Impact des prix mondiaux des produits de pêche sur le secteur halieutique Marocain: Application d’un MEGC pour le secteur Halieutique
KAMILI1, M. R. DOUKKALI2
1 Institut National de la Recherche Halieutique (INRH), Agadir, Maroc
2 Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Rabat, Maroc
Résumé
Ce travail examine l’impact de la hausse des prix mondiaux des produits de pêche sur la production et la rentabilité des activités halieutiques ainsi que l’état des stocks exploités. Pour cet objectif, un modèle d’équilibre général calculable (MEGC) couplé avec un modèle biologique est utilisé. Ce modèle permet d’intégrer la durabilité des stocks exploités. Les résultats montrent que l’augmentation continue des prix mondiaux des produits halieutiques pourrait entraîner une forte augmentation de la production accompagnée d’une forte baisse de la biomasse des espèces exploitées. Ainsi, une fois ces prix augmentent de 10%, les résultats suggèrent que la production moyenne par espèce ne devrait pas dépasser 20% de la production de l’année de référence. Ces résultats supposent que le «rendement maximal soutenable» représente le point de référence pour la gestion des pêches. En outre, l’augmentation de 15% des prix mondiaux des produits halieutiques entraînerait une baisse de 2% des prix intérieurs de la sardine, ce qui contribuera à la sécurité alimentaire domestique. Cette même augmentation pourrait entraîner une légère amélioration des recettes publiques (0,4%) et du PIB (0,3%).
Mots-clés: MEGC, pêche durable, prix mondiaux, produits halieutiques.
Impact of fishery products world prices on the Moroccan fishing sector: Application of a CGEM for the fishing sector
Abstract
This work examines the impact of rising world prices of fishery products on the production and profitability of fishing activities as well as the state of exploited stocks. For this purpose, a computable general equilibrium model (CGME) coupled with a biological model is used. This model makes it possible to integrate the sustainability of exploited stocks. The results show that the continued increase in world prices for fish products would lead to a sharp increase in production accompanied by a sharp decline in the biomass of exploited species. Thus, once these prices increase by 10 %, the results suggest that the average production per species should not exceed 20% of the production of the reference year. These results assume that the “maximum sustainable yield” represents the reference point for fisheries management. In addition, the 15 % increase in world prices for fish products would result in a 2% decrease in domestic sardine prices, which will contribute to domestic food security. This same increase could lead to a slight improvement in government revenue (0.4 %) and GDP (0.3 %).
Keywords: CGEM, sustainable fisheries, world prices, fishery products.
INTRODUCTION
Le contexte du commerce international actuel, marqué par l’accélération du démantèlement des barrières à l’échange, offre des opportunités en matière d’extension du commerce extérieur des produits halieutiques. Cette extension est due en particulier à la demande de ces produits qui ne cesse de croître, en raison de la croissance de la population mondiale et du développement de l’aquaculture mondiale qui repose sur des aliments à base de poisson de capture. De plus, la consommation annuelle moyenne des produits de la pêche a progressé en passant de 9,9 kg / habitant dans les années 1960 à 17 kg / habitant dans les années 2000, 18,5 kg / habitant en 2010, 19,3 kg / habitant en 2012 et les premières estimations pour 2014 indiquent qu’elle pourrait atteindre 20,1 kg / habitant / an (FAO, 2014 et 2016).
Face à cette demande croissante, notamment dans un contexte de mondialisation de plus en plus imposé, le secteur halieutique est devenu particulièrement dépendant du reste du monde et des autres secteurs de l’économie (transport, énergie, etc.). En effet, le secteur de pêche est étroitement lié au marché mondial tant pour ses intrants que pour ses produits. D’une part, la majorité des intrants est importée, en particulier le pétrole qui constitue 49% des consommations intermédiaires (Kamili et Doukkali, 2018). D’autre part, près de la moitié de la production halieutique nationale est exportée. Cette situation, accentuée par la différence des pouvoirs d’achat des consommateurs des pays demandeurs et du Maroc, contribuera sans doute à la hausse des prix mondiaux des produits halieutiques. Les producteurs nationaux seraient encouragés à produire davantage, profitant de cette augmentation des prix mondiaux des produits de la pêche.
Au niveau mondial, le Maroc se classe au 17ème rang avec une production halieutique dépassant 1,35 millions de tonnes, soit l’équivalent de 10,8 milliards de dirhams. Cependant, le Maroc a peu d’influence sur les prix au niveau international et, donc, un pays preneur de prix, vu qu’il ne represente que 0,87 % de la production mondiale halieutique (FAO, 2016). Les prix internationaux des produits de la pêche sont donc susceptibles d’affecter le niveau de production domestique et la durabilité des activités de pêche nationales. L’état des stocks halieutiques serait de plus en plus préoccupant vu le risque de surexploitation, en particulier en l’absence de mesures de gestion appropriées, et la capacité limitée des ressources halieutiques à se régénérer. En ce sens, la mise en place d’une réglementation pour la préservation des ressources constitue un élément clé pour une pêche durable[1]. En fait, ce concept est d’une grande utilité pour s’attaquer aux problèmes de surpêche et d’épuisement des stocks.
La forte dépendance vis-à-vis du reste du monde place le secteur halieutique national dans une position de vulnérabilité face aux différents risques de l’environnement économique international. L’objectif de ce travail est d’étudier l’impact d’une éventuelle augmentation des prix mondiaux des produits halieutiques sur la production halieutique nationale et les implications que cela pourrait avoir sur la rentabilité des activités et l’abondance des stocks d’espèces exploitées. Cet objectif doit être recherché en considérant la structure du secteur, ses caractéristiques biologiques et écologiques et la contrainte de durabilité de la ressource de plus en plus ciblée dans les stratégies de développement sectoriel (DPM, 2009). Cela ne pourrait se faire que dans une approche globale combinant les dimensions économiques et biologiques. Le modèle utilisé dans le cadre de ce travail se réfère au travail de Kamili et Doukkali (2018), qui traite la problématique de dépendance du secteur halieutique à l’énergie fossile. Il s’agit d’un modèle d’équilibre générale calculable pour le secteur de la pêche (MEGC-H).
Cet article est articulé autour de trois sections. La première section traite l’importance de la dépendance du secteur halieutique marocain du marché international des produits de la pêche. La seconde section présente la méthodologie en se focalisant sur le modèle utilisé et les données nécessaires pour sa calibration. Finalement, les résultats et discussions seront présentés dans la dernière section.
Source sur Revue Marocaine des Sciences Agronomique et Vétérinaires et ficher PDF
https://www.agrimaroc.org