TECHNIQUES D’AMÉLIORATION DE L’EFFICIENCE D’UTILISATION DE L’EAU
Définitions
L’efficience d’utilisation de l’eau pour la production végétale (EUE) est définie comme étant le ratio entre la production et l’eau consommée. Elle peut se calculer à plusieurs échelles de temps et de niveaux d’analyse. Pour un physiologiste, cette notion traduit l’efficience des feuilles à échanger l’eau contre le gaz carbonique, ou en d’autres termes le ratio entre la photosynthèse et la transpiration. Pour un agronome, l’EUE est le ratio entre la production de matière sèche (ou le rendement) et la consommation en eau (ETR).
Matière sèche (MS)
EUEms = ————————- (1)
ETR
Rendement grain
EUEgr = ————————- (2)
ETR
Pour les besoins de l’analyse, prenons l’équation (1) qui par ailleurs est probablement la plus approprié pour les zones arides et semi-arides du fait de l’importance aussi bien de la paille que du grain dans ces régions.
Par définition, l’ETR est composé de la somme de deux quantités qui sont la transpiration (T) et l’évaporation du sol (Es):
ETR = T + Es (3)
Par ailleurs, la matière sèche (grain+paille) produite par la culture peut être exprimée comme suit:
MS = T (MS/T) (4)
L’équation (1) peut donc être reformulée comme suit:
MS/T
EUE = ———— (5)
1 + (Es/T)
Le rapport MS/T traduit la quantité de matière sèche produit par unité de transpiration et de ce fait il est appelé « efficience de transpiration ».
TECHNIQUES D’AMÉLIORATION DE L’EUE
D’après sa définition (équation 5), l’EUE peut être améliorée en augmentant l’efficience de transpiration (MS/T) et en réduisant le rapport Es/T. En effet, ces deux stratégies figurent parmi les principaux moyens utilisés pour améliorer l’efficience d’utilisation de l’eau dans les zones arides et semi-arides. Les différentes stratégies adoptées sont résumées dans le tableau 7.
Tableau 7: Stratégies d’amélioration de l’efficience d’utilisation de l’eau en zones arides et semi-arides
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Ces stratégies peuvent être classées en quatre groupes qui sont (1) le choix de cultures et de génotypes adaptés à la sécheresse et à la région considérée, (2) l’augmentation de la part de la transpiration dans l’ETR (réduire Es/T), (3) l’augmentation de l’efficience de transpiration (MS/T), et (4) l’ajustement des besoins en eau des cultures à l’offre climatique.
Choix des cultures et de génotype adaptés
L’exploitation de la variabilité génétique de la durée du cycle des cultures est un moyen important dans l’ajustement du cycle à la saison pluviométrique. La superposition de la saison de croissance à la saison pluvieuse permet de profiter des disponibilités en eau pour la transpiration et fait échapper la culture au stress hydrique durant sa période reproductive. La durée de la saison des pluies est généralement de 4 à 5 mois dans le semi-aride méditerranéen et est d’autant plus courte que le climat est aride. L’utilisation de variétés plus au moins précoces a permis une augmentation et une stabilisation des rendements dans les zones arides et semi-aride.
L’utilisation de génotypes présentant des caractères des résistance à la sécheresse tels que la sensibilité à la photopériode, la plasticité dans le développement, un système racinaire dense et profond, l’ajustement osmotique, la maintenance du couvert foliaire, et un indice de récolte plus important, peut aussi contribuer à l’augmentation de l’efficience d’utilisation de l’eau.
Réduction de la part de l’évaporation du sol dans l’ETR
En zone aride et semi-aride, la part de l’évaporation du sol dans l’ETR est souvent supérieure à 50%. Cette eau perdue par évaporation directe au niveau du sol est une perte du fait qu’elle n’intervient pas dans production de la culture. Seule la quantité d’eau transpirée génère une production. Il est donc important à ce niveau de canaliser toute l’eau disponible vers la transpiration. La majeure partie de Es est perdue durant le début de cycle où le sol est faiblement couvert par la culture et où le sol est généralement humide en surface.
Les techniques pouvant contribuer à la réduction de l’évaporation du sol sont le mulching, une densité optimale de peuplement couvrant rapidement le sol, et l’utilisation de génotypes ayant une vigueur importante au départ pour maximiser l’interception de la radiation par les feuilles.
Augmentation de l’efficience de transpiration (MS/T)
La quantité de matière sèche produite par unité de transpiration est un paramètre relativement stable pour une culture donnée, dans un milieu donné. Cependant, des variations existent par groupes de culture. Les plantes C4 (ex. Maïs, sorgho, canne à sucre) ont une efficience de transpiration plus importante que les plantes C3 (ex. Blés, légumineuses). D’autre part, l’efficience de transpiration est plus importante durant les périodes à faible pouvoir évaporant de l’air (ex. l’hiver). La valeur de cette efficience varie entre 4 et 9 g de matière sèche par Kg d’eau.
Les techniques culturales pouvant contribuer à l’augmentation de l’efficience de transpiration sont le choix de cultures plus efficientes (C4), l’avancement des semis vers l’hiver, et le choix d’un système de culture basé sur les cultures hivernales.
Équilibrer le bilan offre-demande en eau
Cette stratégie essaye d’agir sur le bilan hydrique des cultures en augmentant d’une part la mobilisation de l’eau pour les cultures et d’autre part en réduisant le besoin des cultures à un niveau compatible avec celui des disponibilités.
Pour augmenter les ressources en eau disponibles, la technique de choix étant l’irrigation. Comme les disponibilités en eau globales au niveau des régions arides et semi-arides sont insuffisantes pour combler totalement les besoins des cultures, leur mobilisation peut néanmoins servir d’appoint aux stades les plus sensibles de la culture et durant les années les plus sèches. On parle donc dans ces régions d’irrigation de supplément ou d’appoint. L’eau peut être mobilisée et collectée dans des ouvrages locaux comme les barrages collinaires.
Les eaux de ruissellement peuvent aussi être mobilisées en réservant une surface de sol pour la collecte de l’eau, généralement un petit bassin versant ou une partie de la parcelle, et l’eau est dirigée vers la partie cultivée. Selon l’aridité du climat, on choisira un rapport approprié entre la surface de collecte et celle de culture. L’augmentation de l’infiltration et la réduction du ruissellement sont aussi utilisées pour mobiliser l’eau au niveau de la parcelle.
D’autres techniques d’augmentation des disponibilités en eau pour la culture sont la jachère, le travail du sol et le contrôle des mauvaises herbes. La jachère permet un report d’eau d’une saison à l’autre. Le travail du sol favorise l’enracinement de la culture et l’infiltration de l’eau. Cependant, Il peut contribuer à une perte en eau lorsqu’il est profond et lorsqu’il est réalisé en période sèche.
la réduction de la demande en eau par la culture permet d’ajuster la consommation aux disponibilités et éviter ainsi les effets néfastes du stress hydrique sur le rendement. Les techniques utilisées dans ce domaine sont la réduction de la densité de semis, l’utilisation de larges interlignes de semis, la réduction du peuplement en période de sécheresse, et l’utilisation de produits chimiques capables d’arrêter la transpiration (antitranspirants).
CONCLUSION
La gestion de la contrainte pluviométrique au niveau des zones arides et semi-arides nécessite tout d’abord la caractérisation de cette contrainte qui pose une limite supérieure à la productivité des cultures. L’augmentation et la stabilisation des rendements dans ces régions est basée sur l’application de techniques qui permettent l’augmentation de l’efficience d’utilisation de l’eau.
Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II
(1) Harris, H.C; Cooper, P.J.M, and Pala, M (1991). Soil and crop management for improved water use efficiency in rainfed areas, ICARDA.
(2) Ludlow, M.M and Muchow, R.C (1990). A critical evaluation of traits for improving crop yields in water-limited environments. Advances in Agronomy , vol. 43.
(3) FAO (1977). Crop water requirements, Bull. 24.
(4) Arnon, I (1972). crop production in dry regions.
(5) Bamouh, A (1991). Effet de la densité de peuplement et de l’irrigation d’appoint sur l’interception de la lumière, l’utilisation de l’eau et la production de matière sèche chez la fève et le cotton en zone semi-aride. Thèse de doctorat, Université de Californie, Davis, USA.
(6) Noufiri, H (1992). Application d’un modèle de simulation du bilan hydrique à la prévision des rendements de la fève. Mémoire IAV.
(7) Baidada, A (1989). Evaluation et validation d’un modèle de simulation du déficit hydrique. Mémoire IAV.
(8) Watts, D.G and El Mourid, M (1988). Rainfall patterns and probabilities in the semi-arid cereal production region of Morocco. Programme aridoculture, INRA.