Eléments en vue de meilleurs choix techniques
Recherche des ressources hydriques
Le Maroc est un pays globalement aride. Quel que soit le type d’agriculture sur lequel le choix de l’investisseur aura porté, la ressource en eau reste un facteur primordial d’assurance du projet. La démarche n’est pas compliquée. Dans la plupart des régions, des cartes hydrologiques d’une précision généralement suffisante pour dégrossir le problème existent, aussi bien pour les eaux de surface que pour les eaux de nappe. En cas de doute, pour les aquifères profonds, des études géophysiques in situ et un forage de reconnaissance permettent de trancher. Mais dans un cas comme dans l’autre, aucun investissement ne doit être envisagé avant d’être rassuré des ressources en eau en quantité, en qualité, de façon durable et à un prix raisonnable.
Vue sous l’angle du volume et de durabilité, le Gharb est la région qui dispose de la plus grande réserve en eau du pays. Les deux grands barrages Alwahda et Idriss premier, à eux seuls, ont des capacités respectives de 3,7 et de 1,2 milliards de m3 et régularisent plus de 1,5 milliards par an, sans parler de la réserve importante que recèle la nappe profonde.
C’est également dans cette région que l’eau de surface est incontestablement la moins chère, qu’elle soit livrée par le réseau de l’Etat (0,22 Dh/m3) ou pompée directement avec les moyens propres du producteur (0,07 Dh/m3).
L’autre extrême est le Souss, région d’agrumes par excellence. Avec très peu d’eau de surface mobilisable, une nappe surexploitée, qui baisse chaque année dans plusieurs endroits de 2 à 3 m, ou tarie de façon irréversible comme à Guerdane, la région a peu d’avenir ou (si l’on préfère) de visibilité sur le plan hydrique. En outre, compte tenu de la profondeur de l’eau dans la nappe, c’est dans cette région qu’il faudrait prévoir des coûts de pompage parmi les plus élevés, pouvant atteindre 0,80 Dh/m3.
D’après l’expérience disponible au Maroc, on considère qu’il faut autour de 0,8 à 1 l/ha/s pour répondre aux besoins en eau d’un verger d’agrume adulte. Au plan qualitatif, une eau de bonne qualité chimique est une eau présentant une conductivité électrique EC< 0,7 mmhos/cm. Entre 0,7 et 1,3 mmhos/cm, l’eau est encore utilisable sans beaucoup de risques, en particulier dans les zones bien arrosées (P>500 mm/an) comme la côte Atlantique, le Gharb et le Saïs où la pluie assure un lessivage cyclique naturel des sels accumulés dans le sol. Par contre, il faut rester prudent dès lors que l’EC de l’eau avoisine 1,5 mmhos/cm, surtout en cas de terrain lourd sous un climat aride. Des précautions spéciales s’imposent (choix du porte greffe, du système d’irrigation, des modalités de gestion de la dose) pour pouvoir utiliser cette eau. Enfin, si l’EC s’approche ou dépasse 2 mmhos/cm, il vaudrait mieux s’abstenir de planter des agrumes, particulièrement en terrains lourds.
Pour des eaux de surface boueuses comme celle du Sebou, la filtration avec les moyens technologiques actuels (filtres à sables montés en série avec des filtres à disques) est inefficace. D’où la nécessité, pour obtenir une eau propre, de prévoir de grands bassins de décantation, sans perdre de vue les risques de prolifération algale.
D’autre part, si la clientèle impose un cahier des charges inspiré du modèle EurepGap, le producteur est en outre dans l’obligation de prouver que l’eau n’est pas polluée et ne renferme aucun des principes chimiques interdits, tels les métaux lourds, en provenance des industries, des stations d’épuration, ou de toute autre source de pollution.
Choix de la région et du milieu Climat/Sol
Au Maroc, les régions d’agrumiculture sont au nombre de six et bien connues (Souss, Marrakech, Tadla, Côte Atlantique de Larache à Azemmour, Gharb, Berkane).
Sur le plan agroclimatique, elles ne soulèvent aucune question subsidiaire en dehors de ce qu’on sait déjà de chacune d’elle. Souss et Berkane offrent l’avantage de la précocité du climat maritime, le Gharb celui des zones continentales donnant des fruits de bonne coloration.
Par contre, il faudrait être très prudent sur le choix du lieu dès lors qu’on s’éloigne sensiblement de ces régions ou qu’on se mette sur un site de microclimat particulier, même si celui-ci est proche d’une zone parfaitement indiquée pour les agrumes. D’importants changements climatiques, peuvent parfois apparaître, par suite d’un changement brutal d’altitude ou de topographie générale.
De tous les risques climatiques à craindre pour les agrumes (Chergui, grêle, vent), le gel hivernal reste l’élément fatal pour l’arbre. Parfois, on ne s’en rend compte que quelques années après plantation à la suite de dégâts récurrents sur le terrain. Pour des impératifs de rentabilité, à des fréquences de grand gel d’une année sur 5, il vaut mieux investir dans un autre projet de culture tolérant les hivers rigoureux, en l’occurrence les rosacées fruitières ou la vigne.
Dans une vaste région globalement gélive, comme le Tadla, il faudrait être conscient que c’est dans les cuvettes et bas-fonds ou « trous à gelée » que le risque de gel est plus grand.
Au Maroc, les anomalies de la peau ne sont pas admises sur le fruit destiné à l’Export. Par conséquent, des variétés très sensibles aux marbrures comme la Navel et la Washington Sanguine sont à éviter dans les zones très ventées. De même que les variétés très sensibles à l’excès de pluie, comme la Nour, sont à écarter sous des climats très pluvieux comme celui du Gharb central.
Les agrumes n’ont pas d’exigences particulières du point de vue du type de sol. Mais là aussi les extrêmes sont à éviter. Un sol de Merja sans réseau d’assainissement ou avec un réseau obsolète, n’est pas le bon endroit pour un verger moderne d’agrumes. Il en est de même pour un sol très salé (EC extrait 1/5 > 0,5 mmhos/cm), ou avec une nappe salée proche de la surface, en particulier en cas de texture lourde.
Des observations réalisées sur des parcelles grandeur nature dans le Gharb montrent également qu’il ne faut jamais planter un agrume immédiatement après l’arrachage d’un autre agrume, du moins lorsque les deux sont greffés sur bigaradier. Une période de « repos » d’au moins 4-5 ans est indispensable. L’idée consistant à décaler les lignes de plantation vers le milieu des anciennes afin de gagner du temps, n’améliore en rien la croissance de l’arbre, qui reste rabougri comme s’il était sous alimenté ou affecté d’une maladie virale grave.