Introduction
L’intensification de la mise en valeur agricole des sols, en zones irriguées, est accompagnée d’une fertilisation minérale excessive et d’une mauvaise gestion de la matière organique et des résidus de récolte.
Au Maroc, depuis 1985, en raison des avantages fiscaux accordés aux agriculteurs, cette intensification s’est fortement accentuée et a généré une détérioration de la qualité des sols et des eaux souterraines. Les processus de dégradation les plus exprimés résident dans la salinisation des terres, la réduction du drainage, en raison de la compaction des sols, et la pollution nitrique des nappes, suite à l’emploi de doses abusives de produits agrochimiques. Ces problèmes peuvent significativement limiter, à terme, la durabilité de la production.
Malgré les efforts significatifs déployés dans le but d’attirer l’attention des producteurs sur les graves conséquences de pratiques mal raisonnées, on constate des détériorations qui risquent de devenir irréversibles.
A côté de ces fléaux, vient s’ajouter un problème crucial qui se perçoit difficilement à l’échelle d’une génération et qui se traduit par une perte importante du patrimoine humique du sol. Ce phénomène amplifie les autres processus de détérioration de la qualité des sols. En effet, en plus de la dégradation de la fertilité chimique, la structure du sol est aussi menacée et par conséquent toutes les propriétés qui lui sont liées.
Si on considère un taux moyen de matière organique des sols marocains de 1.3 % pour la superficie cultivable, qui est d’environ 9 millions d’hectares, le patrimoine humique global à gérer est d’environ 351 millions de tonnes sur une couche de sol de 20 cm. Ce patrimoine non extensible, est sujet à des pertes importantes dues à la mauvaise gestion des résidus de récolte, à la mise en cultures des terrains de parcours, au phénomène d’érosion et à d’autres pratiques non rationnelles.
Dans les périmètres irrigués, la restitution des résidus de récolte au sol est presque nulle, particulièrement durant les années de sécheresse où les feuilles et les collets de betterave par exemple sont exportés des parcelles pour l’alimentation du bétail. De là, résulte une chute appréciable de matière organique du sol. Ces déperditions sont amplifiées par le processus de minéralisation assez intense, compte tenues des conditions hydriques et thermiques favorables pour la microflore minéralisatrice dans ces régions. Ces phénomènes, tributaires aussi bien à une mauvaise gestion des résidus qu’aux conditions écologiques favorables à la minéralisation de la matière organique, concourent à un déséquilibre du bilan global de la matière organique.
L’objet de cette note consiste à faire un constat sur la gestion de la matière organique des sols sur la base de diagnostics et travaux de recherche antérieurs.
Intensification agricole et évolution de la matière organique
Notion de type de sol et évolution de la matière organique
Le dépouillement des données d’analyses de diagnostic de la fertilité des sols dans le périmètre irrigué des Doukkala a permis de faire ressortir la tendance d’évolution de la matière organique dans les principaux types de sols (tableau 1) (voir fichier PDF) .
La perte moyenne décadaire (10 ans) à travers les quatre principaux types de sols varie de 18,1 à 32,6 %. Les pertes se sont avérées plus élevées dans les sols sableux et dans les sols peu évolués. Ceci peut être expliqué par la faible fraction d’argile qui est susceptible de garantir une protection relative de la matière organique par les associations entre les colloïdes minéraux argileux et les colloïdes humiques. Les faibles taux de déperdition sont observés pour les sols argileux.
Les taux annuels de perte de matière organique par minéralisation varient de 1,9 à 3,3 %. Ces deux valeurs peuvent être assimilées à des taux de destruction de l’humus ou aux coefficients de minéralisation annuelle. Ils permettent d’estimer, sur la base des équations de bilan de l’humus, les quantités annuelles en matière organique fraîche qui auraient été apportées ou restituées au sol pour éviter les déperditions observées. Ces coefficients peuvent également être utilisés dans des modèles de simulation de l’évolution de la matière organique.