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dimanche, décembre 22, 2024

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L’Insémination artificielle des bovins: Une biotechnologie au service des éleveurs

Facteurs influençant le développement de l’IA

Selon les études réalisées, et les évaluations permanentes de l’insémination artificielle, plusieurs facteurs influencent l’extension de l’IA:

Infrastructure et voies de communication

le manque de développement des infrastructures en milieu rural et l’insuffisance de moyens de communication (routes, pistes impraticables, manque de liaison téléphonique) constituent un handicap majeur à l’extension de l’insémination artificielle. Celle-ci nécessite le déplacement quasi quotidien chez les éleveurs, qui, par manque de moyens de contact s’est souvent soldée par un échec de l’insémination artificielle, ce qui aggrave le manque de confiance et la réticence des éleveurs vis à vis de l’IA.

Système d’organisation

L’IA est une opération qui nécessite la continuité, la ponctualité et la rapidité d’intervention. Dans les conditions actuelles, ces exigences ne sont généralement pas réunies. En effet, le système d’intervention reste prédominé par l’horaire administratif où une faible proportion des inséminateurs assurent la permanence pendant les week end et les jours fériés. De plus, la majorité des inséminateurs effectuent, en plus de l’insémination artificielle, d’autres tâches telles l’inspection des viandes, les actions de prophylaxie ou sont appelés à « d’autres tâches »… Le transfert progressif de l’IA aux associations d’éleveurs permettrait de surmonter cette contrainte.

Facteurs humains

Ils tiennent à la fois à l’agent inséminateur et à l’éleveur.

L’inséminateur

Sa technicité et son savoir-faire influencent fortement la réussite de l’IA. L’agent inséminateur intervient à tous les niveaux; depuis la manipulation des semences lors du stockage jusqu’à sa mise en place finale; en passant par l’organisation des tournées, la détection des chaleurs… Le technicien inséminateur reste l’élément pivot qui conditionne l’extension et la réussite de l’IA. Il reste le seul agent en agriculture (et en milieu rural), qui reste quasiment en contact avec le terrain toute l’année (même les jours fériés dans certains cas) et à ce titre il est l’agent développeur, vulgarisateur et conseiller détenteur et vecteur de progrès et de technologie. Son travail doit être valorisé à juste titre et motivé pour en tirer le meilleur profit dans le domaine.

L’éleveur

C’est l’acteur principal qui conditionne la réussite ou l’échec de l’insémination artificielle par son comportement et ses jugements vis à vis de l’insémination artificielle, de la conduite de son élevage et la détection des chaleurs. De ce fait, l’éleveur doit rester la cible dans le programme de développement de l’IA par la formation et la vulgarisation.

Facteurs d’ordre technique
Qualité de la semence

Au niveau des deux CRIA, des études ont montré que toute la chaîne de production de la semence, notamment la récolte, la dilution et la congélation du sperme concorde avec les normes internationales reconnues dans les centres d’IA. Cependant, certains problèmes qui à l’heure actuelle paraissent peu importants peuvent devenir très aigus, surtout quand les géniteurs seront plus âgés, notamment les tests utilisés pour évaluer la qualité biologique de la semence sont très subjectifs et n’ont pas une forte corrélation avec la fertilité réelle du taureau. Au niveau du centre et chez les inséminateurs la qualité biologique de la semence est très bonne. Les paillettes contiennent au moins 10 millions de spermatozoïdes normaux et vivants ce qui devrait permettre l’obtention d’un taux de réussite (fertilité) minimum de 60% à la première IA si elle est utilisée en respectant les conditions suivantes:

  • conservation adéquate (à –196°C) jusqu’à son utilisation finale chez l’éleveur.
  • décongélation adéquate au moment de son utilisation.
  • insémination au moment opportun (condition sine qua non).
  • respect du lieu de déposition de la semence dans le tractus génital de la vache.
  • fertilité moyenne du troupeau adéquate.
  • la non contamination de la semence.

L’éloignement entre le centre et les points d’intervention implique la détérioration de la qualité de la semence et du matériel (surtout les conteneurs) à cause des manipulations répétées. Cet éloignement entraîne également la rupture de cette activité au moment des ruptures des stocks d’azote ou de la semence.

Qualité génétique des taureaux utilisés

Depuis le lancement du programme de testage des géniteurs sur descendance en 1989, la qualité génétique des taureaux utilisés répond aux normes requises. Les semences sont issues de taureaux dit « testés » génétiquement, donc ayant une supériorité génétique sûre susceptible d’être transmise avec certitude à leur descendance.

Mode de conduite des troupeaux

Gestion de la reproduction

Dans les troupeaux laitiers, la gestion de la reproduction revêt une importance économique. En effet, il a été montré que tout cycle perdu par rapport à l’intervalle admis (45 jours après vêlage), entraîne une réduction de la production laitière de 5% et un manque à gagner pour l’éleveur estimé à 800 Dh par mois. Les paramètres à contrôler sont:

  • Intervalle vêlage-vêlage: Dans les conditions des exploitations marocaines, la durée moyenne de l’intervalle vêlage-vêlage estimée à 410 jours est supérieure à la norme (365 jours). Cet intervalle est influencé par la durée du post-partum ou délai de mise à la reproduction et la durée entre la première IA et l’IA fécondante qui ne sont généralement pas bien maîtrisées par l’éleveur.
  • Index coîtal ou index d’insémination: c’est le nombre d’IA par fécondation qui est élevé (2,4) par rapport à la norme recommandée (1,65). Cette infécondité peut être due à la conduite de la reproduction, l’état sanitaire des animaux ou à la conduite alimentaire. D’autres facteurs tels la détection des chaleurs, notamment les signes et la durée des chaleurs et le moment opportun de l’IA, sont méconnus par une bonne partie des éleveurs et qui augmentent l’infécondité.

L’hygiène

la majorité des éleveurs ne respectent pas les normes d’hygiène des étables à savoir le drainage, l’aération, l’état et la fréquence de changement de la litière ce qui affecte la fécondité du troupeau (métrite) et réduit la réussite de l’IA.

L’alimentation

La réussite de l’IA, ou la fertilité, est influencée par l’état alimentaire de la vache. En effet, la manifestation des signes des chaleurs peut être perturbée par des problèmes alimentaires. Dans les conditions des élevages laitiers marocains, bien que les rations alimentaires distribuées ne soient pas médiocres les problèmes suivants sont relevés: l’indice coîtal élevé (2,4 au lieu de 1,65) pourrait être attribué à un problème alimentaire. La conduite alimentaire des génisses n’est pas adaptée pour des vêlages précoces. En effet, la mise des génisses à la reproduction se fait à un âge tardif; 27 à 34 mois à cause des erreurs de rationnement. Chez la vache laitière, le rationnement utilisé ne permet pas l’extériorisation du potentiel génétique car en plus du fait qu’il ne tient pas compte de chaque phase de la courbe de lactation, l’analyse des rations alimentaires montre que la majorité des éleveurs distribuent des rations pour des productions laitières ne dépassant guère 3000 Kg/lactation.

Le type de stabulation

Le type de stabulation a un effet sur la réussite de l’IA, à travers la détection des chaleurs. Dans certaines exploitations laitières, malgré l’existence des aires d’exercice, les vaches sont en stabulation entravée. Ainsi, la détection des signes des chaleurs notamment le chevauchement ne peut être observé. Il est donc recommandé soit d’opter pour la stabulation libre (détection des chaleurs plus facile); ou en cas de stabulation entravée, un contrôle permanent par l’observation des chaleurs est indispensable.

Autres facteurs

Rôle des organisations professionnelles

Le programme de transfert des activités d’insémination artificielle aux groupements d’éleveurs est mis en place avec la création de l’Association Nationale des Eleveurs de Bovins (ANEB) qui regroupe des coopératives et associations régionales des éleveurs de bovins. Ce transfert est dans un premier temps progressif et réalisé en priorité dans les zones où l’IA a été vulgarisée. L’objectif étant le transfert total de l’application de l’IA. Le programme de transfert des activités d’insémination artificielle prévoit également la contribution de tous les utilisateurs de l’IA organisés, telles les coopératives laitières… dans les conditions fixées par l’Administration. En effet, en collaboration avec les services régionaux d’élevage, l’ANEB et/ou coopératives laitières assurent l’encadrement des circuits d’IA qui leur sont transférés. Dans ces circuits, l’IA est payante et la permanence est souvent assurée.

Conclusion

Si l’insémination artificielle se dessine comme un outil incontournable au développement de l’élevage, le système d’organisation nécessite un intérêt particulier afin de l’adapter à tout moment, au contexte socio-économique, tout en veillant à la préservation des acquis, et en évitant toute rupture ou discontinuité de service chez l’éleveur dont les conséquences peuvent être fatales.

Si l’expérience menée jusqu’à présent s’avère concluante (transfert progressif des frais de l’insémination artificielle aux organisations profession- nelles, et co-gestion par l’Administration et les professionnels), il y a lieu de consolider cet acquis, tout en renforçant l’encadrement du cheptel par d’autres opérations en vue de l’amélioration de l’efficience de l’insémination artificielle, notamment la gestion rationnelle de la reproduction, l’encadrement sanitaire approprié du cheptel et l’amélioration de l’hygiène et de la qualification technique de l’éleveur pour maîtriser la gestion de son troupeau.

Cet ensemble de « paquet technologique » doit être mené de façon concomitante en vue d’atteindre l’objectif escompté, à savoir l’amélioration de la productivité du cheptel et la valorisation du patrimoine génétique; conditions essentielles à la garantie de la sécurité alimentaire en produits animaux.

Dr. Abderrahman BENLEKHEL, Vétérinaire, Chef de Service de l’Amélioration Génétique, DE/MADRPM
Dr. Samira MANAR, Vétérinaire, DE/MADRPM
Dr. Ahmed EZZAHIRI, Vétérinaire, Chef du CRIA Aïn Jemâa (Casablanca)
Dr. Ahmed BOUHADDANE, Vétérinaire, Chef du CRIA Fouarat (Kénitra)

Activités du projet ConserveTerra

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