Principaux leviers d’intervention
Si les processus de production agricole et de valorisation de l’eau d’irrigation sont très complexes, l’intervention visant l’amélioration des performances actuelles revêt des aspects aussi diversifiés et délicats. L’immensité de l’espace d’intervention, la multitudes des intervenants ainsi que l’éventail du champs d’actions font de la question du développement agricole une des tâches les plus ardues et les plus délicates: d’un côté, les moyens d’intervention sont coûteux et de l’autre coté, les effets sont très peu perceptibles à court et moyen termes.
Néanmoins, nous estimons que certaines actions peuvent être d’une utilité certaine puisqu’elles permettraient de répondre aux soucis majeurs des producteurs.
Les principaux leviers susceptibles de produire des effets notables à court et moyen termes se rapportent à:
- l’amélioration du service de l’eau d’irrigation,
- le développement de l’environnement technique de production, et
- la création d’un environnement socio-économique incitatif.
Amélioration du service de l’eau d’irrigation
Quatre aspects sont à considérer pour l’amélioration du service de l’eau d’irrigation, à savoir:
La maîtrise de l’efficience des réseaux: il s’agit d’abord, de mettre en œuvre une politique ferme en matière d’économie de l’eau, de réduire les coûts élevés de ce service (engendrés le plus souvent par des dysfonctionnements purement administratifs et imputés aux prix de l’eau, sinon au contribuable), et enfin d’opérer, pour les nouveaux équipements, des choix d’options d’aménagement adaptés aux contextes actuels de l’environnement agricole national et international.
Amélioration de l’irrigation à la parcelle: ce qui repose actuellement sur le choix de modes d’irrigation adaptés à la situation de rareté de l’eau dans notre pays (si ce n’est pas immédiatement dans certaines régions, c’est dans quelques années). Il faudra donc adapter les choix d’aujourd’hui aux exigences de demain. Ceci évoque la nécessité d’encourager et de promouvoir les systèmes les plus efficients.
Gestion optimale de l’offre et de la demande: Il s’agira d’une remise en cause des systèmes de gestion actuels afin qu’ils puissent répondre de façon concrète aux besoins. La finalité serait de mettre en marche un système de pilotage des irrigations en temps réel. Cette tendance devra se généraliser dans tous les Offices et dépasser le cadre de la démonstration et de la théorisation pour certains. Cette approche appelle aussi l’inscription effective de l’Etat en général et des ORMVA en particulier dans la démarche de la gestion participative de l’irrigation avec l’implication des usagers en tant qu’acteurs à part entière pouvant prendre des décisions.
Partenariat avec les usagers: Il faudra dépasser le stade des intentions pour une implication progressive et effective des usagers, et ce, selon un cadre institutionnel qu’on désigne souvent par le partenariat. Un tel cadre nécessiterait cependant, une organisation efficace du secteur basée avant tout sur la transparence et la démocratie.
Développement de l’environnement technique de production
L’environnement technique de production est resté malgré toutes les innovations techniques qu’a connu le secteur agricole à l’échelle mondiale, très marqué par l’empirisme et l’absence de méthodes scientifiques de production.
En fait, à l’exception des efforts d’introduction des grandes technologies de la production végétale à partir des années 70 (mécanisation, engrais, traitements), le processus de transfert de technologie est resté très limité, voir inefficace, laissant s’installer des pratiques agricoles peu efficientes et parfois dangereuses quant à la durabilité du système productif.
L’amélioration de l’environnement technique toucherait principalement les domaines suivants:
- La recherche appliquée: l’effort actuel doit se concentrer sur l’exploitation des résultats de recherche déjà acquis et qui ne sont diffusés que dans une très faible mesure. Cet effort va de même avec la création d’un réseau national de recherche appliquée dans le secteur irrigué. Cette recherche devrait cependant asseoir les moyens de son existence et de sa durabilité dans une intégration efficace d’un système de recherche-développement, financé par tous les opérateurs concernés et avec l’initiative de l’Etat dans un premier temps.
- Le transfert de technologies: L’état est appelé, à travers ses structures centrales et régionales, de fournir un système (ou des systèmes) d’information sur les prix et marchés qui devrait service de base de décisions aux producteurs quant aux choix à opérer en matière d’assolement, d’investissement et de planification.
En terme de technique, l’Etat est appelé à initier, à travers les ORMVA, un service conseil opérationnel répondant aux exigences des agriculteurs et s’inspirant des nouvelles technologies développées à l’échelle nationale ou internationale. Ce service repose d’une part sur la mise à niveau des connaissances techniques des ingénieurs et techniciens de ces institutions, et d’autre part, sur la mise en œuvre d’un encadrement rapproché, contractuel et motivant (aussi bien le producteur que le technicien).
Enfin, les offices devraient êtres munis de systèmes de suivi-évaluation non figuratifs (à la demande des institutions internationales à l’occasion de financement de projets) mais opérationnels permettant de porter le jugement sur le niveau réel du développement agricole à même d’être en mesure de concevoir les redressements et les interventions nécessaires en temps opportun et avec l’efficacité voulue.
Développement des prestations de services: Le secteurs des intrants et services agricoles joue à l’heure actuelle, non seulement un rôle purement commercial, mais aussi et surtout un rôle de précurseur pour la généralisation des pratiques traditionnellement recommandées et très peu généralisées ainsi que pour l’introduction des nouvelles techniques et technologies ayant des effets, reconnus positifs, sur la production nationale.
Ce secteur où l’Etat joue encore un rôle déterminant devrait être développé, dorénavant, par des professionnels privés et suffisamment motivé (par des encouragements de l’Etat) pour l’amener à jouer pleinement son rôle de développement. A ce niveau, l’expérience des jeunes promoteurs (et jeunes Lauréats) entreprise dans certaines régions, mérite d’être suffisamment encouragée, suivie et analysée pour aplanir les contraintes soulevées par ces derniers à plusieurs niveaux.
La structuration des différents sous secteurs des intrants et services agricoles, relevant des prérogatives de l’Etat (Département de l’Agriculture), devrait cependant s’opérer selon une politique clairvoyante et avec des règles de jeu plus transparentes et où il y a place à la qualité et à l’intérêt général du développement agricole, loin des lobby commerciaux.
Sauvegarde du patrimoine productif: bien entendu, la question de la maximisation de la production englobe aussi la dimension de la durabilité du système productif. Celle-ci ne peut être garantie qu’à travers une politique nationale préservant les ressources du pays.
Les éléments de cette politique seraient:
- la sensibilisation à l’adoption d’assolements équilibrés et non dégradants;
- l’incitation à l’économie de l’eau;
- le raisonnement des traitements chimiques des terres et des cultures (engrais et pesticides);
- une législation préservant la qualité de l’environnement (sol, eau, productions);
- le suivi régulier des niveaux de dégradation de l’environnement.
Création d’un environnement socio-économique incitatif
Les améliorations à opérer dans l’environnement socio-économique de la production se rapportent à:
- L’adaptation du dispositif d’incitation de l’Etat
- La promotion de l’investissement dans le secteur irrigué: ce qui nécessite l’adaptation du système de financement appliqué, avec l’application et la vulgarisation de la prime à l’investissement déjà instaurée.
Par E. Moghli et M. Benjelloun Touimi
Direction de la Production Végétale/MADRPM