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Qualité globale du lait cru de vache au Maroc Concepts, état des lieux et perspectives d’amélioration

Qualité globale du lait en étables suburbaines: relations aux pratiques d’élevage

Cinq étables suburbaines ont fait l’objet d’un suivi mensuel pendant une année. À chaque passage, un échantillon de lait de mélange a été prélevé en vue d’une analyse au laboratoire (densité, pH, taux butyreux et protéique, FMAT, présence d’inhibiteurs de la flore microbienne), et les pratiques d’élevage et d’hygiène dans les étables ont été renseignées.

Les résultats ont montré que le taux butyreux du lait était beaucoup plus variable que le taux protéique (Figure 1), dévoilant des stratégies d’alimentation des vaches beaucoup plus basées sur les concentrés et aussi des niveaux de productivité par vache très changeants (le taux butyreux est plus élevé dans les étables 1, 2 et 3 où le rendement est inférieur à 4 000 kg/an).

Le taux butyreux moyen annuel pour les 60 échantillons de lait récoltés était de 37,1 g/kg, inférieur à la norme de 40 g/kg. En revanche, le taux protéique moyen était de 31,9 g/kg, supérieur à la norme de 30 g/kg et témoignant des stratégies d’alimentation avec des concentrés.

Au niveau de la qualité hygiénique, tous les échantillons de lait collectés peuvent être qualifiés de mauvais car ils dépassent de loin la norme internationale maximale de 105 unités formant colonies (ufc)/ml. Les dénombrements moyens par exploitation varient de 1,2 x 106 à 2,5 x 107 ufc/ml, ce qui démontre une forte variabilité. Ils témoignent aussi d’une insuffisante maîtrise de l’hygiène, que ce soit lors de la traite principalement, mais aussi dans l’environnement global des bâtiments d’élevage.

La détection des inhibiteurs de croissance de la flore microbienne du lait par la méthode du Delvotest® (test officiel utilisé dans les pays de l’Union Européenne) a révélé une moyenne de contamination de 25 %. Ce résultat exprime l’ampleur d’utilisation des antibiotiques comme pratique courante de traitement des mammites dans les fermes laitières à haut niveau d’usage d’intrants. Il est aussi possible d’en déduire que le lait provenant d’animaux traités n’est que rarement écarté de la collecte en raison du non respect des délais d’attente nécessaires après l’utilisation d’antibiotiques.

La variabilité de la qualité globale du lait est surtout déterminée par les conditions de traite

Les résultats antérieurs ayant révélé une grande variabilité des critères physiques, chimiques et surtout hygiéniques de qualité du lait, et ce, dans le contexte précis d’étables spécialisées suburbaines, il était logique d’élargir la base d’étude à une palette plus grande de situations d’élevages et d’affiner les critères analytiques, notamment hygiéniques. Aussi, dans ce travail, ce sont 76 élevages situés dans la région de Rabat-Salé Zemmour Zaër, qui ont fait l’objet d’une enquête approfondie sur les pratiques de traite et d’affouragement du cheptel bovin, lors du printemps 2004. En parallèle, un échantillon de lait de mélange a été prélevé et soumis aux analyses suivantes:

 le pH et la température du lait à la ferme;
 le taux butyreux (TB), le taux protéique (TP) et le taux d’urée dans le lait;
 le dénombrement de la FMAT, des coliformes totaux et fécaux.

Les résultats confirment la très grande variabilité de tous les paramètres physiques et chimiques du lait, encore plus avérée pour le TB (37,5 ± 8,5 g/kg). Globalement, les valeurs moyennes obtenues pour le pH (6,60), la densité à 20°C (1,0278), l’urée (354 mg/100 ml) et le TP (31,73 g/kg) se situent dans le cadre des valeurs retenues comme normales pour le lait de vache (Tableau 1, voir fichier PDF).

Cette variabilité est encore plus évidente pour les critères renseignant sur la qualité hygiénique du lait (FMAT, coliformes totaux et fécaux), puisqu’ils présentent un écart type six fois supérieur à la moyenne.

En vue de lier cette variabilité de la qualité globale du lait à des facteurs d’élevage déterminants, une analyse des grands groupes de pratiques d’élevage au sein des exploitations a permis d’aboutir à une typologie de profils d’élevage qui se présente comme suit:

 un premier profil (A) groupant 6 élevages, illustrant une traite mécanique propre (bâtiments entièrement en dur, réfrigération du lait, lavages généralisés des mains et des mamelles, usage de lingettes et de vaisselle laitière en aluminium) et une intensification laitière poussée (15,2 kg/v.j et 9,6 UFL des concentrés/v.j) (photo 1, voir fichier PDF);

 un deuxième profil (B) groupant 22 étables, caractérisées par une traite manuelle propre (bâtiments principalement en dur, lavages dominants des mains et des mamelles, usage de seaux en plastique ou en métal, pas de réfrigération du lait) et une intensification laitière intermédiaire (12,7 kg/v.j et 7,4 UFL des concentrés/v.j) (photo 2, voir fichier PDF);

 un troisième profil (C) constitué de 16 étables, avec une traite manuelle assez propre dans un environnement favorable au lavage (bâtiments en dur, lavages généralisés des mains et mamelles, sans l’usage de lingette et sans réfrigération du lait), et un début d’intensification laitière (11,5 kg/v.j et 4,5 UFL des concentrés/v.j);

 un quatrième et dernier profil (D) de 32 étables, avec une traite manuelle sale (bâtiments rudimentaires, vaisselle laitière en plastique, lavage aléatoire des mamelles, pas de lingettes) et bien plus extensives (7,0 kg/v.j et 0,9 UFL des concentrés/v.j) (photo 3, voir fichier PDF).

Les relations entre ces groupes de profil de traite et la qualité globale du lait a montré des incidences marquées sur la contamination du lait en micro-organismes, surtout au niveau des coliformes fécaux (Tableau 2, voir fichier PDF).

Les étables avec mécanisation de la traite et lavage systématique des mamelles en utilisant une vaisselle en métal sont celles qui présentent les plus faibles taux des coliformes fécaux, tandis que les étables avec une traite manuelle sale (sans usage de lingette et sans lavage systématique des mamelles) et l’usage de seaux en plastique sont celles qui montrent la plus forte contamination du lait en coliformes fécaux. En revanche, les profils de traite ne semblent pas avoir d’incidence sur la contamination générale en FMAT, indiquant que ce critère demeure très élevé quelque soit l’environnement étudié.

L’ensemble de ces résultats montre ainsi que le typage des pratiques de traite a pour conséquence des différences sur la qualité hygiénique du lait, surtout au niveau du comptage en coliformes fécaux. En effet, la traite manuelle augmente les possibilités de contamination du lait, en accroissant la surface de contact entre le lait et les microorganismes du milieu ambiant, surtout lorsque que ce dernier est souillé.

On peut aussi déduire de ces résultats que l’évaluation rapide de la qualité globale du lait pourrait se faire en procédant à une évaluation des conditions de la traite, du moment que les paramètres physiques et chimiques du lait sont bien moins variables que les paramètres hygiéniques. Autrement, il est possible de recourir au pH, critère dont la détermination est facile, et qui semble être, dans les conditions marocaines, un bon indicateur préliminaire du niveau de contamination microbienne du lait livré.

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