Les Bronchopneumonies Infectieuses Enzootiques (BPIE) des bovins: Approche curative et préventive
Z. ZOUAGUI, H. AIT LBACHA
Unité de Pathologie Médicale et Chirurgicale des Ruminants, département de Médecine, Chirurgie et Reproduction, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Rabat, Maroc
Résumé
Les bronchopneumonies infectieuses enzootiques (BPIE) bovines demeurent l’un des problèmes majeurs de l’élevage bovin moderne. Ce complexe morbide parfois mortel, est responsable de pertes économiques considérables tant en termes de production que de productivité. La multiplicité des agents étiologiques de cette entité pathologique et des facteurs de risque pouvant y être associés rend difficile sa maîtrise. La présente revue bibliographique discute les approches préventives et curatives d’actualité pour la lutte contre les BPIE.
Mots-clés: Bronchopneumonies infectieuses enzootiques (BPIE), bovins, traitement, prévention.
INTRODUCTION
Les bronchopneumonies représentent l’une des entités pathologiques multifactorielles les plus fréquentes et les plus préjudiciables économiquement en élevage bovin à travers le monde. Ces affections sont essentiellement des broncho-pneumopathies infectieuses qui peuvent toucher plusieurs individus d’un même lot chez les naisseurs et les engraisseurs. Plusieurs nomenclatures ont été proposées pour qualifier ce groupe de pathologies, ce qui dénote de la complexité de la problématique. Les troubles des jeunes bovins en lots, qui feront l’objet du présent article, appelés complexe maladie respiratoire bovine (Le terme anglo-saxon étant «Bovine Respiratory Disease Complex», BRD) ou encore Broncho-pneumonies Infectieuses Enzootiques (BPIE), sont déclenchés par le concours de facteurs extrinsèques, comme l’environnement, les conditions de vie de l’animal, le stress et divers agents pathogènes, et intrinsèques, comme la race, le poids et le statut immunitaire. Ces pathologies, de loin les plus fréquentes chez le jeune après sevrage, entraînent des pertes économiques considérables. L’objectif de cet article, étant donné la diversité des agents pathogènes en cause et la complexité des conditions d’apparition, est de présenter et discuter des stratégies préventives et curatives à même de permettre un meilleur contrôle.
CAUSES DES BPIE
Éléments infectieux
Les agents microbiens agissent en général en interaction pour déclencher ce que l’on appelle les BPIE. Leur capacité de multiplication et de diffusion est très élevée dans des conditions favorables (confinement, promiscuité, affaiblissement des animaux, etc.). Il en résulte une contagiosité souvent élevée via le milieu de vie ambiant ou par le contact étroit entre animaux. Plusieurs catégories d’agents pathogènes peuvent être à l’origine des maladies respiratoires.
Les virus
• Le virus respiratoire syncitial bovin (BRSV) est un paramyxovirus. Ces effets cytopathiques caractéristiques sur les cultures cellulaires (la formation de syncytia) lui ont valu sa dénomination. La durée d’incubation est de 2 à 10 jours. C’est un agent fréquent des BPIE provoquant des dégâts assez importants lors de la primo-infection (Sacco et al., 2014).
• Le virus Para-influenza 3 (PI3V) est un paramyxovirus. Contrairement au pouvoir pathogène intrinsèque du BRSV, le PI3V ne provoque que des infections subcliniques ou relativement bénignes. Le principal risque demeure les surinfections bactériennes après une infection par le PI3 (Newcomer et al., 2017).
• Le virus la Rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) est un herpesvirus bovin de type 1 (BoHV-1) caractérisé par le phénomène de latence chez les animaux porteurs. Les symptômes cliniques sont principalement respiratoires avec une inflammation des voies respiratoires supérieures (Rhinotrachéite) pouvant évoluer en une pneumonie grave et entraîner la mort de l’animal (Newcomer and Givens, 2016).
• Le virus de la diarrhée virale bovine (BVDV) est un pestivirus. Il jouerait un rôle aggravant dans les pathologies respiratoires par l’immunodépression qu’il entraîne ce qui favoriserait le développement d’autres agents pathogènes (Newcomer and Givens, 2016).
• Autres virus: au niveau du tractus respiratoire on peut également retrouver le réovirus, l’adénovirus, le rhinovirus bovin, le coronavirus et le virus influenza D, etc. Il est à noter ici que la circulation du virus influenza D, dont le pouvoir pathogène reste méconnu, a récemment été rapportée au Maroc (Salem et al., 2017).
Les bactéries
• Les pasteurelles Mannheimia haemolytica, capable de provoquer des bronchopneumonies sans intervention virale, est une bactérie habituellement résidente du tractus respiratoire supérieur des bovins cliniquement sains. Mais, suite à des conditions de stress ou à une infection virale primaire, cette bactérie colonise les poumons, se développe et sécrète des toxines. Celles-ci provoquent de sérieuses lésions du parenchyme pulmonaire (Gershwin et al., 2015; Singh et al., 2011). D’autres pasteurelles pathogènes telles Pasteurella multocida et Histophilus somni sont isolées lors de BPIE (Corbeil, 2007; Dabo et al., 2007).
• Les mycoplasmes: la part des mycoplasmes dans l’incidence des infections respiratoires s’avère de plus en plus grandissante. Mycoplasma bovis est un germe qui a montré beaucoup de résistance aux antibiotiques avec un risque considérable de rechutes après la guérison clinique (Lysnyansky and Ayling, 2016). Les infections mycoplasmiques sont souvent associées à d’autres signes cliniques notamment les arthrites, les otites, les atteintes oculaires et mammaires (Gagea et al., 2006).
D’autres bactéries peuvent être à l’origine de surinfections: Mycoplasma autres que bovis, Salmonella sp, Trueperella pyogenes, les pneumocoques, les colibacilles, etc.
Éléments climatiques, environnementaux et ambiance des bâtiments d’élevage
Plusieurs facteurs non-infectieux favorisent le déclenchement des BPIE dont les plus importants sont:
• Le Froid: les microbes se conservent mieux par temps froid et leur transmission est beaucoup plus facilitée ; ce qui explique une plus grande fréquence des pathologies respiratoires en hiver. De même, les grands écarts de températures et le stress thermique, dans des pays comme le Maroc, surtout dans des bâtiments d’élevage inadaptés font qu’un deuxième pic estival est à redouter.
• Les courants d’air: ils assèchent et favorisent l’irritation des voies respiratoires.
• La mauvaise ventilation et le confort thermique: Les germes se multiplient plus rapidement et se retrouvent concentrés en suspension dans l’air des milieux humides d’où l’accélération de la transmission des microbes. Certains gaz (ammoniac), irritent les muqueuses, et donc facilitent les infections. Tous ses facteurs concourent, avec les facteurs infectieux, à l’émergence des BPIE chez des animaux naturellement handicapés sur le plan de la fonction respiratoire (Lekeux, 1988).
Deux autres facteurs d’apparition des bronchopneumonies chez les jeunes bovins sont importants à signaler:
• La cohabitation entre jeune animaux, très sensibles, et les animaux adultes, plus résistants et porteurs de germes potentiellement dangereux,
• Les divers stress auxquels sont soumis les animaux (stress lié au transport, au changement alimentaire, au parasitisme etc..).