D’après les statistiques du ministère de l’agriculture, la culture d’amandier s’étend sur une superficie d’environ 134.000 ha, ce qui représente 70% des rosacées fruitières et 1,5% de la SAU. La production d’amandes non décortiqués se situe à 50.000 t, soit un rendement moyen de 0,37 t/ha. Les vergers ont une taille réduite, puisque 82% ont moins de 5 hectares.
Ce secteur joue un rôle socio-économique important et participe à la création d’environ quatre millions de journées de travail et génère une valeur commerciale de plusieurs milliard de dirhams.
Deux types de plantations cohabitent au niveau de ce secteur:
- Les plantations traditionnelles: représentent plus de 50% et se localisent essentiellement en zones de relief (Azilal, Al Hoceima, Amezmiz,…). Elles présentent une importance incontestable dans la mise en valeur de ces écosystèmes fragiles de montagne et participent aussi à la fixation des sols et à l’embellissement des paysages (Photo p. 1, Voir fichier pdf);
- Les plantations semi-intensives et modernes: comprennent les vergers réguliers avec des variétés commerciales (Photo page 2 (Voir fichier pdf): verger moderne d’amandier). Elles sont localisées au niveau des régions de Meknes, Fez, Marrakech, Essaouira, Beni Mellal.
Durant les vingt dernières années, ce secteur a connu une évolution très rapide avec un accroissement annuel de 2000 hectares. Ce développement est réalisé grâce aux efforts conjugués de l’état (incitation à la plantation par la distribution de 2,5 millions de plants, sélection de variétés performantes, encadrement…) et de la profession. Les sécheresses récurrentes, le manque d’eau d’irrigation et le réchauffement atmosphérique (réduction des disponibilités en froid) ont été aussi à l’origine de cette évolution.
L’amandier, filière importante dans notre agriculture, nécessite une mise à niveau et une reconversion des plantations traditionnelles pour améliorer les rendements.
Caractéristiques des plantations traditionnelles et possibilités de leur amélioration
Issus de semis, les arbres de ces plantations sont très hétérogènes sur la plan vigueur, époque de floraison et peu productifs en raison de plusieurs facteurs, entre autres, la mauvaise pollinisation et le manque d’entretien. Les qualités pomologiques des fruits sont généralement de faible valeur commerciales (fruits petits et jumelés) et la production est très alternante. Les effets des gelées et de la sécheresse entravent leur développement et l’amélioration de leurs niveaux de rendement requiert un programme d’actions basé essentiellement sur une reconversion variétale et une conduite appropriée.
Les interventions à envisager dans ce contexte peuvent cibler quelques agriculteurs au niveau de chaque zone, pour servir de plate-forme de démonstration et de transfert de technologie. Elles consistent principalement en:
- Un sur-greffage des arbres (jeunes et adultes) par un matériel végétal authentique et performant pour reconvertir les plantations improductives. Dans ce cas, le prélèvement de greffons peut se faire sur des variétés comme Marcona, Fournat, Ferragnès et Ferraduel ou tout simplement sur des arbres locaux (connus par les agriculteurs) pour leur productivité et la qualité de leurs fruits;
- Un travail du sol sous la frondaison des arbres avec la confection d’impluvium pour collecter l’eau de pluie et faciliter son infiltration et son stockage dans le sol;
- Une taille de formation et de fructification à pratiquer au niveau des vergers jeunes pour assurer le maintien d’une production optimale et régulière. Elle peut être combinée avec une réduction des densités des plantations pour favoriser l’aération et la réduction de la compétition pour l’eau;
- Une diffusion de nouvelles variétés d’amandier, pour pallier à une contrainte locale (gelée,…);
- Une formation d’une équipe de jeunes tailleurs (fils d’agriculteurs) pour opérer dans la zone et contribuer à redresser les vergers existants.
Si le matériel végétal de ces plantations présente un intérêt très limité pour une exploitation commerciale, il offre en revanche une importante diversité génétique. Cette dernière apparaît notamment au niveau caractéristiques des fruits (qualités organoleptiques et caractères pomologiques), époque de maturité, besoins en froid et tolérance à la sécheresse et dont l’exploitation peut se faire dans le cadre d’un programme d’amélioration génétique. Les pressions de sélection, naturelle et celle de l’homme, ont favorisé la survie d’individus tolérants à la sécheresse, productifs et de qualité pomologique intéressante. Un travail de prospection et de collecte des meilleurs individus, pouvant servir de porte-greffes ou de géniteurs pour des caractères d’intérêt, revêt une grande importance pour le pays.
Acquis de l’INRA en matière de recherche développement
Les premiers travaux de prospection effectués en 1971 dans les zones de culture traditionnelle (Rif, oasis) ont permis de collecter 53 clones sur la base de la tardiveté de floraison, de la qualité des fruits et leur résistance à certaines maladies. Leur évaluation dans les conditions du sud marocain a permis de sélectionner 8 clones (Amekchoud 3, Toundout 3j, BI2L, Hart3J, Hart16J, Toundout 8J, BI2R et BII25R). Ces clones ont été diffusés dans leur berceau pour la culture (Errachidia).
D’autres individus d’amandier amer et d’hybrides naturels amandier x pêcher, pouvant servir de porte-greffe, ont été collectés et mis en collection à l’INRA. Ils sont en cours d’évaluation pour la résistance à la sécheresse et la tolérance au capnode.
Les introductions variétales issues de programmes de recherche avancés d’autres pays (France, Espagne, USA, Syrie, Italie) ont débuté aussi en 1970 pour atteindre actuellement plus de 250 variétés. Cette richesse situe le Maroc parmi les pays les plus représentatifs en diversité génétique des collections d’amandier.
L’évaluation de ce matériel végétal a permis de mettre à la disposition des arboriculteurs des variétés performantes et qui constituent actuellement la base des plantations commerciales.
Groupe des variétés à floraison précoce
Ce groupe a Desmayo comme variété principale (à coque dure) qui s’associe avec le clone AT8 pour la pollinisation. Ce dernier a été sélectionné par l’INRA en raison de la forte sensibilité de la variété Abiod (utilisée précédemment comme pollinisateur) à la moniliose. La floraison a lieu pendant le mois de janvier et ce groupe présente l’avantage de valoriser les zones à faible pluviométrie et à hiver sans risque de gelée.
Groupe des variétés à floraison semi-précoce
Ce groupe comprend essentiellement Marcona comme variété de fond et Fournat de Breznaud en tant que pollinisateur et dont la floraison se situe durant la 2ème décade de février. Il reste le plus répandu au niveau national en raison de la mise à fruit rapide et de la bonne fertilité de Marcona. Son fruit est d’excellente qualité pomologique avec une coque dure (rendement au concassage de 30%) lui permettant d’être stocké et commercialisé facilement. Cette association reste soumise au risque de gelée printanière certaines années. En effet, le seuil des températures critiques se situe à – 3°C au stade bouton blanc, à – 1,5 °C en pleine floraison et à -0,5°C au stade jeune fruit.
Groupe des variétés à floraison tardive
Ce groupe, constitué de Ferragnes et Ferraduel, a pris plus d’importance dans les zones gélives. Sa floraison se situe en fin Février début Mars (selon les années). La pollinisation de leur dernier flux de floraison peut être obtenue en leur associant une variété autofertile comme Tuono ou autres.
Variétés autofertiles
Ce groupe, constitué des variétés Lauranne et Mandaline, vient d’être recommandé par l’INRA pour sa floraison tardive et présentant l’avantage d’être autofertile. Ces variétés s’affranchissent donc des contraintes à la pollinisation qui limitent fréquemment les rendements en vergers traditionnels.
Ces génotypes fructifient essentiellement sur les bouquets de mai et doivent être recommandés en secteur intensif avec de préférence des irrigations d’appoint. Ils ont une durée de floraison de 12 jours environ et une charge en bouquet de mai de 40/mètre linéaire. Leur rendement au concassage est de 29 à 32% avec un poids moyen de 1 g pour l’amandon qui est simple (pas de double).
Le rendement moyen obtenu en conditions expérimentales à Meknès est de 1,5 T/ha et peut atteindre 2 à 2,5 T en bonnes conditions de culture. Ces variétés peuvent facilement être associées avec Ferragnès et Ferraduel pour un complément de pollininisation.
Etant donné que le secteur est en pleine extension, un choix judicieux et diversifié des variétés doit être effectué en tenant compte des risques de gelée, des hauteurs pluviométriques annuelles de chaque zone et des soins à prodiguer au futur verger. Pour un verger moderne, il est souhaitable de préconiser au moins deux groupes de variétés pour minimiser les risques de gelée qui reste la principale contrainte de cette espèce.
Amélioration des conditions de pollinisation
Les variétés de fond des trois premiers groupes et les plants d’amandier, issus de semis en peuplement naturel, sont auto-incompatibles. Leur association avec des pollinisateurs spécifiques qui ont des périodes de floraison concordantes est nécessaire pour la pollinisation. Celle-ci consiste en un transfert et dépôt du pollen sur le stigmate réceptif.
La durée de réceptivité du stigmate pour le pollen (durée effective de pollinisation) est de l’ordre de 2 à 6 jours et correspond donc à la période durant laquelle la fleur doit être obligatoirement pollinisée pour donner un fruit. La fécondation des ovules reste donc une phase critique dans le processus de reproduction et de fructification de cette espèce et dont la floraison est abondante.
Une pollinisation adéquate du maximum de fleurs, un à deux jours après ouverture florale, donne une bonne nouaison. L’optimisation de la pollinisation peut être obtenue d’abord par un dispositif de plantation adéquat avec une répartition dans le verger de une ligne de la variété pollinisatrice avec deux lignes de la variété de fond jusqu’à une ligne alternante si les deux variétés ont le même intérêt commercial. Etant donné que l’abeille reste le principal vecteur de pollinisation, une meilleure nouaison peut aussi être obtenue en plançant dans le verger 4 ruchers d’abeilles par hectare dès que les premières fleurs s’ouvrent et en évitant les traitements phytosanitaires durant cette période. Leur distribution doit être bien répartie avec une orientation de l’ouverture vers le côté du levé de soleil.
Les abeilles sont actives lorsque les températures se situent entre 16 et 26°C et sont capables de visiter 10 à 15 fleurs par minute. Dans ces conditions, un taux de nouaison moyen de 20 à 30% peut être obtenu et le rendement qui en résulte est par conséquent meilleur si les autres facteurs de production sont maîtrisés.
La durée de floraison dépend des températures qui sévissent avant et durant la période de celle ci et peut s’étaler sur deux semaines environ avec plusieurs flux. Les fleurs n’ont pas la même aptitude à la nouaison et les premières sont plus effectives. Des déséquilibres hydriques et alimentaires pendant la période d’induction florale induisent des anomalies florales (stérilités, avortement ovulaire) et contribuent à la réduction des rendements et à leur alternance.
Les conditions climatiques, caractérisées généralement par d’importantes variations inter-annuelles dans les disponibilités en froid et en chaleur, ont aussi un impact considérable sur les périodes de floraison des variétés inter-pollinsatrices. Des décalages de floraison assez importants peuvent être observés (cas de 2004) et une partie des fleurs ne peut pas être fécondée. L’adoption de variétés autofertiles peut pallier à ce décalage et présente l’avantage de s’affranchir aussi des contraintes liées aux basses températures qui ralentissent la croissance des tubes polliniques.
Importance des plants certifiés
L’utilisation de plants certifiés est un autre aspect à prendre en considération dans l’établissement des nouvelles plantations. Les conditions de qualité, à savoir l’authenticité variétale et l’état sanitaire, sont garantis. Les risques de baisses considérables de rendement et même de réduction de vigueur et de dégénérescences des arbres liés aux agents infectieux (virus, viroïdes et mycoplasme) existent dans l’adoption d’un plant de type commun. Le règlement technique de la DPVCTRF en cours, sensibilise les pépinièristes et les arboriculteurs sur l’intérêt de la production et de l’utilisation de plants certifiés. C’est l’opération de départ qui donne les chances à un plant pour extérioriser ses performances et augmenter les rendements.
Perspectives
Le besoin sans cesse pressant de cultiver l’amandier même en zone à haut risque de gelée nécessite de sélectionner encore plus pour la tardiveté de floraison. L’évaluation de nouvelles variétés très tardives à la floraison (après Ferragnès et Ferraduel) est en cours de réalisation dans le Domaine Expérimental de l’INRA à Aïn Taoujdate. Un programme d’hybridation, combinant la tardiveté de floraison et l’auto-compatibilité est entrepris depuis quelques années. Des résultats encourageants sont obtenus et seront mis à la disposition de la profession dès leur confirmation.
L’amélioration pour la tolérance aux attaques larvaires du capnode noir constitue aussi un axe de recherche important dans le programme de recherche de l’INRA et en collaboration avec l’ENA. Le semis de Marcona, qui donne des plants homogènes en pépinière, de l’amandier amer et l’hybride amandier x pêcher GF677, restent sensibles à ce ravageur qui causent des dégâts importants au niveau des racines surtout lorsque la culture est en situation de stress intense. La lutte chimique est onéreuse et ne préserve pas l’environnement. La sélection d’un porte-greffe tolérant à ces attaques et qui supporte mieux la sécheresse est donc important pour cette culture.
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Ahmed OUKABLI et Ali MAMOUNI
INRA, Unité de Recherche Amélioration des Plantes et Conservation des Ressources Phyto-génétiques, Centre Régional de Meknès, BP 578