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lundi, décembre 23, 2024

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Changements climatiques au Maroc: quels systèmes de culture et quelles biotechnologies pour s’y adapter ?

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS SEMI-ARIDES

C’est le second espace au Maroc dédié à la céréaliculture et à l’élevage avec de grandes plaines et plateaux comme la Chaouia, le Tadla et une partie importante de Zaër. Avec des pluviométries entre 300 et 400 mm/an irrégulièrement réparties, la vulnérabilité de cet espace, sans être aussi grave qu’en régions arides strictes, serait fortement influencée à terme par les réductions drastiques des précipitations prévues à l’horizon 2050 par les modèles pessimistes tels que MOSAICC (FAO, 2014). Étant donné la pédologie très diversifiée, le risque de perte de potentiel de productivité des cultures serait plus grand en terrains squelettiques ou de texture grossière, à très faible capacité de rétention en eau, qu’en terrains argileux profonds à forte capacité comme les Tirs de la Chaouia. D’autre part, des cultures de printemps comme le maïs et le pois-chiche sont très aléatoires dans ces régions même sans changement climatique. Les rendements obtenus sont sinon nuls, du moins limites, même en faisant jouer l’artifice agronomique combinant cycle court/faible densité et sol profond. Avec l’hypothèse d’une sécheresse encore plus forte dans l’avenir, ce sont les premières espèces qui seraient menacées de disparaître du semi-aride. Dans ces régions, il a été démontré depuis longtemps que la productivité des céréales à paille est fortement corrélée à la hauteur de pluie qui tombe (Elkriti, 1976; Papy, 1979). Par conséquent, avec moins de pluie et un régime pluviométrique plus sévère dans l’avenir, ces espèces, qu’elles soient cultivées pour le grain ou comme fourrage immature pour les animaux, verraient aussi sans doute leur productivité baisser. Au lieu des rendements de 20 -25 Qx/ha pour le grain et 15-20 T/ha comme ensilage, d’après les modèles, on récolterait moins d’ici à 2050. Là aussi, la biotechnologie doit innover en vue d’assurer la durabilité du système en proposant des variétés plus adaptées, avec comme critères de choix la précocité, la tolérance à la sécheresse et la régularité du rendement. Des variétés d’orge ou de blé à cycle levée-floraison de moins de 100 jours (Σθ°J < 900 °C), comme Amalou, Arrehane et Rumax seraient plus indiquées dans ces régions (SONACOS, 2016).

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS EN BOUR FAVORABLE

Le Bour dit favorable au Maroc est surtout dédié aux céréales et aux autres grandes cultures, filière d’une importance capitale pour la sécurité alimentaire du pays où la farine de blé constitue la base de l’alimentation. Le Bour favorable complète le semi-aride et l’aride dans cette fonction de production céréalière, avec plus de 5 millions d’ha, mais en diffère par sa pluviométrie favorable qui va de 450 à plus de 700 mm selon les plateaux et les plaines du pays (450 mm à Zaër, 550 mm dans le Saïs, 650 dans le Gharb, 750 dans le Tangérois). Dans certaines régions, le potentiel est plus à rapprocher de celui de l’irrigué qu’il dépasse même parfois en rendements de blé, lorsque l’année est particulièrement humide (Aït Houssa, 1991, 1996, 2013). Avec une réduction de hauteur de pluie d’environ 14 % d’ici à 2030, comme le modèle MOSAICC le prévoit sur le Maroc (FAO, 2014), le Bour favorable serait selon toute vraisemblance, le moins exposé à une sécheresse excessive dans un avenir proche. Par contre, le modèle prévoit de 21 à 36 % de réduction des pluies d’ici à 2080, ce qui impacterait probablement de façon significative l’agriculture sur le long terme, y compris dans les régions bien arrosées.

En fait, qu’on prenne pour crédible ou moins crédible la chute des précipitations prévue par ce modèle, l’aspect hauteur de pluie annuelle n’est qu’une facette du problème, y compris sous l’angle de risque de sécheresse. Il faut aussi en analyser les variogrammes pour voir qu’est-ce qu’il en serait du régime pluviométrique à hauteur égale de pluie. Quelle interaction de ce nouveau régime avec la durée du cycle de la culture, la date et la densité de semis, la date de récolte,… On sait que la durée du cycle levée-floraison ou levée-maturité est fonction de la somme des températures ou Σθ°J et qu’il serait réduit par le réchauffement climatique comme l’on déjà montré quelques simulations sur le Maroc (Benaouda et Balaghi, 2009). On sait aussi que le blé est très sensible au manque d’eau durant le palier hydrique. Or, un réchauffement climatique sous-entend une accélération de ce cycle mais qui en même temps va de pair avec une augmentation de l’évaporation (ETP) et peut-être aussi des vagues de Chergui précoces, dommageables au grain. Par conséquent, à une même hauteur de pluie, l’interprétation qu’on peut donner aujourd’hui n’est pas forcément la même que celle qu’on sera amené à donner dans quelques décennies, si l’ETP avait évolué ou si le régime des pluies aurait beaucoup changé. A ces quelques remarques, il faut ajouter l’impact du régime pluviométrique sur les dates de semis, les taux de levée, le risque de germination sur épi,…sans oublier les effets bien connus de la température et de l’hygrométrie sur le comportement du cortège habituel de ravageurs (puceron, punaises,..), et de maladies (septoriose, helminthosporiose, rouilles) qui accompagnent la croissance du blé. Dans d’autres secteurs de production, comme les agrumes, d’importants changements sont déjà notés dans le cycle des acariens, du pou de Californie, de la cératite, sous l’effet direct du réchauffement (Elkourdi, 2016; Asfers, 2016).

Dans certaines régions, il faudrait aussi s’intéresser à l’interaction avec les possibilités d’irrigation d’appoint, le coût que cela engendre, comme dans le Saïs et d’autres régions où le potentiel des aquifères baisse d’année en année mais où des transferts d’eau à partir d’autres bassins versants est en cours pour rétablir la situation (Serghini, 2016). Là aussi, il faudrait s’attendre à une reconfiguration des systèmes de culture, pour cause de manque d’eau ou de faible rentabilité des cultures. Des scénarios telle la disparition totale de la betterave sucrière, d’un recul généralisé des céréales au profit des rosacées ou d’autres espèces y sont très plausibles et en tout cas déjà amorcés.

En favorisant l’hypothèse optimiste qu’il n’y aurait qu’un faible et non un changement flagrant climatique qui impacterait l’agriculture dans ces régions, du moins à court terme, et que la céréale y demeurerait la priorité du Maroc, c’est incontestablement dans ces régions que le Maroc dispose d’une biotechnologie et d’un matériel végétal très diversifié issu en grande partie de ses propres recherches scientifiques (Aït Houssa et al., 2016). Un très long catalogue de variétés avec des caractères particuliers qui les distinguent des autres ont été mises au point pour ces régions. Des variétés à cycle long et à haut potentiel (Achtare, Tigre, Radia), à cycle court adaptées aux terrains peu profonds ou marginaux (Arrehane, Resulton), à gros grain (Kanz, Bandera, Wafia), tolérants aux maladies et aux ravageurs (Saada, Fadela, Arrehane, Samia).

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