RÉSULTATS ET DISCUSSION
Impact sur les variables du secteur halieutique
Impact sur l’offre globale des produits halieutiques
Comme attendu, à court terme, la hausse des prix mondiaux des produits de la pêche a globalement un impact positif sur le secteur (Figure 4). La pêche hauturière est l’activité de pêche la plus sensible à cette hausse des prix, puisque la majeure partie de sa production (poulpe, seiche et crevette) est destinée au marché extérieur. En particulier, l’augmentation des prix mondiaux de la farine et de l’huile de poisson entraînerait automatiquement par une augmentation des captures des espèces nécessaires à la fabrication de ces deux produits, à savoir la sardine et, dans une moindre mesure, le maquereau. Bien que l’impact sur la pêche des petits pélagiques semble être faible en termes de pourcentage par rapport aux autres espèces étudiées (Figure 4), les volumes de capture sont assez élevés. En effet, pour une hausse de 10 % des prix mondiaux des produits halieutiques, le modèle prédit une augmentation moyenne de la production de sardine et de maquereau d’environ 16,9%. Cela équivaut à plus de 159,4 mille tonnes de sardine et de maquereau, ce qui représente une énorme production. Les conséquences seraient donc significatives sur les stocks des espèces exploitées (Figure 8).
Tenant compte de la contrainte de durabilité des ressources exploitées, toute augmentation potentielle de la production ne pourrait se faire, en moyenne, qu’à hauteur de 20% de la production initiale de l’année de référence. Ce qui peut être induit par à une augmentation moyenne des prix mondiaux des produits halieutiques d’environ 10%. Les stocks d’espèces les plus vulnérables, compte tenu de leurs caractéristiques biologiques, sont ceux des crevettes et du maquereau, suivis par ceux du poulpe et de la seiche et, enfin, celui de la sardine (Figure 5). Au-delà de ces limites des prix mondiaux, les pouvoirs publics devraient agir, avec des plans de gestion appropriés, pour limiter l’impact du marché sur les niveaux de production à long terme.
Pour les espèces ayant un MSY plus faible, la production maximale admissible est atteinte plus rapidement. Dans ce cas, chaque fois que la capture maximale admissible est atteinte pour quelques espèces, les producteurs devraient changer leurs stratégies de pêche, en reportant l’effort de pêche sur les espèces ayant un MSY plus élevé. C’est le cas de la sardine qui montre, sur la Figure 5, un fléchissement plus accentuée au-delà d’une hausse des prix mondiaux des produits halieutiques d’environ 10 %. De toute évidence, ce changement de stratégie n’est possible que pour les segments de pêche dotés d’engins permettant la capture de la sardine (notamment les senneurs côtiers et les barques artisanales).
Le niveau global de la production des usines des sous-produits de poisson connaîtrait une forte tendance à la hausse à mesure que les prix mondiaux des produits halieutiques augmentent. L’augmentation de 10 % de ces prix entraînerait une amélioration de la production des sous-produits d’environ 32 %. L’impact sur les autres activités halio-industrielles est également significatif compte tenu de l’amélioration supposée de la production dans le maillon pêche (Figure 4 et Figure 5).
Impact sur le commerce extérieur des produits halieutiques
En termes d’échanges, l’impact de la hausse des prix mondiaux des produits halieutiques est nettement positif sur le commerce extérieur aussi bien pour les exportations que pour les importations des produits halieutiques. Pourtant, l’intensité de l’impact est plus affirmée pour les quantités exportées que pour celles importées. En effet, pour une hausse de 10 % des prix extérieurs des produits halieutiques, le modèle prévoit une hausse moyenne de 38 % des exportations et une hausse moyenne de seulement 12 % des importations (Figure 6), ce qui est tout à fait évident compte tenu de l’importance de la production halieutique nationale et de son sensibilité positive à l’augmentation des prix mondiaux des produits halieutiques (Figure 5).
Les produits exportés les plus affectés concernent les sous-produits de poisson (farine et huile). Une hausse de 10 % des prix mondiaux des produits halieutiques correspondrait une hausse de 38 % des quantités exportées de la farine de poisson et de 45 % des quantités exportées de l’huile de poisson. La croissance de ces exportations pourrait s’expliquer particulièrement par la hausse de la production de la sardine (Figure 5).
L’impact sur les crevettes importées est important (Figure 6a) car la production nationale est peu susceptible de répondre à la demande externe. Ce résultat est fondé sur le fait que certains de ces produits sont traités comme des matières premières dans l’industrie nationale, dont la production est principalement destinée aux marchés étrangers.
Impact sur les prix domestiques des produits halieutiques
Une production supplémentaire des produits de pêche génère une offre importante et des prix qui baissent à mesure que cette offre augmente. Dans la Figure 7a, cette logique n’est respectée que pour la sardine et la seiche. En revanche, pour la majorité des autres produits, les prix augmentent, compte tenu de l’importance de la demande extérieure (Figure 6b).
Sachant qu’environ 98,6 % de la demande des usines de sous-produits en poisson est constituée de sardine, cela suppose que la demande et le prix de ce produit augmenteraient à mesure que les prix des sous-produits et ceux des conserves augmentent. Toutefois, le modèle prédit le contraire ; Une baisse des prix de la sardine en raison de sa forte production (Figure 5). Cette production semble dépasser la demande extérieure, générant ainsi une offre abondante au niveau du marché local et une baisse des prix domestiques.
Quant aux autres produits de la pêche (maquereau, poulpe, crevettes et groupe des autres produits de la pêche), leurs prix domestiques grimpent naturellement avec la hausse des prix à l’exportation. L’impact est bien sûr positif pour l’ensemble des produits traités ou transformés (Figure 7b) car l’augmentation des prix internationaux affecte directement ces produits destinés en grande partie aux marchés extérieurs.
L’augmentation des prix des produits halieutiques aurait implicitement un effet positif sur la rentabilité de toutes les activités halieutiques. Ainsi, une hausse de ces prix de 10 % implique une amélioration moyenne de la rentabilité de 15,3 % pour les bateaux de pêche et une amélioration moyenne de 14,5 % pour les activités halio-industrielles. Les résultats du modèle ont montré que l’intensité de l’impact est presque la même pour toutes les activités appartenant aux deux principaux maillons du secteur halieutique.
Quant à la demande des ménages en produits halieutiques, elle persiste globalement face à toute augmentation éventuelle des prix extérieurs des produits halieutiques. Pour certains produits, cette demande présente une légère amélioration due principalement à la baisse des prix des produits de pêche tels que la sardine et la seiche en raison de leur forte production. Pour d’autres, comme la crevette, le poulpe et le maquereau, la demande des ménages est plutôt en régression étant donné la hausse de leurs prix (Figure 7).
Impact sur la biomasse des espèces exploitées
Rappelons qu’en plus de l’effet du marché, d’autres paramètres d’ordre biologique ou écologique peuvent influencer les résultats, dans notre cas, le taux d’accroissement intrinsèque et la capacité de charge de l’écosystème. Pour des raisons de durabilité des ressources, la biomasse minimale devrait être maintenue quelles que soient les conditions du marché. Pour cette raison, les biomasses évaluées par le modèle doivent ne pas dépasser 10 % de la capacité de charge de l’écosystème pour chaque espèce.
Les prédictions du modèle montrent qu’une augmentation des prix mondiaux des produits halieutiques présenterait un impact négatif sur la biomasse de toutes les espèces étudiées; ceci en raison des captures supplémentaires générées sous l’effet de la demande (Figure 4b). Pour une hausse de 15 % des prix mondiaux des produits halieutiques, le modèle prévoit une baisse de la biomasse d’environ 17,5 % pour la sardine, 11,4 % pour le maquereau, 23 % pour le poulpe, 21 % pour la seiche et 17,6 % pour les crevettes (Figure 8).
A noter qu’étant donné que le MSY de la sardine est plus élevé, une capture des autres petits pélagiques atteignant le maximum autorisé entraînerait un report de l’effort de pêche vers la production de sardine (Figure 5). Ce comportement, résultant des mécanismes de l’offre et de la demande sur le marché des produits de la pêche, expliquerait la pression que subirait le stock de sardine au-delà d’une augmentation d’environ 10 % des prix mondiaux des produits de la pêche (Figure 8).
Impact sur les variables macro-économiques
Contrairement à l’ampleur de l’impact sur les variables du secteur halieutique, l’impact sur les variables macro-économiques est faible en raison de la contribution du secteur halieutique à l’économie nationale (2,7 % du PIB). Une légère amélioration est attendue pour les recettes publiques (0,4 %), les dépenses publiques (0,3 %) et le PIB (0,3 %) si les prix mondiaux des produits halieutiques augmentent de 15%. En revanche, l’impact sur la part du PIB résultant du secteur halieutique serait considérable puisqu’elle accroîtrait de plus de 32 % (Figure 9).
L’augmentation des prix mondiaux des produits halieutiques de 15% pourrait également entraîner une hausse moyenne des revenus des ménages et des entreprises de 0,6% et une hausse moyenne des rendements des facteurs de production à l’échelle de toute l’économie de 0,5%.
Source sur Revue Marocaine des Sciences Agronomique et Vétérinaires et ficher PDF
https://www.agrimaroc.org