Les PPP : Quelles limites potentielles et comment peut-on faire pour y palier?
La solution partenariale du PPP présente, comme cité au-dessus, plusieurs avantages, mais elle ne permet pas d’écarter tous les problèmes et les contraintes auxquels sont soumis les gestionnaires publics. Parmi ces contraintes, on cite:
- Les coûts élevés du montage des dossiers initiaux: le montage initial du dossier reste une étape très importante, décisive et cruciale pour la réussite d’un projet réalisé en Partenariat Public-Privé. Cette étape permet de désigner le partenaire privé le plus compétent à développer le projet en question, et ce en fonction de plusieurs critères de choix pertinents.
Cette étape nécessite l’intervention de conseillers spécialisés (techniques, financiers, juridiques…), ce qui implique des dépenses très importantes pour le partenaire public chargé de cette étape.
Face à ces dépenses importantes, le risque pour l’entité publique de recevoir peu d’offres reste potentiel. Par conséquent, et pour faire face à cette limite, deux principales conditions doivent être remplies à savoir:
- Le niveau d’importance du projet: le projet doit avoir une importance suffisante afin de pouvoir compenser les coûts liés au montage des dossiers initiaux par les économies générées lors de l’étape de l’exploitation.
- Une organisation de l’appel à candidature telle qu’elle génère une motivation suffisante afin d’avoir de nombreux soumissionnaires: l’organisation globale du partenariat devra apporter, pour le partenaire privé, une possibilité de gain et de profit suffisante pour le pousser et l’inciter à proposer une offre. A titre d’exemple, l’entité publique peut proposer un dédommagement financier des offres non retenues, organiser des étapes de présélection pour limiter le nombre des soumissionnaires …etc.
- Les coût de financement supérieurs au financement public: l’État peut, généralement, emprunter avec des taux d’intérêts inférieurs et plus avantageux que ceux appliqués aux entreprises privées. Par conséquent, le souci de contrainte budgétaire ne devrait pas être la seule raison d’initier le Partenariat Public-Privé. Dans la plupart des cas, la subvention à verser au partenaire privé par l’entité publique reste du même ordre de grandeur que le montant total des intérêts en cas d’un emprunt. En effet, il y a lieu de signaler que les PPP ne sont pas une solution magique à la contrainte budgétaire, et si l’infrastructure, objet de partenariat public-privé, n’est pas en mesure de générer des recettes propres, l’État se trouvera dans l’obligation d’apporter les moyens financiers.
- La durée de la relation contractuelle: les contrats de PPP sont généralement des contrats de longue durée (plus de 20 ans). Si les termes contractuels sont mal négociés, l’un des deux partenaires risque de se retrouver en situation désavantageuse pendant une longue période. Par conséquent, il est nécessaire de prévoir des modalités de renégociation des contrats.
- La dilution des actifs publics: les projets de PPP se réalisent, dans les plupart des cas, sur des fonciers appartenant à l’entité publique. Par ailleurs, il est possible que les montages de PPP comprennent un transfert de propriété (des infrastructures et du foncier) vers le partenaire privé. Ce transfert peut causer une dilution importante des propriétés publiques.
- Quand on envisage, grâce à un projet de PPP, de transférer au partenaire privé des activités d’entretien, de gestion, d’exploitation et de maintenance d’une infrastructure et/ou un service, on accepte implicitement d’assumer les conséquences sur l’emploi au sein de l’entité publique. Pour y faire face, il existe plusieurs solutions potentielles (transfert des intéressés vers le partenaire privé) même s’elles ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre à cause des oppositions syndicales et des résistances psychologiques.
CONCLUSION
Toutes les relations contractuelles sont susceptibles d’être analysées à la lumière des quatre principales théories économiques: la théorie des coûts de transaction, la théorie de l’agence, la théorie des contrats incomplets et la théorie des droits de propriété. L’originalité de notre article réside, non seulement dans l’analyse de ces différents fondements théoriques, mais aussi dans l’analyse économique de cette approche partenariale sous l’angle de ses différents avantages et inconvénients tout en essayant de donner des pistes pour minimiser les limites potentielles de ce mode de gestion autant que possible.
Ainsi, l’ambition de cet article est de montrer que le Partenariat Public-Privé n’est pas seulement un type de financement et un mode de gestion mais un système complexe dirigé vers la durée contractuelle, le cycle de vie des infrastructures, le partage des risques et la difficulté de gestion des contrats public-privé.
En règle générale, il est difficile de justifier l’intérêt du PPP par rapport aux autres modes de gestion classiques en termes de coût, sur la seule base des prévisions différentielles de coût liées aux procédures, parce que nous n’avons pas encore un retour d’expérience nécessaire. C’est donc, en fait, l’aspect de partage de risques qui va se révéler être l’élément discriminant susceptible de faire basculer la balance comparative en faveur du contrat de partenariat.
Le Partenariat Public-Privé n’est un contrat ‘’Win-Win’’ que si les deux partenaires défendent clairement leurs propres intérêts sans aucun comportement opportuniste tout en ayant une symétrie d’information durant la phase de négociation. Certains partenaires publics n’ont pas suffisamment d’expérience et de compétences nécessaires qu’ont la plupart des entreprises et des investisseurs privés qui mobilisent souvent des juristes et des experts pour négocier avantageusement le contrat. Malgré cela, le partenaire public gagne en contrôle et en efficacité (technique et allocative) tout en réduisant les coûts de transaction et l’incertitude générée par le contrat.
En effet, le recours au partenariat public-privé reste une bonne alternative si la société en retire des avantages plus grands par rapport aux autres modes de gestion. Néanmoins, dans le cas où les coûts de transaction, les coûts externes et les objectifs du partenaire public en termes de qualité sont connus au moment de l’élaboration du contrat (ce qui nous mène à une complétude contractuelle avec des clauses incitatives), le PPP n’est pas forcément le meilleur choix possible.
Même dans les pays ayant un nombre très élevé des contrats de PPP (et donc une bonne expérience en matière de négociation des contrats de partenariat), comme le Royaume-Uni et l’Australie, le partenaire public (l’État) n’y gagne pas à tout moment. Par conséquent, et devant un contrat de PPP qui ne répond pas parfaitement aux attentes du partenaire public et du consommateur, il est très opportun de faire preuve d’une intelligente intervention, même lorsque les cadres stratégique, institutionnel et juridique sont déjà mis en place.
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