Qu'est ce que le compostage ?
La présente entrevue a été réalisée avec Dr. B. SOUDI, Professeur à l’IAV Hassan II. Elle a pour objectif de faire connaître le compostage et les possibilités de valorisation du compost. Des aspects spécifiques aux conditions marocaines sont également abordés.
Qu’est ce que le compostage ?
Le compostage consiste en une décomposition ou une biodégradation de diverses matières organiques (fumiers, déchets verts agricoles, déchets domestiques, déchets agro-industriels, etc…). Les procédés de compostage sont extrêmement variables; depuis des méthodes simples qui consisteront à la mise en tas de matières organiques fraîches et leur retournement périodique jusqu’aux procédés technologiquement sophistiqués de type « compostage robotisé » en passant par le vermi-compostage où les vers de terre sont utilisés comme premiers décomposeurs de la matière organique fraîche.
Qu’en est-il des processus mis en jeu ?
Les processus biochimiques mis en jeu sont ceux qui régissent la biodégradation de la matière organique fraîche. Ils demeurent les mêmes quelque soit le procédé adopté. Les différences résident dans la vitesse de déroulement du processus, le mode d’aération, naturelle ou forcée, et la présentation du produit final.
Sur quelle base peut-on opter pour l’un ou l’autre des procédés ?
Le choix de l’un ou l’autre des procédés doit se faire sur la base d’une étude de faisabilité tenant compte de la nature et de la disponibilité des matières premières, des destinations des produits et des différentes filières de valorisation du compost. D’autres variantes sont aussi à considérer: utilisation individuelle au niveau de l’exploitation, compostage collectif par des groupements d’agriculteurs, commercialisation du produit par une unité industrielle etc…De là, on déduit que malgré l’universalité des processus biochimiques mis en jeu, il n’y a pas de recette standard de compostage.
Il semble que le compostage est une ancienne pratique …
C’est exact, le compostage ne date pas d’hier, il fut pratiqué depuis des siècles par les exploitants et les jardiniers de différentes régions du monde. Les chinois sont les premiers à instaurer la pratique de restitution des résidus de récolte et des déchets humains aux sols des deltas des fleuves. Les nouveautés qui ont survenu longtemps après dans le monde occidental résidaient dans la compréhension des réactions mises en jeu et le traitement en continu et à grande échelle des déchets.
En gros, à quoi sert le compost ?
Le compost joue deux rôles majeurs: un rôle alimentaire qui réside dans la fourniture progressive des éléments nutritifs aux plantes cultivées et le renforcement de l’efficacité des engrais minéraux apportés, et un rôle d’amélioration des propriétés physiques des sols (rétention en eau, structure). Il est clair que la disponibilité de certains éléments nutritifs diminue au cours du compostage mais cette diminution est compensée par les autres avantages offerts par le compost.
Quelle est la différence entre le compost et le fumier ?
L’utilisation du compost comme produit d’amendement présente plusieurs avantages par rapport à l’incorporation du fumier frais ou d’autres résidus organiques non décomposés. En effet, le fumier par exemple véhicule les graines de plantes adventices et les germes phytpathogènes. Le transfert de fumier d’une région à l’autre du Maroc devient non pas seulement un facteur de transfert inter-régions de la fertilité des sols mais également un moyen de transport de graines de mauvaises herbes (dont récemment la morelle jaune) et des nématodes dans les régions maraîchères et pourquoi pas le fusarium responsable du Bayoud du palmier dattier, surtout que l’application du fumier dans les oasis marocains est une pratique courante visant l’atténuation des effets néfastes de la sodicité des sols. Ces problèmes sont entièrement éradiqués par le processus de compostage durant la phase thermophile. Des recherches récentes montrent que l’incorporation du compost aux sols permet, par le développement de saprophytes compétitifs, d’inhiber certains germes phytopathogènes.
En plus de ces avantages, le compostage permet de réduire le volume des déchets d’environ 45 à 50 %, ce qui rend son application et son transport plus commodes et moins coûteux.
On parle beaucoup de pertes de matière organique des sols, peut-on utiliser le compost comme produit de redressement ?
Permettez-moi de faire un petit constat sur ce problème crucial qui n’est pas bien perçu à l’échelle d’une ou deux générations. En effet, le patrimoine humique des sols est non extensible et demeure plutôt sujet à des pertes colossales à cause de la mauvaise gestion des résidus de récolte, de la mise en culture de terrains de parcours, du phénomène d’érosion et d’autres pratiques non rationnelles.
Ce phénomène est assez bien exprimé dans les périmètres irrigués où la restitution des résidus de récolte au sol est presque nulle. Ajoutons à cela que ces déperditions sont amplifiées par le processus de minéralisation assez intense, compte tenues des conditions hydriques et thermiques favorables pour la microflore minéralisatrice dans ces régions. A titre d’illustration, le dépouillement des données d’analyses de diagnostic de la fertilité des sols dans le périmètre irrigué des Doukkala a permis de montrer que les taux de perte après dix années varient à travers les quatre principaux types de sols de la région de 18 à 33 %. Pour revenir à votre question, je peux dire qu’il est évident que l’utilisation du compost est un bon remède de réhabilitation de ces sols.
Quelles sont les autres possibilités de valorisation du compost ?
En plus de l’utilisation du compost comme produit d’amendement organique des sols, il peut être aussi valorisé pour la fabrication des substrats de cultures et les pots de pépinières de plantes ornementales et forestières. En effet, les volumes de substrats importées, surtout dans le domaine horticole, sont très importants alors qu’on dispose de toutes les matières premières requises (roches volcaniques, pouzzolanes, compost, …) pour la fabrication de substrats au niveau local.
Le secteur d’agriculture biologique, appelé à être développé, demeure également un excellent champ de valorisation du compost. En effet, contrairement à l’agriculture conventionnelle, l’agriculture biologique ou « Organic Farming » est non utilisatrice des produits agro-chimiques (engrais et pesticides). Pour ce cas précis, des additifs de matières premières riches en azote s’avéreront nécessaires étant donné que le compostage stabilise les composés azotés et ne permet qu’une libération progressive. La maturation du compost ne doit pas être poussée dans ce type d’usage.
Quelles sont les matières compostables ?
La liste est large; on peut énumérer plus de cent matières premières et ingrédients susceptibles d’être compostés individuellement ou en mélanges. Toutes les matières d’origines végétale et animale, ainsi que tous les déchets fermentescibles, sont compostables. Toutefois, un certain nombre de paramètres de la matière première et/ou du mélange de deux ou plusieurs ingrédients sont importants à considérer pour le démarrage et le bon déroulement du processus de compostage. La richesse du compost produit dépend de la nature et des proportions des différents ingrédients. Il convient de souligner qu’au Maroc, on dispose d’une panoplie de matières compostables (fumiers, déchets verts agricoles générées par les cultures sous serre, et d’autres produits de grande valeur pour le compostage). A ce niveau, il est utile de souligner que des quantités importantes de déchets verts agricoles sont produites par les cultures sous serre.
A titre d’illustration, un hectare de bananier sous serre produit environ 40 à 60 tonnes de bananes et 75 tonnes de déchets riches en fibres. Les autres cultures maraîchères génèrent une masse de déchets équivalente à 30 % de la production. En ce qui concerne le fumier, les quantités produites annuellement au Maroc sont estimées à 13 millions de tonnes. Une étude en cours fait le point sur les principales matières compostables au Maroc et leur localisation géographique.