Au cours de son cycle végétatif, la culture de la tomate sous abri est continuellement menacée par les différents ravageurs et maladies obligeant ainsi l’agriculteur à traiter chimiquement. Ainsi compte tenu de l’impact de l’utilisation de pesticides sur l’environnement, sur la trésorerie de l’agriculteur et sur l’efficacité même de traitement, la présente étude a été conduite ayant pour objectif de rationaliser les quantités de produits employés en intervenant sur le nombre d’applications des pesticides et les quantités de bouillie par hectare. Pour cela deux types de matériel de traitement ont été utilisés, un à lance (le plus utilisé) et un pneumatique. Un suivi régulier de la culture a été effectué basé sur des observations concernant les maladies de la tomate, plus particulièrement le mildiou, le Botrytis et l’oïdium. Les résultats de cette étude ont montré que les différentes maladies ont été bien contrôlées en réduisant le volume de bouillie par hectare et le nombre d’interventions chimiques. De même, il ressort que le coût de l’opération chimique a été réduit significativement. Le coût des interventions pesticides qui représentait 18% du total de production de la culture selon le calendrier conventionnel, a été ramené à 2.5% lorsqu’on a réduit le nombre de traitements fongicides et le volume pulvérisé par hectare.
Introduction
Au Maroc, la culture de la tomate sous abri (appelé communément sous serre) occupe une place prépondérante dans l’économie nationale, tant sur le plan des superficies que sur le plan de la production. La superficie cultivée est d’environ 5 500 ha en 1996 avec une production de 427 500 T dont 165 535 T sont exportées (MAMVA,1996). La tomate sous serre est concentrée essentiellement dans les régions d’Agadir, d’El Jadida et de Rabat.
Au cours de son cycle végétatif, cette culture est continuellement menacée par les différentes maladies et ravageurs (Jone et al, 1991) qui affectent aussi bien la qualité que la quantité de production. Parmi ces ennemis de cultures, on cite le mildiou, l’oïdium, la pourriture grise, et la mineuse. Devant cette situation, l’agriculteur se trouve obligé d’intervenir en utilisant des moyens chimiques.
Toutefois, les conditions d’application de ces produits phytosanitaires sont confrontées à plusieurs problèmes qui sont en relation avec l’efficacité, et une utilisation excessive des produits. Une enquête réalisée dans les principales régions productrices de la tomate sous abri a montré que les volumes de bouillie par hectare sont excessifs et sont en moyenne de 2000 l/ha (Moumen, 1993), Aussi, le nombre d’interventions peut atteindre dans certains cas jusqu’à 20. Ceci malheureusement entraîne des pertes énormes de produits, des traitements non justifiés et un coût élevé de l’opération.
Le présent travail a pour objectif de rationaliser les quantités de pesticides employées pour la protection phytosanitaire de la tomate, en intervenant sur le nombre d’applications et le volume de bouille par hectare.
Méthodologie
Protocole expérimental
Afin de répondre à notre objectif, des essais ont été menés dans une exploitation agricole dans la région de Rabat. La variété de la tomate est le Kiwat et l’abri utilisé sont de type SOCODAM de dimension 56x9x3 m. Le matériel d’application utilisé est de deux types:
Le pulvérisateur à lances: c’est un pulvérisateur à pression liquide à jet projeté d’une capacité de 2000l, muni généralement de deux lances et tiré par un tracteur. C’est l’appareil le plus utilisé au Maroc.
Le pulvérisateur pneumatique à dos: malgré la faible capacité de sa cuve, qui est de 15 l, ce type de pulvérisateur a été choisi pour le principe de pulvérisation qu’il offre. En effet, il permet d’obtenir des gouttelettes très fines et par conséquent une réduction du volume par hectare. Il est muni d’un ventilateur actionné par un petit moteur à deux temps.
Trois serres ont été choisies:
Serre I: correspond au traitement de l’agriculteur. L’appareillage utilisé est un pulvérisateur à lance et le calendrier adopté est celui de l’agriculteur.
Serre II: correspond à un traitement employant le pulvérisateur pneumatique à dos avec le calendrier de traitement adopté par l’agriculteur.
Serre III: correspond à un traitement employant le pulvérisateur pneumatique avec un calendrier de traitement raisonné.
Suivi du développement des maladies
Le suivi du développement des maladies et des ravageurs nous a permis de décider des interventions de traitement dans le cadre du calendrier raisonné et de comparer l’évolution des attaques parasitaires de la tomate dans les trois serres. Pour cela, nous avons effectué des contrôles hebdomadaires dans les trois serres. A chaque visite nous avons observé 120 plants par serre. Les observations ont consisté à compter le nombre de plants attaqués et la proportion de folioles infectées par chacune des maladies détectées. Pour le cas particulier de la pourriture grise, l’évaluation du degré d’infection est déterminée par le nombre moyen de feuilles et de fruits attaqués et, d’autre part par le nombre de lésions observées sur les tiges.
Etude économique
Le suivi détaillé de toutes les opérations effectuées a permis de calculer la part du coût des produits phytosanitaires, dans la charge globale de production de la tomate dans les trois serres étudiées.
Résultats
Les maladies et les ravageurs développés sur la culture de tomate dans notre expérimentation sont l’oïdium, la pourriture grise, le mildiou et l’acariose bronzée. La lutte contre ces ennemis de la culture a demandé des traitements répétés (Tableaux 1 et 2). Selon le calendrier de l’agriculteur, nous avons effectué au total 16 traitements, alors que le calendrier de traitement raisonné n’a demandé que 8 interventions.
Tableau 1: Calendrier des traitements dans les serres I et II
0 jours | 17/9/95 | Décis DithaneM45 |
Deltaméthrine Mancozèbe |
40 cc 200 g |
Noctuelles Mildiou |
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4 jours | 21/9/95 | Décis | Deltaméthrine | 40 cc | Noctuelles | |
18 jours | 09/10/95 | Anvil Décis |
Hexaconazole Deltaméthrine |
40 cc 50 cc |
Oïdium Noctuelles |
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9 jours | 18/10/95 | Décis Anvil |
Deltaméthrine Hexaconazole |
40 cc 40 cc |
Noctuelles Oïdium |
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14 jours | 01/11/95 | Anvil Tamaron |
Hexaconazole Methamidophos |
40 cc 150 cc |
Oïdium Noctuelles |
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19 jours | 20/11/95 | Ronilan Dithane M45 |
Vinchlozoline Mancozèbe |
100 g 200 g |
Botrytis Mildiou |
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4 jours | 24/11/95 | Galben M8-65 | Benalaxyl et Mancozèbe | 250 g | Mildiou | |
5 jours | 29/11/95 | Kelthane | Dicofol | 125 cc | Acariose bronzée | |
7 jours | 06/12/95 | Sumisclex | Procymidone | 100 g | Botrytis | |
7 jours | 13/12/95 | Dithane M45 Euparéne |
Mancozèbe Dichlofluanide |
200 g 250 g |
Mildiou Botrytis |
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7 jours | 20/12/95 | Bavistine | Carbendazinne | 250 g | Botrytis | |
9 jours | 29/12/95 | Sumisclex | Procymidone | 100 g | Botrytis | |
9 jours | 07/01/96 | Anteor C3 DithaneM45 |
Cymoxanil+Folpel+Cuivre Mancozèbe |
250 g 200 g |
Mildiou | |
5 jours | 12/01/96 | Anteor C3 DithaneM45 |
Cymoxanil+Folpel+Cuivre mancozèbe |
250 g 200 g |
Mildiou | |
5 jours | 17/01/96 | Bavistine Karaté |
Carbendazine Lambda-cyhalothrine |
250 g 20 cc |
Botrytis Noctuelles |
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12 jours | 29/01/96 | Organil 166 Decis |
Thiophanate-methyl+manèbe Deltaméthrine |
250 g 40 cc |
Mildiou Noctuelles |
Tableau 2: Calendrier des traitements dans la serre III
0 jours | 18/10/95 | Anvil | Hexaconazole | 40 cc | Oïdium | |
14 jours | 03/11/95 | Anvil | Hexaconazole | 40 cc | Oïdium | |
26 jours | 29/11/95 | Kelthane | Dicofol | 125 cc | Acariose bronzée | |
8 jours | 06/12/95 | Anvil | Hexaconazole | 40 cc | Oïdium | |
14 jours | 20/12/95 | Bavistine | Carbendazinne | 250 g | Botrytis | |
9 jours | 29/12/95 | Sumisclex Anvil |
Procymidone Hexaconazole |
Botrytis Oïdium |
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19 jours | 17/01/96 | Bavistine Sumi 8 |
Carbendazine Diniconazole |
Botrytis Oïdium |
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27 jours | 14/02/95 | Galben M8-65 Sumisclex |
Benalaxyl et Mancozèbe Procymidone |
Mildiou Botrytis |
Concernant le volume de bouille par hectare, il a été raisonné en fonction de type de matériel. Pour le pulvérisateur à lances, nous avons utilisé les mêmes réglages que l’agriculteur donnant ainsi, en fonction du débit des lances et de la vitesse d’avancement, des volumes de bouillie variant de 1670 au premier traitement à 4316 l/ha pendant les 16 traitements. Pour le pulvérisateur pneumatique, le volume de bouillie par hectare a été raisonné en fonction de la végétation. Faute de données sur l’indice foliaire de la variété de la tomate étudiée, une méthode basée sur le calcul du volume de feuillage a été employée (El Hadri, 1993). Le volume de bouillie a varié dans notre cas de 520 à 975 l/ha.
La période de traitement de la pourriture grise et de l’oïdium s’est étalée du mois de novembre jusqu’au mois d’avril. Quant au mildiou, il est apparu vers fin février. Il a nécessité un traitement dans le cas du calendrier raisonné, alors qu’aucun traitement anti-mildiou n’a été utilisé selon le calendrier de l’agriculteur.
En ce qui concerne les rendements obtenus, nous avons relevé que malgré les différences au niveau des volumes de bouillie et du nombre d’interventions, aucune différence significative de rendement n’a été observée. En effet, ces rendements étaient respectivement de 2572 kg, 2560 kg et 2545 kg pour les serres I, II et III. Ceci montre d’une part que parmi les traitements effectués certains sont inutiles et d’autre part que les volumes de bouillie par hectare et par conséquent les quantités de pesticides utilisés sont sur-dosées par rapport aux quantités requises. Aussi, il convient de signaler que le pulvérisateur pneumatique, par le courant d’air qu’il engendre, permet des gouttelettes fines et une bonne pénétration (Houmy et al, 1993) permettant ainsi au produit d’atteindre toutes les parties de la plante.
L’évaluation comparée du coût de l’opération relative aux traitements phytosanitaires est présentée dans le tableau 3. D’après ce tableau, Il ressort que l’utilisation du pulvérisateur à jet projeté est quatre fois plus chère que l’utilisation du pulvérisateur pneumatique à dos en suivant le même calendrier de traitement, celui adopté par l’agriculteur. De plus, l’utilisation du pulvérisateur à lance revient 8 fois plus chère par rapport à l’utilisation du pulvérisateur pneumatique et l’adoption en même temps du calendrier du traitement raisonné.
La part des traitements phytosanitaires dans le coût global de la tomate sous l’abris III (pulvérisateur pneumatique à dos + calendrier du traitement raisonné) n’a guère dépassé 2.5%, comparée à 18% dans le cas de la tomate sous abri II (pulvérisateur à lance + calendrier de l’agriculteur ) (tableau 4 ).
Tableau 3: Prix total de l’opération du traitement phytosanitaire dans chaque serre étudiée
Serre I | Serre II | Serre III | |
Prix de revient d’utilisation du matériel de traitement (dh/ha) | |||
Coût des produits phytosanitaires utilisés (dh/ha) | |||
Total (dh/ha) |
Tableau 4: Part des traitements phytosanitaires dans le coût global de production de la tomate dans les serres I, II et III
Produits phytosanitaires | ||||||
Autres charges | ||||||
TOTAL |
Conclusion
Il ressort de cette étude que les différentes maladies développées sur la tomate ont été bien contrôlées tout en réduisant le volume des traitements par hectare et le nombre d’interventions. Ceci s’est traduit par une réduction assez significative du coût de production de la tomate par l’utilisation du pulvérisateur pneumatique à dos et l’adoption du calendrier de traitement raisonné, sans perte de rendement.
Références bibliographiques
Jone J.B, STALL R.E and ZiTTER T.A (1991) .Compendium of tomato diseases. APS Press, St Paul, USA.
El HARDI, K (1993). Atomiseur: Techniques d’application. 673704- F-93/10.
HOUMY K., AMMATI M., MOUMEN N (1993). Techniques de traitement de la tomate sous serre au Maroc, Journée nationales de protection des plantes, Rabat.
MAMVA (1996). Cultures maraîchères de primeurs: Bilan de la campagne 1995/1996.
MOUMEN N (1993). Etude des techniques d’application utilisées pour le traitement de la tomate sous serre au Maroc. Mémoire de fin d’études, IAV Hassan II, Rabat.