solution du sol qui peut être utilisé immédiatement par les plantes.
Trois ions phosphore existent: H2PO4-, HPO42-, PO43-. Ce dernier ne se rencontre en quantité notable qu’aux valeurs élevées du pH. La plante absorbe le phosphore sous forme H2PO4- ou HPO42-, selon le pH du sol.
Le phosphore insoluble des roches mères
Il représente la très grande majorité du phosphore total du sol, forme quasiment inutilisable par la plante. Mais, c’est la réserve générale à partir de laquelle une petite fraction parviendra au bout de la chaîne dans les solutions du sol, à la suite de nombreuses et lentes transformations de nature physico-chimiques ou biotiques.
Le phosphore lié aux constituants organiques
Dans ce cas, le phosphore se trouve engagé dans des structures moléculaires organiques plus ou moins stables et non assimilables par la plante. L’humus intervient dans l’alimentation phosphorique en limitant l’évolution de l’acide phosphorique vers des formes plus difficilement assimilables par le végétal, notamment en sol calcaire.
Le phosphore lié aux constituants minéraux
Les ions phosphoriques peuvent être fixés sur le complexe argilo-humique, particulièrement sur les argiles. L’augmentation de la teneur en argile diminue le coefficient de diffusion du phosphore à cause de l’augmentation des sites d’adsorption à la surface des particules. Le P2O5 adsorbé ne représente qu’une faible partie du phosphore total. Il constitue la majeure partie du phosphore assimilable ou échangeable qui, suivant les sols peut atteindre 300 à 500 Kg/ha.
Dans les sols calcaires, les ions phosphore solubles s’insolubilisent très progressivement sous forme de phosphates tricalciques et pour une faible part sous forme d’apatite.
Le phosphore de la solution du sol
C’est la fraction du phosphate total la plus faible et en même temps la plus importante pour l’alimentation de la plante. Le phosphore se trouve sous les deux formes H2PO4- et HPO42- qui sont dominantes dans la solution du sol. La solubilité des minéraux de phosphore et la concentration des sols en H2PO4- et HPO42- sont fortement dépendantes du pH. L’ensemble des deux dernières formes de phosphore (celui de la solution du sol et celui adsorbé sur le complexe) représente le pool alimentaire qui constitue la fraction du phosphore total considéré comme la principale réserve alimentaire. Elle correspond au phosphore assimilable ou échangeable.
Symptômes de carence et d’abondance du phosphore dans la plante
Carence
La déficience en phosphore engendre un ralentissement de la croissance des plantes et une coloration pourpre dans les feuilles qui commence surtout dans les feuilles âgées. La carence en phosphore peut se présenter sous un état bénin ou un état aigu. L’état bénin se manifeste par une réduction générale de la croissance; la plante est plus élancée, le pétiole s’allonge, les nervures sont plus prononcées et les feuilles sont minces et se dressent. A L’état aigu, les feuilles jaunissent et se nécrosent avec un brunissement roux (non bronzé comme dans la carence potassique). Chez les céréales, les carences se manifestent parfois par des colorations pourpres ou violacées sur les bords du limbe, sur le pétiole, sur l’ensemble de la feuille ou sur la tige (cas typique du maïs au stade jeune).
Abondance
Bien qu’on observe rarement des symptômes d’excès en phosphore dans la nature, cet excès se manifeste par une croissance limitée et un jaunissement chlorotique général. En présence de très hautes teneurs foliaires en phosphore (de l’ordre de 1 à 3% dans la matière sèche), on observe pour le blé un flétrissement progressant de la pointe vers la base des feuilles. Pour le trèfle, le soja, l’avoine et l’orge, des nécroses blanc- gris à la pointe et à la périphérie des feuilles, parfois de simples pointes ou taches.
Pratique de la fertilisation phosphatée
Dose
En l’absence d’analyse de terre, la dose à apporter correspond à la fumure calculée à partir du rendement objectif et des exportations de la culture (Tableaux 3, voir fichier PDF).
Un coefficient de majoration est appliqué à la fumure d’entretien pour tenir compte des pertes dues à l’insolubilisation et à la rétrogradation en sol riche en carbonates, en matière organique et en argile. Dans le cas des sols calcaires, il est conseillé de forcer les doses de 30% environ pour tenir compte de la lente rétrogradation, et la fumure de redressement est calculée en tenant compte de la richesse du sol sur la base de 50 unités par 10 ppm de P2O5.
Quand on dispose des analyses de sol, le calcul de la dose de phosphore intègre la richesse du sol en P2O5, sa richesse en calcaire et en matière organique ainsi que la teneur en argile.
Modalités d’apport
Les modes d’apport et de fractionnement varient selon le type de sol, le niveau de richesse chimique et le pouvoir fixateur, et selon les stades de forts besoins de la culture.
Dans le cas de sols pauvres, surtout si le pouvoir fixateur est élevé, on a intérêt à mettre une partie au moins de la fumure sous forme soluble au dernier moment et localisée sur les lignes de semis, quand c’est possible.
S’il s’agit de plantes très exigeantes (Tableau 4, voir fichier PDF) et à croissance rapide (cultures maraîchères), on a intérêt à apporter une partie de la fumure sous forme soluble au moment du semis, même en sol à teneur correcte.
Prof. Ali Chafai ELALAOUI
Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès