Introduction
En agriculture, il est très difficile de parler de contrôle budgétaire figé ou de maîtrise des coûts à la manière de l’industrie, sauf peut-être en milieu contrôlé comme la serre moderne. Dans le monde de l’industrie des objets inanimés et des machines, la production est un processus standard qui se déroule dans une enceinte protégée contre l’influence des mauvaises conditions climatiques ou édaphiques du milieu extérieur. Sauf pièces défectueuses ou accident dans la marche avant de l’usine, productivité et qualité de l’objet fabriqué sont donc maîtrisables et reproductibles. En agriculture, par contre, on a affaire au monde du vivant où le processus de production se déroule dans la nature avec d’importantes variations de productivité et de qualité dues au climat, région, type de sol, et à l’environnement d’une manière générale. Un contrôleur de gestion habitué aux tableaux de bord industriels, sera frappé par l’ampleur des écarts qu’il découvrira quand il va commencer à traiter pour la première fois la production agricole.
En agrumiculture, qui nous intéresse ici, avec un même process de production (porte greffe, variété, densité, taille, …) et la même quantité d’inputs (eau, engrais, pesticides), le résultat obtenu peut être très différent d’une année sur l’autre. Et l’une des difficultés majeures du contrôle de gestion en agriculture vient justement de ces incertitudes sur la partie opérationnelle, dans la mesure où tout le reste en dépend (commandes, main d’œuvre, transport, conditionnement, commercialisation,). En effet, comment établir des règles de contrôle budgétaire fiables pour une activité où d’importants écarts par rapport à l’objectif sont inévitables et déterminés en grande partie par des facteurs imprévisibles et non maîtrisables par l’entreprise. Quoi que d’ampleur inégale selon les variétés, les agrumes par exemple, sont caractérisés par des phénomènes d’alternance avec une année dite ON et la suivante dite Off où le tonnage peut diminuer de plus de moitié. Et si la campagne est à la fois de forte charge avec en plus un retard important de récolte, la suivante peut être même une campagne avec une production presque nulle quelle que soit la variété ou le porte greffe comme en témoigne la situation dans le Souss en 2019. D’habitude, les variétés de petits fruits les plus sensibles à l’alternance sont la Caffin, la Nour, et dans une moindre mesure la NadorCott (Draoui et Ouchen 2016; Hsayni et al., 2017). Comme autres causes pouvant faire varier la productivité ou la qualité dans de grandes proportions, obligeant à revoir le budget en cours d’exercice, il faut citer le Chergui, le gel, l’excès de pluie, les dégâts d’insectes tels que l’aleurode ou les trips lorsque ils touchent d’importantes superficies.
Évidemment, cette obligation de modifier le budget d’une année sur l’autre ou d’un endroit à l’autre, ne peut dispenser les grandes entreprises agricoles de tenter une démarche de contrôle de gestion, par analogie avec les autres secteurs économiques. Rien n’empêche un contrôle budgétaire évolutif qui tienne compte des sources de variation externes liées à l’agriculture. Quelles que soient les difficultés de mise en œuvre, une grande entreprise décentralisée qui délègue la gestion opérationnelle à ses unités de production sises en régions, n’a pas d’autre choix que d’instaurer un contrôle de gestion. Cela lui permet d’assurer que sa feuille de route a bien été déclinée en actions, conformes aux objectifs stratégiques et tactiques initialement prévus. L’entreprise vérifiera ainsi qu’il n’y a pas, par rapport à ses objectifs, d’écarts flagrants, qui risquent de dégrader les résultats de la société, de la plonger dans un déficit irréversible, voire de faire échouer le projet avant même son démarrage.
A notre connaissance, il n’y a pas beaucoup d’informations publiées sur le management de l’agriculture au Maroc. Cet article tente de fournir une partie de ces éléments afin d’aider les entreprises dans l’élaboration des budgets nécessaires au pilotage stratégique et opérationnel des fermes. Étant donné la grande diversité des filières agricoles, ce premier essai sera consacré à l’agrumiculture qui fait partie des secteurs organisés où il y a, en plus, un réel besoin en contrôle de gestion, du moins chez les grandes entreprises structurées.
L’étude s’adresse aussi bien aux agronomes formés dans le contrôle de gestion et l’audit interne qu’aux jeunes non agronomes qui viennent de rejoindre le métier de l’agrumiculture. Pour ces derniers en particulier, il y a un minimum de bagage exigible pour pouvoir interpréter les résultats d’une gestion agricole et, le cas échéant, proposer des mesures correctives crédibles. Les multiples éléments présentés dans ce document devraient en principe leur permettre d’élargir rapidement leur champ de vision et de pouvoir mettre l’accent sur les fins détails de gestion, sans avoir besoin de recourir à chaque fois à l’équipe agronomique.
Esprit et type de modèle proposé
Il y a un ensemble de pré-requis qui sont des facteurs clés de réussite du contrôle de gestion en agriculture. D’abord, le haut de la hiérarchie et le bas de la hiérarchie, constitués de la technostructure des fermes et d’autres business units, doivent réellement croire dans le rôle de ces missions dans le processus de gouvernance de l’entreprise (1). Supposés gérer une organisation transparente (2), dirigeants et opérationnels doivent s’affranchir de la réticence d’autrefois (3) où la notion de contrôle était le plus souvent assimilée à l’acte d’inspection pour suspicion de mauvaise gestion ou de malversation (4). D’une part, il faut maintenant s’inscrire dans le nouveau concept où cette discipline se propose comme partenaire «soft» (5) au service de la gestion (Tableau 1) (Voiset, 1985). D’autre part, pour pouvoir permettre au contrôle de gestion d’assurer avec succès ne serait-ce que sa mission basique d’élaboration des budgets et de mise en place des procédures et des tableaux de bord, l’entreprise doit être en outre structurée (6), détentrice d’informations fiables (7) et fluides (8).
Les postulats ci-dessus étant admis, le modèle proposé dans la présente étude pour accompagner l’agrumiculture au Maroc est inspiré de l’approche Bottom–Up (Sabatier, 1986; Chamaret et al., 2006). Il propose un pilotage des fermes à partir de canevas de performances d’Unités de référence respectant le nouveau concept des Bonnes Pratiques de Gestion en Agriculture (BPGA). Ceci sous-tend, d’un commun accord par le Contrôle de gestion et le bas de la hiérarchie, représentée par les Gérants sur place, de définir ce à quoi correspond le détail de ce Concept de ferme de référence. D’une manière générale, aucune divergence notoire entre agronomes n’est à noter concernant les objectifs généraux d’une unité de production conventionnelle pour mériter un statut d’unité de référence. C’est l’unité qui assure la meilleure rentabilité (1) en maximisant la recette (2), en minimisant la dépense (3), dans la durée (4) et le respect de l’environnement (5). Soit:
MaxM = + Max (∑CAj) -min (∑Di) ⌠DEV
où MaxM signifie marge maximale, Max (∑CAj) signifie un chiffre d’affaire maximal, min (∑Di) charges minimales, )⌠DEV signifie sous réserve d’être un système durable qui respecte l’environnement.
Il n’y a pas non plus de divergence sur la matrice d’éléments à utiliser dans ce modèle pour évaluer la performance du système. Max (∑CAj) suppose une productivité élevée dans la qualité requise afin d’accroître le chiffre d’affaires aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’Export et min (∑Di)⌠DEV sous-entend une gestion de l’essentiel des inputs (eau, engrais, pesticides,…) selon l’approche toujours en vigueur de doses sur mesure et d’agriculture durable (Ignazi 1992; FAO, 2002).
En revanche, cette approche soulève un problème de paramétrage du canevas du modèle. Faut-il stresser le modèle en optant pour des hypothèses hautes à propos de la productivité, de la qualité, des prix de vente des produits et basses pour les consommations d’intrants ? Ou plutôt opter pour une approche moyenne ? C’est en fait à l’entreprise concernée de le décider en fonction de ses choix stratégiques. Quoi qu’il en soit, il faut engager la ferme sur des objectifs plausibles avec une forte probabilité de réalisation. Rien n’empêche un Benchmarking en interne ou avec d’autres entreprises voisines. Dans le présent article, l’exemple retenu pour étayer l’étude est celui du Groupe Providence Verte pour lequel nous avons accès à la base de données sur une période de plus de 20 ans. Au-delà des chiffres qui, on le sait, sont changeants d’une campagne sur l’autre, d’une région à l’autre et d’une entreprise à l’autre, le but ici est surtout de partager cet exercice intellectuel avec la catégorie de lecteurs fortement impliqués dans la gestion opérationnelle sur le terrain. Le soin étant ensuite laissé à chacun de paramétrer ses canevas de travail selon ses convictions et en fonction des données propres à son entreprise.
La performance d’une ferme n’est pas uniquement le fait de son seul effort de gestion, mais de l’ensemble de l’écosystème qui l’entoure et lui apporte de l’aide. Amont et aval, tels que le Service Achats, Ressources Humaines, Station de Conditionnement, Commercial local ou à l’Export, interfèrent chacun quelque part avec la rentabilité de la ferme. C’est pourquoi une vue d’ensemble est importante ainsi qu’un document complet sur le management des agrumes qui puisse servir non seulement à la section Audit Interne/Contrôle de gestion mais aussi aux fonctions support et au Top Management lui-même.
Contrôle de gestion et Organisation
Même si la mise en place de l’organisation n’est pas du ressort du contrôle de gestion et de l’audit interne, le dysfonctionnement à ce niveau peut être une entrave à ces deux missions. Une bonne organisation au sein de la ferme est la condition première pour pouvoir décliner la stratégie du Top Management en actions concrètes sur le terrain. Au Maroc, les fermes d’agrumes sont le plus souvent organisées en cinq centres de responsabilité qui sont respectivement la cellule irrigation/fertigation (1), la cellule protection phytosanitaire (2), la cellule de gestion de la main d’œuvre (3), la comptabilité et le relais ressources humaines (4) et enfin la Gérance (5). Au sens du contrôle de gestion et d’audit interne, le diagnostic de l’organisation d’une grande ferme commence par la recherche d’anomalies intra-cellules ou inter-cellules. L’équipe opérationnelle doit être suffisante en nombre et en qualification mais sans excès. Il ne doit pas y avoir de zones d’ombre, double emploi ou trop de chevauchements entre les divers centres de responsabilité. Dans un souci d’équilibre, au sein d’une entreprise, les bonnes pratiques de gestion exigent la présence à la fois d’un pouvoir et d’un contre-pouvoir. Un responsable ne peut être en même temps juge et partie, ne peut en même temps signer et contre signer des documents sensibles, comme la caisse, le pointage de la main d’œuvre et les mouvements de stock-matière (pièces de rechange, engrais, pesticides, …). Le contrôle de gestion doit aussi s’assurer que, dans l’organisation concernée, il n’existe aucun défaut de rigueur ou problèmes cachés, comme par exemple du personnel compétent sous utilisé ou mis à l’écart pour motif discriminatoire, l’affectation de personnes recommandées à des postes avantageux qu’elles ne méritent pas ou encore l’octroi à ces personnes d’avantages ou de rétribution pour travaux fictifs. De même, il est nécessaire que le système soit verrouillé contre les actes de malversation et de détournement. Dans le domaine de l’agrumiculture marocaine, selon l’importance de l’Unité et de la confiance dont il bénéficie auprès de la Direction Centrale, le Gérant est soit un ingénieur, le plus souvent agronome, ou un technicien supérieur spécialisé en agrumiculture. Dans certaines structures fortement décentralisées, le Gérant est aussi un véritable chef d’entreprise qui prend d’importantes décisions. Il gère seul son personnel, ses comptes bancaires et s’occupe des achats et des ventes sur la partie marché local. Dans d’autres entreprises plus centralisées, la fonction de Gérant est plutôt assimilée à celle d’un ingénieur sur site responsable surtout de la production, aidé ou remplacé pour les autres tâches par les Services de la Direction Centrale (Ait Houssa et al., 2005).
Le modèle de gestion dont on parle ici (il ne faut pas l’oublier), est la version la plus récente conçue pour les entreprises modernes en la matière. Il est le produit d’une évolution sur une période de plusieurs décennies (Anthony 1988; Bouquin, 2001), régi et encadré par un concept commun de respect de l’organisation en place, y compris par le rang le plus haut de la hiérarchie. Au Maroc, dans bon nombre d’unités modernes gérées par la famille, les singularités managériales peuvent venir parfois du propriétaire lui-même ou de son représentant à la tête de l’entreprise. Embauche, affectation au poste, promotion, relations au travail et gestion de l’entreprise d’une manière générale, sont régies par les liens familiaux, villageois et de loyauté. C’est là que réside le handicap majeur pour le contrôle de gestion: comment dénoncer l’irrationnel constaté avec le Top management, lorsque c’est celui-ci qui l’a introduit dans l’organisation ? Et comment traiter les dossiers avec un chef de fil autoritaire, habitué à l’obéissance aveugle, qui n’accepte pas du personnel avec un fort esprit critique. La contrainte au contrôle de gestion peut aussi provenir de la présence dans l’organisation, d’intouchables non disposés à collaborer, qui se considèrent non concernés par les procédures mises en place. Enfin, comment peut-il y avoir un véritable contrôle de gestion si opérationnels et contrôle de gestion lui-même sont complices pour ne faire remonter au Top Management qu’une partie de l’information.
Contrôle de gestion et erreurs stratégiques
Le meilleur service à rendre à une entreprise agrumicole est de lui épargner des erreurs graves aux conséquences financières dramatiques. La démarche pour l’évitement doit alors être préventive, c’est-à-dire au moment même de l’acquisition du terrain, sinon avant de décliner le Business plan en investissement réel si le terrain choisi pour le projet est une propriété de l’entreprise.
Implanter le projet dans une zone où il y a de l’insécurité pour la production ou connue pour ses conflits sociaux à répétition est une erreur stratégique. Planter des agrumes dans une zone sans ressources en eau ou avec des ressources salines est aussi une erreur irréparable, du fait que les agrumes ne peuvent pas supporter les charges de dessalement. Il en est de même d’un projet réalisé dans une zone gélive (Ө < -6°C), en particulier si la période des gelées coïncide avec la floraison ou la récolte. Sauf changement climatique qui amènerait un réel réchauffement hivernal conséquent (Aït Houssa et al., 2017), les zones «Dir» gélives trop proches de la montagne sont pour le moment à proscrire pour les plantations d’agrumes. L’arbre craint aussi la sécheresse, les vents forts et le Chergui, les terrains asphyxiants, à moins de planter sur butte, de même qu’il craint les sols très salés.
Au Maroc, les zones de culture d’agrumes ont été identifiées de longue date et sont au nombre de six. Il s’agit du Souss, du Haouz, Tadla, Gharb, Loukkos, Oriental et dans une moindre mesure les régions côtières. Et c’est au climat de ces régions auquel il faut se référer pour décider s’il faut planter ou non. Les erreurs stratégiques de moindre gravité sont les choix de variétés ou de porte-greffes moins bien adaptés, soit au climat, au type de sol ou moins bien prisés sur le marché. Dans une région comme le Gharb central, il faut éviter les plantations de clémentines au fruit fragile très sensible à l’excès de pluie comme Nour, voire même les autres clones demi-précoces ou de saison tels que Nuless, Orograndé, Sidi Aïssa et Ain Taoujdate (Elkourdi, 2017). Le Gharb doit être plutôt réservé aux oranges (Navel, Salustiana, Washington Sanguine, Maroc Late), qui sont des fruits plus solides supportant mieux l’excès de pluie et à la limite aux petits fruits précoces comme Bruno et Marisol, pouvant être récoltés avant l’arrivée des fortes pluies hivernales (Ait Houssa et al., 2005). Pour un investisseur sans expérience dans le secteur agricole, la sagesse pour éviter les erreurs stratégiques, serait de faire appel pour le projet, sinon à une équipe pluridisciplinaire (agronomes, pédologues, hydrauliciens, financiers,), du moins à un expert polyvalent de renommée, au point sur les nouvelles technologies des agrumes.
La note de cadrage pour éviter les erreurs stratégiques dans les projets d’agrumes a été publiée il a y environ 15 ans (Ait Houssa et al., 2005). L’un des aspects traités dans cette note est le respect de la chronologie des grandes opérations d’investissement. Engager la construction des bâtiments ou financer la ligne électrique sur des kilomètres avant même de s’assurer des ressources en eau pour l’irrigation, c’est intervertir l’ordre naturel des choses et manquer de bon sens. Le choix stratégique, doit aussi intégrer le coût exorbitant du loyer du terrain ou de l’eau d’irrigation. A cause de projets particuliers à très forte marge comme les fruits rouges (myrtille, framboisier, goji ,…), dans les sables du Gharb, le loyer proposé est aujourd’hui porté à des montants de plus de 11 mille Dh/ha, impossible à rentabiliser par la plupart des agrumes, sauf peut-être momentanément par l’Afourer, mais encore faut-il pour cette dernière, accepter l’hypothèse de maintien du prix sur le marché dans les années à venir. Des coûts d’irrigation similaires à ceux de Guerdane dans le Souss, sont aussi impossibles à rentabiliser avec les variétés classiques (Haddouche, 2018).
Pour pouvoir disposer d’outils de prévention efficaces contre les erreurs stratégiques, le Contrôle de gestion doit être associé aux décisions dès la phase préparatoire du projet, surtout s’il est constitué d’Experts en agriculture. Peut-être même que c’est au contrôle de gestion qu’il faut confier l’élaboration du Business plan à partir des éléments fournis par l’équipe pluridisciplinaire. C’est en même temps l’occasion pour lui d’apporter sa contribution et faire profiter l’entreprise de son expérience lors de l’élaboration de la feuille de route sur les choix stratégiques.
Contrôle de performance de la productivité
La productivité réalisée est l’un des moyens simples pour évaluer l’efficacité de gestion d’une équipe en verger. Un rendement élevé et une qualité supérieure réguliers sont la preuve d’une synergie entre les membres de l’équipe et démontre que celle-ci a su tirer profit du travail de chacun en vue d’atteindre les objectifs communs qui lui sont fixés par le Top management. Le Maroc dispose maintenant d’un retour d’expérience suffisant sur les résultats du nouveau système d’intensification des agrumes mis en place dans le cadre du plan Maroc Vert. Celui-ci, fait appel à la haute densité (entre 111 plants/ha, 833 plants/ha ou 567 plants/ha), en interaction avec les autres technologies modernes, entre autres les nouveaux porte-greffes, la plantation sur butte, le goutte à goutte et la fertigation. D’une manière générale, Macrophylla reste de loin le plus productif de l’ensemble des porte-greffes mis aujourd’hui en culture. Volkameriana produit bien aussi et plus précocement mais se fatigue plus vite et alterne plus, tandis que Citrange Carrizo n’entre en forte production que 2 à 3 ans plus tard mais manifeste une meilleure persistance relative de productivité (Farhaoui, 2015; Hsayni et al., 2017). Le tableau 3 présente l’éventail de niveaux de productivité raisonnable à rechercher par le contrôle de gestion lors de l’établissement d’un budget prévisionnel. Pour les petits fruits, qui représentent aujourd’hui l’essentiel du patrimoine de production agrumicole du pays, une productivité moyenne de 50-60 T/ha en année ON et de 35-40 T/ha en année Off, constituent des références sages pour des variétés à bon potentiel qui n’alternent pas beaucoup comme la Marisol et la NadorCott. Pour les clones de saison tels que Sidi Aïssa, Ain Taoujdate et équivalents, on prendrait des productivités de 40-45 t/ha pour les années à forte charge et de 30-35 T/ha pour les années à faible charge. Les moins productifs sont Nour et Caffin (30-35 T/ha en année ON contre 10-15 T /ha en année Off), il en est de même pour Nuless et Orograndé (30 contre 20 T/ha), lorsque ces clones sont plantés dans des zones trop fertiles comme le Gharb central qui leur confèrent l’excès de vigueur, une floribondité limitée et un faible potentiel en fruits (Elkourdi, 2017).
D’une manière générale, année ON (1) ou année Off (2), alternance du clone (3), terroir (4), porte-greffe (5), variété (6), récolte trop tardive (7), événement climatique grave tel que le Chergui (8), taille de formation tardive (9), taille sévère (10), taille de rajeunissement (11), arbres mal entretenus ou de frondaison limitée (12), vieille plantation avec beaucoup de manquants (13), problèmes d’irrigation (14), excès de salinité (15), asphyxie racinaire (16), maladie grave à l’état avancé tels que la pseurose ou le phytophtora (17),…, sont autant de facteurs susceptibles d’expliquer les écarts de productivité observés en verger. Et avant de condamner une parcelle ou de demander à l’équipe technique d’envisager des mesures correctives pour accroître la productivité, il faut la soumettre à un diagnostic agronomique pour savoir si les causes à l’origine du problème sont des causes objectives et ont une solution, ou si elles sont irrémédiables. Dans la mesure où il est corrélé négativement à la qualité, l’excès de productivité est d’ailleurs rarement un objectif en soi, en particulier pour les clones comme Bruno, Sidi Aïssa et Ain Taoujdate qui réagissent fortement à l’excès de charge par du petit calibre de moindre valeur commerciale. Pour Bruno, Nuless et Orograndé, forte charge aggravée poar la récolte tardive peuvent, en plus du mauvais prix, conduire à un manque grave de floraison l’année suivante, comme en 2018 dans le Souss (Aït Houssa, 2019).
Au nouveau système intensif agrumicole adopté par le Maroc, il faut surtout reconnaître aujourd’hui, l’avantage d’une entrée en production rapide de la plantation quoi qu’avec des différences d’une densité à l’autre et d’un porte-greffe à l’autre. La première conséquence importante sur le plan financier, est le retour sur investissement assez rapide du projet abrégé RSI par les francophones ou ROI des anglo-saxons (Bodie et al., 2004; Corpon, 2013). Bon nombre d’entreprises ont fait le choix de modèles stressés et calculent la rentabilité du projet sur une productivité cumulée du verger réduite à 15 ans, alors qu’un agrume peut vivre et produire plus longtemps. En fait, pour rester objectif, il faut raisonner dans le cadre d’un package complet intégrant productivité cumulée, évolution de la qualité, du prix, de l’inflation mais aussi de la durabilité du système, en particulier en super-intensif planté avec une très haute densité et porte-greffe vigoureux dont il a été démontré récemment qu’il est menacé par le vieillissement prématuré (Drissi, 2018).
Contrôle de performance de la qualité
En général l’objectif premier des grandes entreprises agrumicoles est l’Export, du fait des meilleurs prix relatifs obtenus. De ce fait, implicitement, un fruit de moins bonne qualité est celui qui n’est pas exportable. On a l’habitude d’utiliser les critères inverses de non-qualité pour décider si un fruit est exportable ou non. Le plus important est le pourcentage d’écarts qui restent en verger et/ou en station selon la stratégie de gestion de la production retenue. Un écart est soit invendable, donc sans valeur marchande, soit de qualité médiocre peu rémunérée sur les marchés exigeants à l’Export. Il n’est commercialisable en partie que sur certains marchés tolérants comme la Russie ou marchés équivalents, le marché intérieur marocain et de l’Afrique. Il y a une liste très longue de causes pour qu’un fruit soit classé comme écart. Entre autres, son aspect extérieur (mauvaise coloration, peau grossière, peau fine, marbrures, …), un calibre non conforme (très gros calibre, trop petit calibre), la présence sur le fruit de ravageurs (cochenilles, dégâts d’escargots, d’acariens), ou de substances indésirables (fumagine, miellat de pucerons,…), des séquelles de mauvaises cueillette (blessures, oléocellose, arrachement de pédoncule,…), les mauvaises conditions de transport, de stockage, de déverdissage,…Vis-à-vis de l’Export, il faut aussi être prudent quant aux produits de traitements utilisés et aux niveaux de résidus de pesticides tolérés dans chaque marché. La liste et le niveau de tolérance est très variable d’un pays à l’autre (Asfers, 2018d).
Le second critère d’évaluation de la qualité de la production destinée à l’export est le calibre. Pour les petits fruits (Bruno, Marisol, Nuless, Sidi Aïssa,…), seuls les gros calibres C1, C2 et C3 dont le diamètre équatorial ɸ1> 56 mm sont très demandés, rarement le calibre moyen C4, exceptionnellement les petits calibres C5< 56 et C6<52 mm.
Le troisième critère concerne la qualité interne du fruit. Celle-ci est évaluée par les paramètres retenus dans le cahier des charges de l’OCDE, de l’Union Européenne et de l’ONU (CEE-ONU, 2010), déclinés en normes d’exportation au Maroc par son établissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE). Ce cahier des charges, amendé quelque peu depuis 2014, stipule qu’un fruit de clémentine ne peut être récolté que si son Brix atteint 10, son acidité totale est de 1 et le taux de jus 40 %. Pour le groupe des Navels et les sanguines, le démarrage de la cueillette exige un ratio Brix/acidité de 6,5 avec un taux de jus minimal respectif de 33 % et 30 %. Seuls les citrons sont admis à l’Export avec un taux de jus faible de 20 %.
Par ailleurs, un fruit de qualité est celui qui arrive à destination sans ramollissement, noircissement ou avarie quelconque. Sur le plan agronomique, la qualité est le fait d’interactions complexes entre terroir, porte-greffe, variété et conduite culturale. Sur l’ensemble des zones d’agrumes au Maroc, la clémentine de Berkane est inégalable sur le plan gustatif. Le Gharb central est une région indiquée surtout pour la Marisol, la Salustiana, la Washington sanguine et la Maroc late. La Nova y donne aussi un fruit d’excellente qualité gustative et une meilleure coloration spécifique mais reste très sensible au gaufrage (Ait Houssa et al., 2005). En dépit de ses qualités internes, le développement de la Nova dans la zone de Larache est aussi problématique du fait de son extrême sensibilité à la nouvelle souche d’Alternaria difficile à maîtriser (Elhajli et al., 2016). L’Ortanique est à proscrire dans les Dehs très fertiles du Gharb où elle donne un fruit hors calibre en forme de cloche peu apprécié. Sur les sables côtiers de Larache, la Marisol donne des rendements réguliers élevés qui dépassent 50 T/ha, mais un fruit de peau tachetée après déverdissage, quasi-impossible à exporter (Loultiti et al., 2016).
Le Souss et le Haouz sont aussi des régions par excellence de nombreux agrumes de qualité comme la clémentine de saison, la Nour, l’Afourer et les oranges. Dans le Souss par contre, Nova produit des fruits de chair grossière et peu juteux parfois même immangeables (Mehdaoui, 2015). Conduites correctement en verger et en année normale, Marisol, Nova, NadorCott, Nour et Orograndé sont des variétés qui ne soulèvent en principe aucun problème de calibre. Par contre, Sidi Aïssa, Ain Taoujdate et surtout la Bruno ont besoin d’un porte-greffe vigoureux comme Macrophylla pour produire du calibre exportable, et en année à forte charge, de faire l’objet d’un éclaircissage. Maîtrise de l’irrigation, des fertilisants et de la protection phytosanitaire sont aussi des facteurs améliorants de la qualité. Sur des clones sensibles comme Marisol, Orograndé et Ortanique, un excès d’azote et d’eau d’irrigation donne de l’hors calibre de type 2X et 3X avec peau grossière, ce qui les rend inexportables, voire parfois invendables. L’apport tardif d’azote, en retardant trop la coloration du fruit, peut aussi être la cause pour rater les bons moments de vente sur le marché local ou pour exporter avec les premiers bateaux, plus rémunérateurs.
Vis-à-vis de la qualité, un budget raisonnable doit prévoir un taux d’export autour de 70 % aussi bien pour les petits fruits que pour les oranges. Pour se faire une idée de ce que pèse la qualité dans l’Export d’agrumes, sur le tableau 4, nous avons rapporté les coûts de la non qualité en comparant entre-eux des taux d’export graduels de 40, 50, 60 et 75 % pour une variété de clémentine classique telle que la Marisol.
Ce tableau, extrait des résultats d’export réels de la campagne 2017/2018 (Oubaki et Chaïb, 2018), montre à quel point la non-qualité peut affecter le résultat financier final d’un verger. Avec des variétés plus rémunératrices telle que la NadorCott (5,20 Dh/kg à l’Export et 0,90 pour les écarts, les autres hypothèses de calcul étant maintenus constantes), le manque à gagner pour causes de non qualité serait encore plus flagrant si on n’exporte que 40% de la production (-60.200 Dh/ha).
Contrôle de la gestion de l’irrigation
Le contrôle de la gestion de la ressource hydrique débute avec la vérification des paramètres relatifs à la qualité des installations de goutte à goutte. D’après l’expérience toute récente, il faut abandonner l’idée d’une seule rampe de goutteurs par rangée d’arbres au profit d’installations à deux rampes. Il faut une pluviométrie de pointe du système de 6 mm/j dans le Souss et les régions à climat similaire et de 5 mm/j dans les régions du nord plus clémentes. Une installation conforme doit consommer moins de 300-400 gr de pression au niveau des filtres. Pour des impératifs agronomiques, le système doit aussi assurer une irrigation homogène à chaque arbre. Cette homogénéité est mesurée par le coefficient d’uniformité (CU) selon la méthode de Keller et Karmelli (1974) dite des 16 points. Pour une bonne installation, celui-ci doit dépasser 93 %, quel que soit le bloc ou le secteur d’irrigation (Amlal, 2018).
Avec plus de 30 ans d’expérience sur la goutte à goutte au Maroc, le volume d’eau d’irrigation qu’un agrume doit consommer pour produire du tonnage et de la qualité est relativement tranché, même si des interrogations subsistent encore concernant certains nouveaux porte-greffes apparemment moins exigeants en eau tels que le Macrophylla et le Volkameriana. Climat de la région, âge du verger et densité de plantation sont les paramètres essentiels dont dépend ce besoin quantitatif (FAO, 1973; SASMA, 1980; Elattir, 2012). En première année de plantation, il faut tabler sur un volume autour de 2000 m3/ha s’il s’agit de goutteurs intégrés tous restés ouverts mais moins s’il est décidé de fermer les goutteurs éloignés du jeune plant. Il faut prévoir 50 % de plus la deuxième année, le double la troisième année, 5500-6500 m3 la quatrième année, 7000 à 8000 m3 l’année suivante et la pleine dose à partir de la sixième année, qui peut être la même que la précédente ou majorée de 10-15 % selon la pluviométrie et l’ETP de la région, la vigueur réelle de l’arbre, sa productivité, la qualité de l’installation du goutte à goutte lui-même et surtout sa gestion. Même si l’espérance d’encore réduire la dose n’est pas nulle (Chaïb, 2017; Elhajli, 2017), bon nombre de praticiens au Maroc semblent d’accord sur une dose optimale globale d’irrigation, plafonnée pour le verger adulte à 9000 m3/ha dans les régions très chaudes et arides (Souss, le Haouz, Tadla, Oriental) et à 8000 m3 dans les autres régions plus arrosées et plus clémentes (Loukkos, Gharb).
Les agrumes sont sensibles à l’excès de salinité. Si l’eau renferme plus de sel, la dose d’eau ci-dessus peut être portée à une valeur supérieure en fonction entre autres du taux de lessivage requis choisi par l’opérateur (leaching requirement des anglo-saxons) afin d’empêcher la salinisation exagérée du sol autour des racines des arbres (Bouamane, 2017; SASMA, 1980; FAO, 2018). Quoique cette technique soulève la question du coût en régions qui manquent d’eau où le m3 coûte très cher comme Guerdane. Pour des impératifs justement de coût et surtout d’une meilleure efficacité, ce leaching requirement est de préférence à raisonner par rapport au résultat d’analyse de la salinité à la fin des pluies hivernales (Aït Houssa et al., 2017). Pour la pratique de l’irrigation en verger, il faut une répartition de la dose annuelle comme à peu près indiqué dans le tableau 5. Celui-ci doit être nuancé selon l’importance de l’ETP du mois, la hauteur de pluie reçue, son efficacité réelle, sans oublier qu’en goutte à goutte, l’irrigation est raisonnée à la journée.
Origine de l’eau, HMT de pompage et de reprise, source d’énergie utilisée pour le pompage (gasoil, électricité, solaire), qualité des installations électriques (cos ɸ, perte de puissance), type de tarification choisi avec l’ONEE (tarif vert, tarif général), puissance souscrite, sont autant de paramètres qui déterminent le coût du m3 d’eau pour l’irrigation. Dans les offices de Mise en Valeur Agricole, l’eau est livrée en tête de parcelle à 0,62 Dh/m3 dans le Haouz, Tadla, Doukkala et Loukkos et à 0,37 Dh/m3 dans le Gharb. Et si le producteur assure le pompage avec ses propres moyens à partir de l’Oued, il ne paye en principe que le tiers de ce tarif (0,12 Dh/m3). Au prix actuel moyen de l’électricité, soit 1,50 Dh/kWh, le coût de pompage en conditions normales ne doit pas excéder non plus 0,60 Dh/m3 (Ben Arirou, 2019; Haddouche, 2018). D’une manière générale, pour le besoin du contrôle de gestion, il faut tabler sur un coût de référence de l’irrigation d’un ha d’agrumes autour de 10.000 Dh/ha (Tableau 6), répartis entre l’achat de l’eau (800-1000 Dh), l’électricité (3000 Dh), l’amortissement du réseau (4500 Dh), la main d’œuvre (1500 Dh), l’entretien/réparation (400 Dh) et les frais divers (750 Dh). Ce coût est bien sur susceptible de variation; il est à son maximum à Guerdane dans le Souss (24.000 à 33.000 Dh/ha) où les installations hydro-agricoles du périmètre ont été financées par le Privé. C’est pour le moment l’un des coûts de revient les plus élevés du m3 utilisé en agrumiculture au Maroc.
Contrôle de la gestion des engrais
Le SAS-Maroc a travaillé plus de 35 ans dans le but d’optimiser la gestion des engrais en verger d’agrumes (Aït Houssa et Idrissi, 1986 ; El-Ayadi et al., 1998). C’est aussi grâce aux premiers travaux réalisés par cet organisme qu’il a été rendu facile de passer de l’apport manuel ou mécanique à la fertigation (Aït Houssa et Bendahha, 1987; Elkhamass et al., 1998). Il y a une interaction positive entre l’engrais et l’eau. En les apportant ensemble, on valorise mieux les deux ressources à la fois, et on économise de la main d’œuvre. Pour certaines entreprises agrumicoles, l’approche née de l’esprit du plan Maroc vert est une approche- marché. Elle préconise de «doper» le jeune plant afin d’obtenir tôt une frondaison suffisante et une entrée en production précoce, sans toutefois polluer l’environnement (Aït Houssa, 2013). Les éléments mis en jeu sont surtout l’azote du fait de son rôle majeur dans la croissance des plantes et le phosphore en tant qu’enracineur (Newman et Andrews, 1973). Pour protéger l’environnement, il est proposé soit de fermer les goutteurs éloignés du jeune plant les premières années, avec la possibilité d’alléger la dose globale, soit de récupérer l’excès de NP grâce à une culture intercalaire (melon, pastèque, potiron,…). L’autre façon de récupérer l’excès de P consiste à revaloriser la réserve accumulée dans le sol en réduisant la dose à partir de cinquième année d’âge. Dans les sols pauvres, il faut aussi prévoir des apports complémentaires en Mg et en oligo-éléments (Fe, Zn, Mn). Les doses annuelles conseillées en NPK sont de type 40-40-30 U/ha en cas de stratégie avec goutteurs en partie fermés, plantation précoce d’avril- mai, et production des trois pousses végétatives (printemps/ été /automne) et le double, voire plus, si le producteur décide de garder l’ensemble des goutteurs ouverts avec introduction de culture intercalaire. Si la plantation a lieu en été (pousse d’été/pousse d’automne), la dose peut être réduite de moitié. Si on plante avec du retard en début automne (une seule pousse produite), on se contentera d’une dose limitée NP de 10-15 unités, en particulier en sol fertile. Ensuite on monte à 60-60-40 (ou 120-120-60 en cas de culture intercalaire), la même dose la troisième année mais avec 100 % des goutteurs ouverts et sans culture intercalaire. En 4ème et 5ème année, il faut prévoir 10 à 15 % de plus et à partir de la 6ème année, passer ensuite au régime de croisière, fonction de l’état réel de l’arbre, de sa productivité potentielle mobilisable, de l’observation sur la qualité des fruits en parcelle et de la stratégie commerciale. Pour une parcelle en pleine production qui ne souffre d’aucun facteur limitant, le besoin en NPK des agrumes en année ON est d’environ 200-250 U/ha d’azote, 60-80 U/ha de phosphore et 200-230 U/ha de potasse. Pour des impératifs à la fois d’économie, de qualité et de protection de l’environnement, ces quantités sont susceptibles de réduction si l’année est une année Off en particulier pour des variétés qui saisonnent beaucoup comme Caffin ou Nour, ou si en cours d’année ON, il y a une forte chute de fruits par suite d’un grand Chergui comme en 2012.
Par ailleurs, l’économie sur la quantité d’engrais est aussi possible pour N en présence d’eau d’irrigation riche en cet élément comme au Loukkos (Ait Houssa, 2008) où cette concentration est élevée que ce soit dans l’eau de surface (45 ppm de nitrates) ou dans l’eau de la nappe (>60-80 ppm), ce qui peut fournir plus de 70 à 120 unités/ha pour une dose d’irrigation de 7500 m3. Dans certaines contrées, l’économie, voire l’impasse, est aussi possible sur P et K. Pour les périmètres irrigués fortement enrichis en P par suite de l’emploi d’équilibre de type N-2P-K (le 14-28-14, le 13-26-13,…), depuis plus de 40 ans, les sols peuvent renfermer jusqu’à 120 ppm de P assimilable selon la méthode Olsen et l’apport de P par l’engrais n’est pas vraiment nécessaire. Vis-à-vis de la potasse, la région de l’Oriental, les Dehs du Gharb, les sols de dépôt de Souihla sont également très riches en K d’origine native, avec un pouvoir exceptionnel de libération de cette forme de K pour la plante (Aït Houssa, 1989). Là aussi l’impasse ou la réduction de dose est possible, mais à la condition d’assurer une veille de l’évolution de la fertilité du sol et surtout du niveau foliaire qui doit être contrôlé chaque année. Dans certaines situations particulières, le problème inverse se pose où l’on est obligé d’apporter du K en foliaire malgré un sol riche, c’est le cas des formations pédologiques du Maroc à complexe en partie saturé par Mg où cet élément entre en antagonisme avec K et en réduit fortement l’absorption. Le tableau 7 donne les teneurs de référence pour prétendre à une impasse sur un élément quelconque. Par mesure de précaution, il faut utiliser les limites supérieures des normes de ce tableau comme base de décision.
L’azote est une arme à double tranchant. C’est un facteur incontournable à la fois de croissance et de qualité s’il est dosé correctement, mais c’est aussi un facteur de non qualité, en cas d’excès, qui doit être raisonné avec prudence. D’une manière générale, un excès d’azote conduit à des fruits de peau grossière ou de peau rugueuse, à un retard de coloration et à du gros calibre de type 1X ou 2X non exportable. L’apport tardif est aussi à proscrire dans la mesure où il peut retarder la coloration. C’est particulièrement vrai pour les variétés déjà génétiquement prédisposées à ce phénomène surtout si elles sont sur porte-greffe vigoureux comme Macrophylla ou Volkameriana et/ou plantés sur sols très fertiles comme les Dehs du Gharb. La Marisol et l’Orograndé en sont des exemples typiques. L’état de végétation, l’analyse foliaire réalisée vers fin juin, l’aspect externe de la peau aident à anticiper ces problèmes qualitatifs et à décider en cours de grossissement du fruit, si oui ou non il faut diminuer ou arrêter définitivement l’injection de l’azote (Aït Houssa, 2013).
C’est sur jeune plantation productive mais encore en pleine croissance, qu’on est parfois confronté à des arbitrages difficiles concernant la dose d’azote, en particulier sur les clones précoces. Doit-on avantager la formation de l’arbre et continuer à injecter l’azote en été, quitte à vendre le fruit de peau grossière produit moins cher sur le marché local, ou baisser la dose d’azote et arrêter son injection tôt, au détriment de la croissance et rechercher un fruit de bon calibre, à peau lisse et qui colore tôt, afin de l’exporter (Elkourdi, 2017).
Les agrumes ont aussi besoin parfois d’apport externe d’éléments secondaires et d’oligo-éléments. Le Volkameriana est très sensible au manque de Mg, il a été aussi démontré que la pulvérisation foliaire du Ca améliore la qualité de la peau et réduit l’éclatement chez les variétés sensibles comme la Marisol et la Nova (Hamza et al., 2013). Dans les conditions du Maroc, même si des différences existent entre régions et variétés, la plupart des vergers sont carencés en zinc et manganèse. Les sables du Loukkos sont les plus concernés. Comme variétés sensibles, il faut citer en particulier la Washington sanguine et certains clones de clémentines de saison comme le vieux clone Cadoux. Techniquement, ce problème de zinc et de manganèse a été résolu depuis le milieu des années 1980 grâce aux travaux de la SASMA qui proposent, pour guérir ces carences, des produits simples et bon marché comme le sulfate de zinc et de manganèse ordinaires à raison de 150 gr/hl chacun, en application séparée ou en mélange. Pour le fer, les constats les plus récents montrent une tendance à un usage concernant cet élément sinon excessif du moins élevé sur les agrumes. Sur une base de données de plus de 3600 échantillons analysés à travers le Maroc, y compris sous culture d’agrumes, le niveau sol est très élevé et le niveau foliaire plutôt globalement très élevé eu égard aux publications de Chapman (1968) et de la SASMA (1986), qui fixent la norme foliaire entre 50 et 150 ppm pour cet élément (Tableau 7). De même que les essais en cours sur les clémentines dans différentes régions n’ont pour le moment montré aucun effet significatif du fer ni sur la productivité ni sur le calibre des fruits (Drissi et al., 2016; Coquant, 2017). Eu égard à ces informations, on est tenté, pour tout verger adulte ayant fait l’objet d’apport depuis sa plantation, de proposer pour le fer sinon l’impasse totale, du moins une dose réduite qui ne doit pas excéder 5 gr de fer EDDHA/arbre.
Les agrumes n’ont pas d’exigences particulières vis-à-vis de la nature de l’engrais NPK sous réserve d’éviter les chlorures qui ont un grand indice de salinité (FAO, 2018). Sauf cas particulier, des engrais moins chers comme l’ammonitrate, le DAP (18-46-0) ou le MAP ordinaire (12-61-0), le sulfate de potasse ordinaire (0-0-48/50), sont efficaces et suffisants pour la fertilisation de la culture. Il en est de même de l’emploi d’oligo-éléments en foliaire à base de sulfates. Si l’agrume peut en supporter le coût, l’emploi de produits plus solubles, mais plus chers, est évidemment plus pratique pour la fertigation, notamment le MAP soluble de type 12-63-0 et le Sulfate de potasse dit communément qualité A.
C’est sur les engrais que l’on peut être tenté par une démarche de réduction des coûts en utilisant des produits simples. D’une manière générale, en conditions normales de production, le coût de la fertilisation doit tourner autour de 7000,00 Dh/ha (Tableau 9), répartis entre l’engrais azoté (1500 Dh), le phosphate (1200 Dh), la potasse (2500 Dh) et les oligo-éléments (2000 Dh). Un coût plus faible est encore possible en cas de plus faible productivité, d’un terrain riche en P ou en K ou d’une eau d’irrigation riche en azote. Par contre, un coût nettement supérieur doit inciter le contrôle de gestion à en vérifier les arguments (productivité exceptionnelle >>60 T/ha, important redressement réalisé pour la première fois). Il faut aussi avoir l’habitude de comparer deux à deux les coûts de l’unité fertilisante au sein de la même catégorie d’engrais dans le but d’optimiser le coût/ha de fertigation.
Contrôle de la gestion de la taille, du sur-greffage et des arrachages
Même si elle fait en partie appel aux notions de physiologie et d’agronomie, la taille n’est pas une technique à base scientifique sensu stricto. Deux tailleurs qualifiés ne tailleront jamais un arbre exactement de la même manière. Disons que la taille est régie à hauteur de 70-80 % des actes par des bases techniques et pour les 20-30 % restants par l’habileté de chaque tailleur à gérer le passé/le présent/et l’avenir de l’arbre une fois devant. On dit aussi que chaque arbre a un besoin propre en taille. En outre, depuis l’introduction du super intensif, la stratégie vis-à-vis de la taille a évolué. Le nouveau concept, encore à l’épreuve (Ait Houssa et al., 2018), est de ne plus tailler l’arbre tôt alors que la règle universelle est de former le plant dès son jeune âge. Cette nouvelle approche repose sur le postulat que l’agrume produit surtout sur le bois de l’année. Et puisque le jeune plant en forte croissance produit chaque année du jeune bois, pourquoi couper ce dernier et le jeter inutilement par terre alors qu’il a consommé de l’énergie, de l’eau, de l’engrais, des pesticides et de la main d’œuvre, sans avoir rien produit. L’idée est donc de laisser croître l’arbre sans le tailler tant que sa croissance ne gêne pas ses voisins. Et pour le forcer à produire tôt, il est proposé entre autres d’utiliser l’arcure, en particulier pour les variétés répondant amplement à cette pratique comme la NadorCott (Hsayni et al., 2017; Farhaoui, 2018). En d’autres termes, tant que la productivité de l’arbre augmente d’année en année, qu’il n’y a pas de problème d’ombrage, de mauvaise coloration, d’apparition de vieux bois ou de mauvaise qualité du fruit, la nouvelle idée est de maintenir l’arbre dans son statuquo de zéro taille.
La démarche n’est pas dénuée d’intérêt mais manque de données chiffrées suffisantes pour en étayer les résultats (Ait Houssa et al., 2017). Le revers de la médaille, c’est qu’avec Zéro taille, l’arbre risque d’évoluer avec des défauts structurels difficiles à rectifier par la suite (arbre déséquilibré, forte basitonie, arbre avec peu ou trop de charpentières). En l’état, le verger évoluera en haie très dense, ce qui en plus posera d’énormes problèmes pour le traitement des ravageurs habitués à se cacher au milieu de la frondaison tels que les aleurodes, le pou de Californie et les autres cochenilles (Asfers, 2018d).
En matière de taille, on peut aussi être amené à retarder l’opération à cause de conditions climatiques particulières. La figure 1 présente l’évolution de la productivité d’un verger de NadorCott de 500 ha sis au nord-ouest du Maroc, conduit avec Zéro taille durant les six premières années. Dans cette région, les jeunes arbres ont eu d’énormes difficultés à se développer à cause des vents très forts du littoral, et leur taille était impossible dans l’état où ils étaient (Ait Houssa et al., 2011). Restés sans taille de formation pendant six ans, la production a été d’environ 1100 T la première année, 2400 T la deuxième année, 3200 T la troisième, 8400 T la cinquième, 14600 T la sixième (année ayant précédé la taille), 9800 la septième (Année I après taille) et 33000 T deux ans après (Année II après taille). Il faut surtout remarquer la capacité exceptionnelle que manifeste cette variété à récupérer le tonnage après une forte taille réalisée à un âge avancé. Quoiqu’avec ce tonnage, on note un important problème de coloration, en particulier des fruits produits par les jupes mal ensoleillées des parcelles plantées à la densité 6 x 1,5, puis une chute de production par la suite (17.800 T en 2017/2018 et 10.600 en 2018/2019).
La taille d’un agrume présente beaucoup de points communs avec le reste de l’arboriculture, en particulier l’olivier. D’une manière générale, la taille de formation peut intervenir dès la pépinière ou avant la plantation. Le scion est pincé à une hauteur de 30-40 cm au-dessus du point de greffe. Sur les départs obtenus après reprise, l’année suivante ou à partir de la troisième année, on sélectionne 3 à 5 branches qui seront les futures charpentières. Tous les arbres ne réagissent pas de la même manière. Sur un arbre ayant produit moins de 3 départs, il y a lieu de repincer une seconde fois pour en créer. Si les départs sont très nombreux, il faut supprimer ceux situés trop bas et au milieu de la frondaison, s’ils sont latéraux et retombants avec un angle de 90° et plus avec la verticale, il faut soit les redresser ou les rectifier par un deuxième pincement afin d’avoir un anticipé plus érigé,…. En agrumiculture, la conduite de base commune est en général le gobelet (SASMA, 1986 ; Jacquemont et al, 2013).
Au stade adulte, la taille de fructification intervient en principe chaque année, surtout pour le clémentinier. Derrière une année Off, elle doit être moyenne à parfois sévère et après une année ON plutôt légère pour éviter que l’arbre ne s’emballe trop, en particulier en terres très fertiles avec porte-greffe vigoureux, variété vigoureuse ou les deux à la fois. L’exemple type est celui de l’Ortanique ou des oranges nucellaires dans les terres Dehs des contrées du Gharb Central (Sidi Abdelaziz, Khénichet, Ksiri,…). Selon l’âge de la plantation, la densité, le volume de la frondaison, la structure de chaque arbre au moment d’intervenir, les quantités de bois à supprimer peuvent varier de 10-15 kg/arbre, voire moins pour la taille légère, de 20 à 30 kg pour la taille moyenne et 25-30 kg et plus pour la taille sévère (Khalki et al., 2018). Avec la haute densité est apparu aussi le concept de taille dite en V qui consiste à supprimer de temps à autre même les charpentières et sous-mères dans le sens de la ligne de plantation pour faciliter l’entrée de la lumière et la circulation de l’air dans le verger (Farhaoui, 2018). Il y a aussi la pratique de la taille en lignes alternée, qui consiste à tailler sévèrement une rangée sur deux, et enfin le dédoublement ou dédensification qui propose carrément d’enlever un arbre sur deux à partir d’un certain âge du verger, généralement au-delà de 10 ans (Drissi, 2018; Khalki et al., 2018).
Techniquement, une taille faite dans les règles de l’art a pour but de renouveler le bois, de faire profiter l’arbre de la lumière et de l’aération, d’éviter le développement des ravageurs et des maladies, d’avoir un équilibre raisonnable entre la végétation et la production afin d’assurer productivité et qualité des fruits dans la durée. Elle consiste pour les arbres adultes à supprimer le bois mort, les branches cassées, trop vielles, malades, mal placées, qui traînent par terre, qui se croisent où qui font double ou triple avec les autres du même côté de l’arbre. Il faut aussi supprimer les gourmands droits mal situés ou en excès et arquer les autres pour les faire produire ou pour remplacer les charpentières malades ou vieillissantes appelées à disparaître dans l’avenir. On ne donne pas 2 ou 3 gros coups de sécateur consécutifs sur la même charpentière et il ne faut surtout pas dégarnir celles-ci de l’intérieur au moment de la taille ou de l’élagage dit d’été. Selon que la variété produit beaucoup ou non dans les jupes et selon les risques liés à la pourriture des fruits ou à la montée des escargots, en rapport avec le climat sec ou pluvieux de la région, on peut décider soit de laisser ou relever les jupes de l’arbre. La Nour produit essentiellement dans les jupes et elle est en plus cultivée dans les zones arides ou le risque de pourriture des fruits et d’attaque par l’escargot est moindre. Le Gharb et le Loukkos sont par contre les régions à grand risques de dégâts d’escargots et de pourriture du fait de l’excès de pluie.
Pour entamer la taille d’un arbre, il ne faut jamais oublier le principe TATA qui signifie de faire le tour de l’arbre avant de commencer sa taille (TA) et de refaire un second tour après (TA) que la taille soit finie, la première fois pour s’assurer des coupes à réaliser et la seconde fois pour s’assurer qu’on n’a rien oublié d’important (Ait Houssa et al., 2017).
La qualité de la taille étant supposée respectée, c’est ensuite le volume de la frondaison qui fixe le nombre et le coût à l’arbre. D’une manière générale, un professionnel chevronné peut tailler 140-150 jeunes arbres, 40-50 en cas de frondaison moyenne et 30 à 40 arbres, voire moins si les arbres sont géants. Les prix pratiqués vont de 1 à 1.50 Dh/arbre pour les jeunes, 3-3,50 pour les moyens et 4-5 Dh pour les grands, ce qui correspond aux coûts/ha rapportés dans le tableau 10 selon la densité du verger (Haddouche, 2018).
Dans certaines conditions, la taille seule ou même appuyée de vieil artifice comme l’incision annulaire, n’est plus une solution pour rentabiliser la variété, il faut alors soit sur-greffer ou carrément procéder à l’arrachage. Il faut savoir que le sur-greffage n’a d’intérêt que si on remplace une variété par une autre plus productive avec des fruits de qualité prisés sur le marché. Il en est de même de la décision d’arrachage. De même le sur-greffage suppose un arbre avec un tronc et un enracinement sains, exemptes de gommose, de pseurose, ou d’autres maladies virales. Il faut aussi s’assurer de la compatibilité physique et biologique arbre/greffon. Il ne sert à rien de vouloir greffer une Maroc-late nucellaire devant évoluer en arbre géant sur un petit tronc de Citrange Carrizo ayant vieilli avant terme dans une région hydromorphe comme le Gharb (El Kourdi, 2017).
Contrôle de la gestion des traitements phytosanitaires
Un jeune plant d’agrumes doit provenir d’une pépinière agréée par l’État et être certifié indemne de maladies dites de quarantaine dont les plus redoutables sont la tristeza, l’exocortis, le stubborn et la psorose. A sa plantation, le jeune plant, encore très fragile, est très sensible à la concurrence des mauvaises herbes. Les plus difficiles à combattre sont surtout les vivaces telles que le Cypérus, le panicum, le sorgho d’Alep, le chiendent ou encore la morelle jaune dans les régions où elle est présente. Selon qu’il s’agit de cortège floristique fait d’annuelles ou d’un mélange d’annuelles et de vivaces, les produits le plus souvent utilisés sont des défanants, des produits à base de glyphosate ou de spécialités ayant des actions similaires. L’autre précaution importante concerne la gestion des rampes d’irrigation autour du jeune plant. Elles ne doivent être rapprochées du tronc que durant les 2 ou 3 premières semaines après plantation. Au-delà, il faut les éloigner pour éviter l’installation précoce de la gommose à phytophtora sur le jeune tronc. La partie aérienne du plant a aussi besoin d’être protégée durant les premières années contre les dégâts de la mineuse, des acariens et des cochenilles. Divers produits sont proposés pour la lutte contre ce ravageur parmi lesquels, il faut citer l’Acetamiprid, l’Imidaclopride, le Thiaclopride, le Chlorantraniliprole…
L’avenir phytosanitaire d’un jeune verger se décide dès son jeune âge en évitant l’installation de foyers de cochenilles, d’acariens, d’aleurodes ou d’autres ravageurs graves. Quel que soit le ravageur ou la maladie, la stratégie de lutte doit être basée sur la surveillance permanente du verger (Asfers, 2018b).
La récolte est le moment idoine pour l’établissement de cartes phytosanitaires complètes avec pour chaque secteur, vanne, voire rangée d’arbres, les ravageurs ou les maladies présentes, le degré d’attaque et les risques associés. Le travail étant déjà dégrossi, il est ensuite complété par un monitoring normalisé en respectant les procédures d’échantillonnage d’organes, de type séquentiel pour les acariens (Boivin et Vincent, 1983; Oulahcen et al., 1996), de captures et de comptages d’insectes (pou, cératite), sans perdre de vue la notion de seuil d’intervention imposé soit par des impératifs économiques soit par les cahiers des charges du client pour la marchandise destinée à l’Export. Le pou de Californie doit être traité à partir d’un seuil de 1500 individus comptés sur piège à phéromone, les acariens à partir de 40% de feuilles avec au moins une forme mobile, la cératite dès qu’on observe des captures moyennes dépassant une mouche-mâle ou 0,5 femelle dans le piège de type Maghreb-Med…. Depuis 3 ou 4 ans, le marché russe et américain exigent la mise en place obligatoire d’un nouveau système de lutte contre la cératite dit piégeage de masse avec en plus pour les USA un traitement de la marchandise par le froid pour prévenir la présence de ce ravageur (Asfers, 2018b). Dans certaines régions côtières, comme Rabat/Salé, d’importants risques de dégâts d’Aleurodes ou de pucerons existent (Asfers, 2017). D’une manière générale, on considère que les risques liés à la cératite sont plus importants dans le sud (Souss, Haouz), du fait de la présence dans ces régions de réservoirs pour le ravageur comme l’arganier ou le figuier de barbarie. Comme exemples de produits le plus souvent utilisés pour traiter le pou de Californie et les cochenilles, citons le spirotetramate, le Chlorpyrifos et les huiles minérales. Contre la cératite, en plus des pièges de masse moins résiduels, à base d’engrais azotés ou de produits spéciaux comme Cera-Trap, Fly-cap, ou Magnet-med, l’usage d’insecticides classiques est encore aussi autorisé (Lambd-cyhalothine, Malathion,…), à condition de respecter le délai avant récolte (DAR), la liste des molécules autorisées, et le niveau de résidus admis selon le marché de destination. L’autre ravageur à combattre, qui n’est pas des moindres, c’est l’acarien. Différents produits sont proposés sur le marché pour traiter ce ravageur tel que le Pyridabene, Spirodiclofen, Fenazaquin, Etoxazole…. Au nord du pays, l’escargot est aussi un ravageur redoutable des agrumes qui requiert une stratégie bien élaborée pour en limiter les dégâts. Et le dernier en date qui vient de faire pour la première fois d’importants ravages dans le Souss est le thrips (Asfers, 2018a). Comme maladies classiques en verger, il faut citer la gommose à phytophtora, l’Alternaria, notamment sa nouvelle souche sur Nova, la fusariose, l’anthracnose et les pourritures des fruits en année pluvieuse.
Il faut une stratégie efficace de gestion pour pouvoir prétendre à une maîtrise des traitements en verger. Celle-ci doit s’inscrire dans la durée et user d’une bonne connaissance du milieu site par site, du comportement du ravageur ou de la maladie, du respect de la faune auxiliaire, de l’environnement, de la notion de résistance, sans perdre de vue le coût du traitement. Des traitements abusifs contre le pou de Californie, en réduisant la faune auxiliaire, créent de l’espace pour la pullulation de l’acarien. Il en est de même d’un nombre exagéré de traitements contre les autres ravageurs. Dans une expérience assez récente sur NadorCott dans la région de Rabat/Salé (Asfers, 2017), il a été démontré que trop de traitements contre la cératite peuvent conduire à une pullulation foudroyante de l’aleurode pourtant considéré d’habitude au Maroc, il y a quelques années, comme un ravageur secondaire. En 2014, plus de 90 % des fruits de ce verger étaient inexportables en l’état à cause de la fumagine due à la présence de ce ravageur, avec en plus un affaiblissement de l’arbre. Trois ans d’efforts inlassables ont été nécessaires pour rétablir l’équilibre de l’écosystème en modifiant la technique de taille de l’arbre, en introduisant un agent de lutte biologique du genre Eretmocerus spp et en utilisant pour la première fois avec succès, des huiles minérales en plein été. Le résultat obtenu a été spectaculaire; en trois ans, la fumagine a été quasi-éliminée du verger et le taux d’Export est passé à 73 %, mais au prix d’un coût de traitement pour rétablir l’équilibre multiplié par deux.
Le tableau 11 donne le coût moyen des traitements en verger d’agrumes. Il est fonction de l’état général du verger, de la pression des ravageurs et/ou maladies, des conditions climatiques et de la gestion intégrée ou non des problèmes en présence. Il peut aussi augmenter à cause de la présence dans les alentours, de voisins non disposés à traiter leurs parcelles ou de vergers définitivement abandonnés.
C’est l’un des coûts de production en agrumiculture difficile à comprimer et c’est aussi l’un des coûts qui ne fait qu’augmenter. Avec l’apparition de souches résistantes aux pesticides et de nouveaux ravageurs difficiles à combattre, il faut s’attendre à une augmentation substantielle du budget phytosanitaire dans l’avenir. D’une manière générale, il faut noter que le coût des traitements est plus cher pour les insecticides que pour les acaricides, plus élevé dans les régions à grand risque pour la cératite ou l’escargot que pour les régions à moindre risque.
Contrôle de la gestion du matériel agricole
Ce contrôle commence avec la vérification du choix du matériel lui-même (marque, modèle, puissance, options …), qui doit être adapté à l’arboriculture. A moins d’être hérités d’une activité de grande culture antérieure à la reconversion en agrumes, les tracteurs de grande puissance 4RM et les matériels d’accompagnement qui vont avec eux ne sont d’une certaine utilité que pour un nouveau projet de plantation où il faut sous soler, labourer et butter le terrain. Et même pour cette opération ponctuelle, le recours à la prestation de service externe reste l’option la plus économique. En agrumiculture, il faut des tracteurs fruitiers. Les engins doivent être d’une puissance autour de 75 CV (55 KW) et équipés de prise de force économique et de vitesse rampante pour les traitements contre des ravageurs exigeant en volume de bouillie comme le pou de Californie (Asfers, 2018d). Cette puissance est par contre à majorer quelque peu pour les fruitiers destinés à travailler dans les sols sableux où l’adhérence est faible et le roulage plus difficile. Il en est de même des fermes utilisant le fruitier pour broyer le bois de taille. Le besoin en nombre de tracteurs n’est pas forcément proportionnel à la superficie plantée, du fait de l’économie d’échelle à mesure que la superficie augmente. Il dépend de l’état général du parc matériel (neuf, d’occasion), du niveau d’entretien assuré par l’atelier de la ferme et de la présence ou non d’autres activités agricoles au sein de la ferme faisant appel au même parc (Ait Houssa et al., 2006). Le besoin n’est pas non plus le même selon qu’on est en présence d’un grand projet monovariétal ou d’un assortiment comprenant des clones à la fois précoces, de saison et tardifs, ce qui permet d’étaler les travaux et de soulager le parc. Le niveau d’équipement doit aussi être raisonné en fonction de la stratégie de travail adoptée qui peut être à un ou deux shifts et dans les deux cas, par rapport à la demande maximale en matériel à des moments clés de l’année, comme la récolte ou l’application de l’acide gibbérellique. On peut aussi opter pour la stratégie du parc minimum et confier une partie des travaux à des externes, à condition d’avoir affaire à des professionnels. L’expérience montre qu’il faut en général 3-4 tracteurs pour un projet de 100-150 ha, 5-6 tracteurs pour un projet de 200-300 ha, et 8-10 tracteurs pour un projet de 500 ha. Les autres matériels dont un verger a besoin sont les atomiseurs double ventilation pour les traitements phytosanitaires, à raison d’un appareil pour 50 ha, des gyrobroyeurs pour les mauvaises herbes et le bois de taille (1 machine/200 ha), des covercrop portés type 12-14 disques ou des herses rotatives pour les travaux du sol au milieu des lignes, du matériel de récolte, du matériel divers tels que les chariots et les citernes et enfin le petit matériel. D’une manière générale, un tracteur fruitier doit travailler entre 600 et 1000 h/an. Avec moins de 500 h, il doit être considéré en sous activité et au-delà de 1500 h en suractivité.
Pour un tracteur de puissance donnée, c’est sa consommation spécifique Cs exprimée en gr/CV ou gr par KW/h qui détermine sa consommation horaire. D’une manière générale, on considère qu’un engin à Cs autour de 225-230 gr/KW/h est dans un état correct, ce qui correspond pour une puissance de 60 KW, un taux de charge moyen de 40% et une densité de gasoil de 850 gr/L, à une consommation horaire théorique de 6,50 L/h. Le taux de charge est à son maximum quand l’engin effectue des travaux difficiles comme le labour en sol sec au milieu des rangées et à son minimum lorsqu’il effectue des travaux légers comme le désherbage à la rampe frontale. D’une manière générale, la consommation d’un fruitier de puissance P= 75-80 CV, doit tourner autour de 4-5 L/h. Toute valeur qui se situe largement au-dessus de ces normes est à justifier. Peu d’études sont publiées sur la gestion et l’entretien du matériel agricole au Maroc. Les tableaux 12 et 13 présentent quelques références de travail sur la consommation en carburant/lubrifiant, l’entretien, et le coût d’utilisation des tracteurs agricoles au Maroc (Ait Houssa et al., 2006; Haddouche, 2018).
Il faut prêter une attention particulière à la consommation du parc en carburant. Celle-ci doit être relevée sur les compteurs des engins et non calculée à partir des fiches de pointage, ce qui souvent conduit à des chiffres erronés, anormalement faibles et mécaniquement impossibles (Ait Ladigue, 2016). Ceci sous-tend d’avoir un compteur horaire en état de marche sur chaque tracteur. En contrôle de gestion, l’expérience montre aussi l’effort qui reste à faire pour éviter les erreurs dues à l’affectation des consommations. Sur les tableaux d’enregistrements, il n’est pas rare de noter des consommations de 20 L/h pour un petit fruitier ou de 5 L/h pour une grande puissance 4RM de 170 CV. De même, les chiffres sont parfois faussés par les services comptables. C’est le cas du gasoil ventilé sur les tracteurs de la ferme alors qu’il a été consommé par des engins de location.
L’atelier d’une ferme, c’est le nerf de la guerre. Il faut disposer d’un atelier efficace en mesure d’assurer de la maintenance préventive afin d’avoir du matériel constamment opérationnel.
D’après les données les plus récentes dont nous disposons (Haddouche, 2018), le coût horaire d’un fruitier se situe autour de 102 Dh, répartis entre l’amortissement (25 Dh), le carburant/lubrifiant (40 Dh), la MO (22 Dh), l’entretien/réparation (12 Dh) et les frais divers (3 Dh).
Contrôle de la gestion de la main d’œuvre
En agriculture, le poste main d’œuvre est l’une des préoccupations majeures de l’entreprise. Dans les fermes agrumicoles, différents modèles de gestion de MO existent selon le niveau d’évolution de la ferme. Le plus simple correspond à celui des unités familiales gérant de petites équipes polyvalentes en recomposition continuelle des tâches, rotations des postes et propre autocontrôle et le plus élaboré aux grandes unités organisées autour de noyaux de MO spécialisée avec du travail fortement adossé à l’usage de la machine et surveillé de très près par les contremaîtres et cadres de la société.
C’est dans les grands groupes intégrés, avec présence à certaines époques de l’année d’effectifs importants d’ouvriers sur site, qu’il est inévitable avec autant de monde de ne pas penser au management des chantiers selon Taylor (1911), afin d’éviter de gérer de la pagaille. En agrumiculture, le périmètre d’application réel le plus visible du para-Taylorisme avec divisions verticale et horizontale des tâches, spécialisation, parcellisation, concerne surtout les stations d’emballage dont le fonctionnement s’approche de celui d’une Usine. On le trouve aussi un peu à l’état d’ébauche dans les chantiers de récolte de la NadorCott des grandes fermes du sud et du nord du pays, pouvant employer des effectifs dépassant parfois 1000-1200 ouvriers par jour (Hsayni et Loultiti, 2017).
En matière de gestion de main d’œuvre, il faut disposer de référentiels pour pouvoir régir la relation MO/entreprise, évaluer la productivité, la qualité, et rémunérer le travail fourni. Le tableau 14 présente quelques opérations de ce genre avec les coûts usuels correspondants. Là aussi, il faut surtout considérer l’ampleur de la variation autour de ces standards si on veut juger raisonnablement les écarts de coût sur le terrain. Un ouvrier peut tailler entre 30 et 150 arbres/j selon l’âge de la plante ou le type de taille. Il peut traiter entre 20-30 ha s’il s’agit d’application d’oligo-éléments ou d’acide gibbérellique, 10-15 ha s’il traite l’acarien ou le pou de Californie. Il doit en principe récolter 15 à 17 caisses de petits fruits et 45-50 caisses d’oranges s’il travaille à la journée. Mais en agrumiculture, l’emploi de «hard workers» travaillant à la tâche avec productivité journalière 2-3 fois plus élevée et rémunération équivalente existe. Elle concerne surtout la MO en provenance de contrées réputées pour leur endurance et leur haute productivité comme le Souss, Elkelâa et Safi (Draoui et Ouchen, 2016; Hsayni et Loultiti, 2017).
Organisation du travail, sous-entend la notion d’équipe placée sous la tutelle d’un responsable dit communément «Caporal» qui porte seul l’entière responsabilité des actes de son équipe. L’effectif par équipe est fonction du type de chantier et de la taille de la propriété. Il est à son minimum pour l’irrigation et les traitements mécanisés et à son maximum lors de la récolte monovariétale en grand verger. D’une manière générale, il faut 4-5 personnes pour gérer l’irrigation d’un grand verger automatisé, 1 à 2 personnes par machine pour traiter, 10-15 personnes par équipe pour la taille avec un chef d’équipe, et 20-25 personnes par équipe pour la récolte. Organisation du travail sous-entend aussi traçabilité afin de suivre la performance, la qualité et pouvoir retrouver l’origine du problème en cas d’anomalie, particulièrement pour les marchés de l’Export. Celle-ci requiert la certification de type Global GAP, HACCP, Bercy….selon les marchés (IMANOR, 2019). Le coût de la main d’œuvre en agrumiculture (Tableau 14) est fonction de l’opération et selon qu’on a affaire au petit fruit ou à l’orange. Il se situe globalement autour de 19000 Dh/ha répartis entre la récolte (54 %), la taille des arbres (13%), le gardiennage (9%), la protection phytosanitaire (8%), l’irrigation (8 %), le matériel agricole (4 %) et les autres activités (4 %).
Gestion des conflits sociaux
Pour un contrôle de gestion qui se veut dynamique et complet, il y a des enseignements précieux à tirer de l’analyse du retour d’expérience sur les conflits sociaux en agriculture. Un projet peut parfois échouer non pas à cause du manque de ressources financières pour l’investissement mais faute de pouvoir gérer les relations sociales avec la main d’œuvre ou le voisinage.
Les conflits sociaux sont les plus délicats à gérer et pourtant inévitables au sein d’une entreprise, du fait de la divergence d’intérêts entre l’employeur et les employés et parfois entre employés eux-mêmes. D’une manière générale, il vaut mieux les anticiper que de chercher à les traiter par la suite. Leur prévention passe par la vérification que l’entreprise applique bien déjà le code du travail dans son ensemble, sans oublier le respect de la dignité humaine dans les relations avec le personnel. Et le plus grave à éviter, c’est l’injustice et le manque d’équité. Les 9 principales règles pour traiter les conflits avec la main d’œuvre ont été publiées depuis fort longtemps par l’Institut Abilene Christian University. Elles prévoient que le conflit est inévitable en entreprise (1), préconisent de toujours intervenir tôt avant que la situation ne se détériore (2), exigent l’identification exacte de la nature du conflit (3), de garder le sang-froid durant les négociations et de bien gérer ses émotions (4), d’écouter attentivement chaque partie (5), de ne pas confondre personnel et professionnel (6), de faire appel à un médiateur en cas de nécessité (7), de toujours chercher un compromis (8) et enfin de prévoir le conflit (9).
En agriculture, il faut aussi tenir compte qu’on a affaire à une main d’œuvre rurale avec des conditions socio-économiques propres qui la prédisposent d’emblée à des conflits avec l’entreprise, tels le faible niveau d’instruction, défavorable à une bonne communication, la pauvreté, et le faible niveau des salaires. Mais le plus important reste la saisonnalité de l’offre en emploi de l’activité agricole qui impose à une grande frange de main d’œuvre, le statut d’ouvrier occasionnel en situation précaire parfois à vie. D’autre part, quoi que le syndicalisme soit quasi-généralisé aux grandes entreprises agricoles, les délégués du personnel sont rarement associés comme observateurs à la gestion de l’entreprise. La première cause de malentendu employés/employeur semble venir en partie de là. N’étant pas impliqué dans la gestion, le syndicat est dans l’obligation de croire l’entreprise sur parole lorsque celle-ci met en avant le manque de rentabilité de la filière pour refuser les revendications matérielles de la main d’œuvre.
Au-delà du code de travail, la mentalité de la région influe aussi en grande partie la prédisposition aux risques de conflit avec l’entreprise. Au Maroc, on dit que si quelqu’un prétend être un as en matière de gestion des conflits sociaux, il faut l’envoyer gérer les fermes de certaines contrées du Gharb connues par la virulence de leur main d’œuvre. Il faut aussi évoquer le sexe et la couleur du syndicat. En général, selon les régions, il y a plus de conflits avec les hommes qu’avec les femmes, avec certains syndicats qu’avec d’autres. Bien sûr, il faut reconnaître que les employeurs ne sont pas non plus tous des enfants de chœur et quelques-uns d’entre eux méritent bien les réactions agressives des syndicats pour les amener à respecter le code du travail. A l’inverse, l’expérience montre aussi la difficulté insurmontable à gérer l’opportunisme de certains syndicats qui ne voient dans l’entreprise que le profit qu’ils en tirent et se soucient peu de sa rentabilité et de son avenir. Quand il n’y a plus rien à revendiquer concernant le code du travail, d’autres requêtes extra-code font surface, et dès que l’entreprise en a satisfait une partie, le syndicat en rajoute d’autres qui sont parfois du ressort des Centrales et non des bureaux locaux. En fait, le problème n’est pas dans le pro domo sociétal lui-même, mais dans l’impossibilité à concilier ces requêtes avec le «Run Flat» financier du secteur qui a déjà du mal à honorer les charges sociales basiques prévues par la loi.
Il y a un chapelet de points de discorde à l’origine des conflits avec la MO qu’on ne peut pas tous traiter dans cette étude. Citons par exemple l’interprétation de la notion de «liste» d’ancienneté, d’usage courant au Maroc pour décider des arrêts et reprises du travail de la main d’œuvre occasionnelle, pour traiter les demandes de permanisation ou pour accorder certains avantages à cette catégorie. Il y a aussi la notion de primes et bonus, d’habitude instaurés comme moyens de motivation pour accroître la compétitivité dans une logique win-win employeur/employés, tandis que certains syndicats s’obstinent à l’interpréter comme complément de salaire et font tout pour qu’ils ne soient pas indexés sur la productivité, la qualité ou des services particuliers rendus.
Les conflits sociaux à gérer par l’entreprise agricole ne sont pas toujours que des conflits avec la main d’œuvre. Ils peuvent être liés au statut du foncier si le projet est prévu sur des terres en location appartenant à l’État sur lesquelles la population prétend à tort ou à raison, avoir des droits historiques, soit de propriété, soit d’usufruit, et cherche à récupérer les dits droits. Terrains Guich, Soulalia, terrains en réquisitions, voire même titrés, aucun statut ne semble épargné, pourtant un titre foncier est en principe juridiquement inattaquable (Bouderbala, 1977; Daoudi, 2011). Ce sont surtout les projets proposés dans le cadre du partenariat Public-Privé (communément appelé PPP), qui ont révélé au grand jour ces problèmes latents du vrai rapport du monde rural à la terre. La difficulté est à son maximum, lorsque l’investisseur cherche à déloger des douars entiers implantés de façon illégale, mais qui sont là depuis 30-40 ans. Soit parce qu’ils n’ont pas où aller, soit qu’ils ont où aller mais leur départ leur fera perdre leur demeure et l’ensemble des avantages que leur procure leur présence sur la propriété (proximité, exploitation de la terre, de l’eau, ….). Certains conflits sont aussi le fait de populations qui cherchent à faire valoir le voisinage comme élément prioritaire pour le droit au travail, alors même que cette approche est légalement discriminatoire et anticonstitutionnelle (CGEM, 2012; Code du travail, 2018).
La mésentente provient aussi parfois du déséquilibre entre l’offre et la demande en MO, lorsque le projet est créé dans une zone avec du chômage massif, la population cherchant à presser l’investisseur pour embaucher un maximum de main d’œuvre, alors que le besoin réel de l’entreprise est beaucoup plus limité. De même que les différends peuvent provenir des préférences des entreprises pour l’emploi de femmes, notamment dans le conditionnement où elles semblent beaucoup plus productives. Les femmes disons-le aussi, semblent beaucoup plus dociles à gérer que les hommes et généralement moins syndiquées (Handouf, co). Parfois, il faut aussi gérer les faux conflits liés à la politique lorsque ceux-ci sont le fait de Partis qui cherchent à punir l’investisseur pour n’avoir pas invité sa MO à voter pour eux ou pour l’avoir invité à voter pour un rival dans la course aux élections à un poste politique.
Parmi tous les projets en PPP, éparpillés un peu partout au Maroc et avec lesquels nous sommes en contact, nous n’avons pas eu connaissance d’investisseur ayant échappé aux conflits sociaux lors de l’établissement du projet. Surpris par ces problèmes, le profil de résilience a été très différent selon les situations. Quelques-uns ont préféré abandonner tôt et remettre le terrain à l’État sans grand préjudice financier, d’autres ont abandonné au milieu ou cédé le projet après réalisation, mais la grande majorité ont réussi à se maintenir au prix de concessions diverses, notamment sur le patrimoine foncier et d’efforts exceptionnels de communication avec la MO et la population.
Contrôle de la gestion du conditionnement
Le modèle de gestion idéal (rare sur le terrain) dans un Groupe agrumicole intégré est celui où il y a convergence d’intérêts entre production, conditionnement et commercial, avec partage équitable de la marge mais aussi du risque. Ce qui requiert de traiter les trois activités sur la base de résultat consolidé du Groupe et non sur la base de la marge propre de chacune. Dans le système actuel, pour bon nombre de Groupes, la ferme est plutôt le parent pauvre de l’Organisation. C’est à elle qu’on fait porter tous les risques, aussi bien inhérents à la production (climatique, qualité, …) que le risque marché à proprement parler. La ferme est prisonnière de la station d’emballage du Groupe et n’a pas la liberté de travailler avec une station externe en cas de coût de revient moindre ou de service meilleur. Sauf autorisation préalable, elle ne peut non plus vendre sa production sur le marché local en cas de prix plus intéressant que celui attendu à l’Export. Au contraire, elle a l’obligation de conditionner en interne sans prix de cession et sans aucune garantie sur le prix qui lui sera versé à la fin.
La station fonctionne le plus souvent comme un centre de profit avec Zéro prise de risque. Elle réceptionne la production, la conditionne et facture sa marge indépendamment du prix de vente à l’étranger. Quand il y a un grave redu, comme en 97/98 et 18/19, c’est en général la production qui le supporte et le reporte sur son bilan. La station est aussi autorisée à s’immiscer dans la gestion des fermes tandis que l’inverse n’est pas vrai. Elle est membre important du comité d’arbitrage entre parcelles à récolter pour le conditionnement et celles à garder pour le marché local. En produisant régulièrement des tableaux de bord sur les raisons agronomiques de non Export, pour le compte du Top Management, la station est aussi le principal juge de la qualité du produit, voire de la qualité du travail du Staff technique de la ferme d’autre part, même si son produit est meilleur que celui des autres, la ferme n’est pas habilitée à décider de la destination pour sa marchandise.
En dépit de son évolution depuis les années 90, le modèle de conditionnement mis en place soulève aussi la question d’équité entre fermes. Unités performantes et moins performantes doivent rester solidaires sur beaucoup de paramètres tels que le marché, période des ventes, calibre, prix des écarts, voire même les avaries. Les écarts sont généralement payés à un prix moyen commun sans tenir compte de leur qualité différente. Ne bénéficiant d’aucune majoration de prix en cas d’Export avec les premiers bateaux à destination de marchés plus rémunérateurs comme le Canada, la ferme ne peut valoriser l’avantage de la précocité qu’il soit un avantage de microclimat ou d’effort de gestion. Une approche à la limite moins grave lorsque la station travaille uniquement pour le Groupe. Mais lorsqu’il s’agit de marchandise d’apporteurs externes, techniquement peu performants, c’est une manière indirecte de partager avec les autres, un revenu qui ne leur revient pas réellement de droit. Mais l’inverse est aussi vrai.
Le Maroc a encore sans doute besoin davantage de stations de conditionnement. L’insuffisance de capacité des unités actuelles pour accroître l’Export, semble d’ailleurs en partie expliquer les prix catastrophiques de 2018 sur le marché local. Mais, une station de conditionnement moderne conçue pour traiter un volume de 30-40 mille tonnes d’agrumes/an coûte autour de 200 millions de Dh (100 millions pour une capacite de 15-20 mille tonnes). L’erreur à ne pas commettre, est de vouloir rentabiliser une station en comptant uniquement sur les apporteurs qui, une année vont conditionner avec la station et une autre, vont vendre sur le marché local si les prix sont meilleurs. Alors que le Groupe a besoin pour fidéliser sa clientèle à l’étranger, de flux de marchandise régulier chaque année en volume, qualité et assortiment variétal.
Le Maroc a adopté le modèle de station espagnol trop cher qui suppose pour être rentabilisé un environnement commercial semblable à celui de l’Espagne (meilleure valorisation des écarts). Pour outil moderne qu’il soit, dans le contexte actuel de crise, un tel modèle est plutôt un facteur aggravant de la non-rentabilité des agrumes, du fait du niveau d’investissement trop élevé. Plusieurs professionnels ont d’ailleurs commencé à remettre en cause ce modèle et proposent pour l’avenir de s’inspirer de l’expérience de l’Afrique du Sud où généralement le conditionnement est réalisé dans de petites unités peu coûteuses (Bounejmat, 2019).
En contrôle de gestion, les anomalies de dysfonctionnement à rechercher dans la marche en avant d’une station de conditionnement peuvent provenir de la conception de la station elle-même. Celle-ci doit être compatible avec les nouvelles exigences du marché. Il faut rechercher un agencement des bâtiments qui respecte la bonne fonctionnalité de cette marche en avant. La station doit être dotée d’équipements de traitement post-récolte (drencher, bassin, applicateur intelligent) (1), d’un précalibrage séparé de la chaîne de conditionnement (2), d’une capacité suffisante en froid et en chambres de déverdissage (3), ce qui permet à la ferme de récolter en fonction de la date de maturité et non du programme d’Export (Aït Houssa et al., 2017). Il faut aussi prévoir un couloir de pré-refroidissement pour les expéditions sur les USA (4). La station doit aussi disposer d’un matériel de manutention suffisant (chariots élévateurs, transpalettes, quais…). En dehors du respect des routines techniques concernant l’hygiène de la caisserie, des aires de la station et du personnel, le traitement du produit, la conservation en chambre froide, le déverdissage, le calibrage, l’emballage, …toutes choses égales, c’est l’art de gérer le fruit en fonction de son comportement qui différencie une station d’une autre. En particulier, l’application du «FIFO» récolte, du «FIFO transport», du FIFO-station et du «FIFO marché». Producteurs, station et commercial doivent exploiter en commun leurs qualités hétérotiques et fusionner leur expérience afin d’opérer les bons arbitrages au bon moment entre régions, fermes, variétés et parcelles. Date de maturité du fruit, porte-greffe, clone et risques climatiques, interfèrent avec ces décisions. A maturité égale, on considère qu’une clémentine produite sur Macrophylla ou Volkameriana dans le Gharb avec de grands risques de boursouflure par suite d’excès de pluie est prioritaire, aussi bien pour la récolte que pour le conditionnement. Par contre, un petit fruit produit en région sèche sur Citrange Carrizo ou équivalent peut mieux supporter des délais d’attente plus longs que ce soit en verger, en frigo ou pour l’expédition sur de longues distances à l’étranger. Si la marchandise est issue d’une zone connue pour sa mauvaise évolution rapide tout en étant de bonne qualité sur arbre, il faut lui choisir une destination proche afin de la commercialiser dans de meilleurs délais. Il en est de même des bons clones connus pour leur sensibilité au ramollissement et noircissement quand ils voyagent trop loin. A la sortie de la chambre de déverdissage ou après conditionnement, d’importantes différences apparaissent parfois sur l’aspect externe des fruits selon leurs origines ou la date de récolte. Les fruits récoltés lors du dernier passage en cueillette sélective deviennent en général plus fragiles du fait de la surmaturité et du niveau faible d’acidité. Là aussi il faut penser délais plus courts et marchés plus proches.
C’est entre autres, le niveau d’automatisation qui fait la différence de rendement journalier entre stations. D’une manière générale, une station dotée de deux lignes avec 8 caméras peut conditionner 250 à 300 T/j avec un seul shift et une fois et demi avec deux shifts (Madiani, 2015; Ait Houssa et al., 2017). Le rendement journalier par unité d’œuvre est normalement plus élevé en présence de speed packers (900-1000 kg/personne) qu’avec les tables classiques de rangement (500-600 kg/personne), plus élevé avec une marchandise de bonne qualité qu’avec des fruits à problèmes difficiles à trier, plus élevé le matin quand la main d’œuvre est encore en forme qu’en fin de journée prolongée. Il est aussi largement plus élevé pour les oranges que pour les petits fruits.
Comme pour toute autre activité, le conditionnement a un coût. Celui-ci varie selon les stations et les emballages concernés. Il est plus faible pour les grands emballages de 10-15 kg en bois et plus importants pour les petits emballages en carton tels que le PCB de 1,8 kg. Le tableau 15 donne la répartition du coût de revient du conditionnement dans une station moderne semi-automatisée du nord du Maroc.
Contrôle de la gestion de la partie commerciale
Depuis l’effritement de l’OCE et son remplacement par les Groupes d’Exportation, grands localement mais trop petits pour financer chacun de vraies représentations sur place à l’international, la filière Agrumes semble quelque peu déconnectée d’un marché qu’elle doit gérer à partir du Maroc. De ce fait, pour les entreprises orientées Export, il est impossible d’engager un contrôle de gestion in situ au vrai sens du terme. Un tel travail suppose d’emboîter constamment le pas au Commercial ou d’être constamment présent avec lui dans l’avion. Pour de nombreuses entreprises, la tâche s’en trouve simplifiée puisque c’est le Top management lui-même ou un de ses hommes de confiance qui souvent négocie les prix de l’Export. Il est donc supposé connaître l’origine des écarts de performance et en porte lui-même la responsabilité. Pour le contrôle de gestion, au stade où nous en sommes, la méthode indirecte pour évaluer les performances de sa propre entreprise reste le benchmarking à postériori avec les autres concurrents de la place. L’information sur les prix de liquidation, rappelons-le, étant facilement accessible soit directement, mais le plus souvent indirectement par l’intermédiaire des producteurs adhérents.
Différentes manières de chiffrer la performance du Commercial à l’Export existent. Mais le plus simple reste celle qui utilise le prix net producteur comme référentiel de travail. Le calcul est basé sur le prix net export, corrigé par la recette des écarts. Si en fin de campagne, l’entreprise est classée parmi les plus mauvaises, le contrôle de gestion doit chercher les causes de ce classement. S’agit-il d’un mauvais choix du marché? D’«excès de zèle» avec expédition d’un grand tonnage sur un marché moins rémunérateur? De prix ayant fini en queue de poisson sur une importante variété à la fin? De décote importante pour cause d’avaries ou de mauvaise qualité? Peut-être aussi que, faute de marchandise, l’entreprise n’a pu réaliser que de faibles tonnages à des moments où les prix étaient meilleurs comme par exemple les premiers bateaux envoyés en octobre sur le Canada et les USA. Dans son portefeuille clients, le département commercial est-il présent sur certaines destinations exigeantes mais qui rémunèrent bien le produit comme le marché anglais? L’inconvénient majeur de ce genre de constats est qu’il est fait à postériori et ne permet aucune mesure corrective en temps réel pour la campagne, par contre d’importants enseignements peuvent en être tirés pour améliorer la stratégie des campagnes suivantes.
Comme suite au raisonnement de contrôle de gestion, les autres questions complémentaires à poser concernent l’historique du groupe. A-t-il toujours réalisé de mauvais résultats ou s’agit-il d’un résultat médiocre exceptionnel ayant une explication objective? La situation peut-elle être redressée ou non? Quelle est la part de responsabilité du commercial dans le manque à gagner constaté et quelle est la part de la station et de la ferme, en particulier si la cause en est la qualité du fruit ou les décotes pour cause d’avaries. Au Maroc, beaucoup de stations fonctionnent comme un centre de profit et refusent la solidarité avec le producteur en année difficile, même si l’une des causes des mauvais prix sont les avaries pour n’avoir pas maîtrisé les traitements fongiques en station. La crise actuelle étant supposée passagère, vous pouvez considérer que votre campagne commerciale s’est bien déroulée si vous avez réalisé un net producteur largement supérieur à 2,5-3,0 Dh/kg pour le groupe des clémentines, 3,5-4,0 Dh/kg pour la Nour et 5,50-7,00 Dh/kg pour l’Afourer.
Le deuxième marché important à gérer, c’est le marché local, puisque sur les 2,7 millions de tonnes d’agrumes produits aujourd’hui, plus de 2 millions sont consommés sur ce marché. Un marché libre certes, mais malheureusement non organisé. C’est aussi un marché soumis à une double concurrence ou double C=EsEf+ E’vE’s, Où (EsEf) signifie concurrence Exploitations structurées/Exploitations familiales et(E’vE’s,) Écarts vergers/Écarts stations. Le prix du marché étant ce qu’il est chaque année; solvabilité, assise financière, respect des clauses sur les délais d’enlèvement, sont les principaux facteurs à prendre en compte pour rédiger un contrat de vente avec les acheteurs. D’autre part, l’expérience montre qu’il ne faut jamais compter sur un seul client ni proposer à la vente de gros tonnages à la fois pour un même client. Au Maroc, la question du marché local reste entière. On en parle depuis plus de 30 ans mais sans qu’aucune décision ne soit déclinée en acte. Le producteur continue de travailler pour l’oligarchie des intermédiaires qui sont seuls à pouvoir profiter à fond du système (Bensaïd et al., 2018). Le modèle de la figure 2, suggère aussi l’intérêt qu’il y a à vendre tôt en années de sur-offre excessive. Déjà en vendant parmi les premiers le prix est mauvais, mais plus on tarde plus le coût d’hésitation est important. Il y a une dégradation linéaire du prix de vente (P) des clémentines en fonction du délai d’attente (J). Entre J0(20 octobre) et J60(28 décembre), la perte sur le prix P est d’environ 15 % tous les 10 jours et à J60, le prix offert est quasi nul (8 cts/kg).
Au Maroc, globalement, en conditions normales, vous pouvez considérer que vous avez bien vendu sur le marché local, si vous obtenez des prix sur pied dépassant 2,00 Dh/kg tout venant pour la Marisol ou les précoces d’une manière générale, la cueillette étant à la charge de l’acheteur, ou si vous réussissez à vendre la Nour à plus de 3,00 Dh/kg ou la Navel et la Maroc-late à plus de 2,50 Dh/kg.
Contrôle de la gestion des achats
En agriculture, on retrouve la même orthodoxie financière sur la gestion des stocks que dans les autres secteurs, avec comme objectif idéal de s’approcher de la méthode «Kanbi» de stock tendu pour certains produits. Coefficient de rotation du stock, stock minimum, stock de sécurité, rupture de stock, délai de livraison sont donc pris en considération. En fait, le problème doit être traité en termes d’impact sur l’activité quand il arrive qu’un matériel ou un produit manque. Ce risque est minimum pour tout objet usuel disponible sur le marché local à n’importe quel moment et maximum pour certains objets importés sur commande de l’étranger avec d’importants délais de livraison. Une ferme utilisant de grands groupes électropompes pour l’irrigation, a intérêt à en avoir constamment un de secours en stock, même s’il coûte cher. Une panne irréparable sur ce matériel équivaut à trois mois d’attente pour être livré et peut totalement compromettre la production. Il faut aussi porter un intérêt particulier aux produits qui n’ont pas de substituant sur le marché comme certains pesticides. L’adéquation Commande/Consommation n’est pas le seul souci des services d’achats. Il faut aussi optimiser les prix ou plus exactement le rapport qualité/prix. Selon les produits, on peut travailler soit sur consultation tous azimuts, comparaison systématique d’offres et commande en temps réel, soit dans le cadre de contrats-cadres avec ou sans mention d’exclusivité, le plus souvent avec prix prédéfinis, une partie de la commande fixe et une partie en option, puis enlèvement au fur et à mesure du besoin. De tels «partenariats» sur le moyen ou le long terme, assez fréquents, suggèrent forcément des compromis client/fournisseur sur les prix. L’idéal pour le fournisseur étant d’avoir un client engagé sûr (CES), solvable sûr (CSS) et respectueux des délais de paiement sûr (CRDPS), tandis que l’idéal pour la ferme est d’avoir affaire à un fournisseur qui propose un bon prix sûr (BPS), qui livre à n’importe quel moment sûr (LNQMS) et qui ne harcèle pas le client pour les règlements sûr (NHPS). En Agriculture au Maroc, pour causes de trésorerie, les délais de règlement sont la pomme de discorde permanente Client/Fournisseur.
La gestion de la logistique, la veille technologique et la veille tout court, la collaboration avec les autres fonctions support sont aussi indispensable pour optimiser les coûts des inputs. Il faut suivre les nouveautés sur le marché et rester à l’écoute de la R/D de l’entreprise concernant les innovations. Un pesticide générique 50 % moins cher s’avère parfois aussi efficace que la molécule d’origine (Asfers, 2018c). Il faut enfin prêter attention aux coûts cachés pour causes sous estimées tels que le type d’emballage, la date de péremption, le choix du moyen de transport ou la multiplicité des débardages pour acheminer la marchandise, sans oublier les conditions de stockage à la ferme.
Ce sont les périodes de consommation par l’arbre qui fixent le déclenchement des commandes pour les grands produits usuels. D’une manière générale, un agrume consomme de l’eau presque toute l’année, en particulier dans les régions arides (Souss, Tadla, Haouz), consomme de l’engrais de janvier à juillet (El-Ayadi et al., 1998; Elkhamass et al., 1998), il est désherbé et traité contre les escargots en hiver/printemps, traité contre les cochenilles, les acariens et les pucerons au printemps/été et contre la cératite en été/automne.
Ingénieurs spécialisés métiers (mécanique, irrigation, engrais, pesticides,…) et gestion de stocks, doivent approuver la commande chacun en ce qui le concerne. Ils sont ensuite relayés par le Service Achats pour la mise en œuvre et par le Gérant pour la réception. Le dernier point à évoquer à ce sujet, sont les délais afin d’être livré à temps.
Contrôle de la gestion de la trésorerie
Un budget de trésorerie est un budget prévisionnel. Il suppose de connaître d’avance la somme globale d’argent à réserver à la production, où trouver cet argent et à quelle période de l’année il faut mettre chaque montant à la disposition de la ferme. Le tableau 16 présente le besoin en trésorerie d’un ha d’agrumes en distinguant entre eux petits fruits et oranges. En valeurs relatives, sur chacun des budgets, l’engrais représente 9 à 14 %, l’irrigation 26 à 30 %, les pesticides 14 à 18 %, la taille 6-7 %, la récolte 23-25% et divers 10%.
Le budget par opération étant connu, c’est la composition variétale spécifique du verger qui définit le besoin en trésorerie par période. Le cas le plus simple est celui d’un verger monovariétal. Mais en général, dans les vergers, petits fruits et oranges sont produits en même temps dans des proportions différentes selon les sites de production. L’écriture simplifiée ci-dessous résume le besoin d’un budget-agrumes global, soit :
Budget = ∑∑Ci Vi Si, où Vi représente la variété d’indice i, Si la superficie correspondante en % du total ou en ha et Ci le coût de l’opération concernée.
Aucun cycle variétal d’agrume ne coïncide réellement avec l’exercice comptable usuel fixé au Maroc pour l’agriculture pour boucler les comptes à fin septembre. Étant donné que l’agrume ne peut être traité comme on traite les céréales à paille ou les rosacées fruitières, il faut donc une origine-temps conventionnelle pour traiter le budget. Et quelle que soit l’origine retenue, la notion d’avances aux cultures est inévitable. Pour certaines entreprises, l’exercice commence le 1er octobre et s’arrête le 30 septembre et pour d’autres, il y a un exercice par filière dont celui des agrumes raisonné par rapport à la récolte des variétés tardives (Providence Verte, 2017).
Comme les variétés ont des cycles différents, il faut aussi introduire un coefficient de précocité ou de tardivité pour l’ajustement du budget. Les clones précoces comme Bruno et Marisol sont récoltés en octobre, Sidi Aïssa et Ain Taoujdate en Octobre/novembre, Nour en décembre/janvier, Afourer en janvier/février/mars et Maroc-late en mars-avril/mai.
D’importantes sources d’écarts caractérisent un budget-agrumes réel par rapport au budget prévisionnel, même à assortiment variétal fixe. La campagne peut être une campagne ON ou Off, ce qui modifiera sensiblement le besoin en certains engrais et en main d’œuvre notamment pour la récolte, sèche ou pluvieuse, ce qui impactera la facture de l’eau d’irrigation et d’électricité pour le pompage. Attaque plus ou moins forte d’acariens, de pou de Californie, d’escargots ou de cératite, peuvent également faire évoluer les budgets,… D’une manière générale, l’approche-budgétaire dans de nombreuses entreprises est de type maximaliste vis-à-vis aussi bien des intrants que de la main d’œuvre ou du transport. Son avantage est d’éviter les budgets additionnels de rattrapage et de passer du temps à justifier les dépassements au Top management.
Alors qu’il est d’us et coutume en agriculture, de repousser le règlement fournisseurs à plus tard en année difficile, il ne peut en être question pour la trésorerie destinée à payer les salaires et la main d’œuvre afin d’éviter les conflits sociaux. C’est l’élément premier à surveiller en matière de gestion de trésorerie, en particulier si la paie coïncide avec des événements importants comme les grandes fêtes, le début des vacances ou la rentrée scolaire. Ceci suppose de connaître l’adéquation dépenses prévisionnelles et recettes prévisionnelles avec un bon intervalle de confiance. D’autre part, sur un cycle de 12 mois, l’agrumiculture est en général plus dépensière entre octobre et juin qui correspond à la période la plus active comprenant la récolte (octobre à avril), la taille (février/mars/avril), les traitements et les épandages d’engrais (décembre à juillet). C’est aussi la période des recettes lorsque le groupe dispose d’un assortiment variétal étalé comprenant clones précoces, de saison et tardifs. Le financement peut aussi être assuré par les recettes des rosacées, olivier, céréales ou par la recette du lait s’il s’agit d’un Groupe multicultures/élevage-laitier et à défaut, par les crédits de campagne et les facilités bancaires.
Durabilité du système, respect de l’environnement et contrôle de gestion
Avenir de l’activité (Ac)/durabilité (D)/environnement (E) forment un ensemble de type borroméen qui n’est cohérent que si les trois cercles sont entrelacés. Pour assurer l’avenir à une activité, il faut l’inscrire dans la durée, et pour être durable, elle doit être implantée dans un environnement sain (au sens large du terme), et protégé de tout risque de dégradation grave. On a:
Ac = F (D) = F (E)) ⌠ (no risk).
Une notion importante dont on parle moins, pour manquement à l’éco-management, est «l’irratrapabilité» des préjudices causés à l’environnement, de façon absolue ou à des coûts économiques insurmontables. Pour l’agrumiculture au Maroc, le cas d’école du coût payé pour manquement à l’éco-gestion est celui de Guerdane. En optant pour la gestion minière des aquifères, la nappe a été épuisée en moins de 50 ans. Et à la place des joyaux vergers de la zone, on a créé un désert. On a bien sûr fait construire par la suite le barrage d’Aoulouz, mais seule une partie des vergers a été sauvée avec le contrat des demi-doses d’arrosage proposé au producteur par Amen-Souss qui gère ce barrage, avec en plus, un coût du m3 deux fois plus élevé que celui de l’eau de la nappe d’antan (Mehdaoui, 2014). Citons aussi le cas un peu plus vieux de l’abandon de la tomate à Oualidia et de la clémentine à Azemmour par suite de la surexploitation de la nappe côtière avec comme corollaire l’intrusion marine et la forte salinisation des puits. En parlant capital-eau, il faut aussi parler capital-sol. Arrosé avec de l’eau salée, un sol lourd est dégradable en quelques années et peut perdre provisoirement ou définitivement son potentiel de productivité. Faire l’impasse sur l’engrais potassique ou phosphaté en sols reconnus riches au Maroc est possible et permet des économies, mais l’option a des limites, sinon on bascule dans le problème inverse de redressement très coûteux. User de doses d’engrais azotés exagérées conduit à un taux de nitrates élevé qui peut rendre l’eau de la nappe impropre à la consommation pour toute une communauté (Ait Houssa et al., 2010).
En tant que producteur de denrée alimentaire et gestionnaire d’activité utilisatrice de produits polluants (pesticides, engrais, carburants,…), l’agrumiculteur a une responsabilité directe à plus d’un égard vis-à vis du consommateur et de l’environnement. Le fruit produit doit respecter les normes sanitaires et qualitatives en vigueur concernant, entre autres, la charge microbiologique et les teneurs en résidus de pesticides présents sur le fruit. Il faut aussi éviter de polluer l’eau par des produits toxiques, organiques ou chimiques utilisés à la ferme. A plus de 50 mg/l de nitrates, de 2 mg/l de cuivre, 0,5 mg/l de bore, 3mg/l de zinc, la potabilité de l’eau n’est plus admise dans la grille de l’OMS. Il en est de même des concentrations de pesticides > 20 µg/l pour l’alachlore et > 7 µg/l pour carbofuran, pour ne citer que ces produits.
Il y a des actions très terre-à-terre à mener en interne pour prétendre à l’éco-management. Huiles de vidanges des engins, produits périmés, emballages vides, plastique, vieilles rampes de goutte à goutte en polyéthylène retirées des parcelles, et autres matières polluantes, doivent être gérés selon les normes environnementales. Efficacité agronomique et exigence environnementale sont parfois contradictoires. L’éco-optimisation suppose de la R/D en interne pour trouver des alternatives chaque fois qu’un produit, tout en étant homologué, présente un risque plus grand pour l’environnement. Par exemple, pour éviter que le métaldéhyde utilisé pour la lutte contre l’escargot, ne s’infiltre dans la nappe en région très pluvieuse, Nadori (2010) proposait d’introduire l’appât dans des bouts de tube de PVC avant de le placer sous l’arbre. Le succès de l’éco-management est une question plus large d’éducation environnementale, d’adhésion à l’idée et de façon générale de l’éthique de responsabilité de l’ensemble de la communauté. Il peut se heurter à un problème de niveau d’implication différent selon la catégorie d’entreprise ou de personnel considérée. Ce qui est évident pour une entreprise structurée ayant déjà fait l’exercice ISO 14001, ne l’est pas forcément pour les petits paysans voisins non intéressés par la certification. Quel intérêt pour l’environnement si autour d’un agriculteur certifié non pollueur, des centaines d’autres continuent de mettre le feu au plastique noir et produisent des nuages de fumée toxique au-dessus des villages. Pour obtenir des résultats significatifs dans des délais raisonnables, en plus des campagnes de sensibilisation, il faut peut-être publier ou activer s’ils existent déjà, des textes de loi à la manière de l’Acte unique européen de 1987, fondé sur le principe de précaution et d’action préventive, le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe plus dissuasif du pollueur-payeur (OCDE, 1972).
Contrôle de gestion de l’information
Un contrôle de gestion digne de ce nom suppose de l’information fiable (1), structurée (2) et en temps réel (3). Il suppose aussi de disposer d’outils appropriés (4) pour en faire une analyse adaptée à l’agrumiculture du Maroc et restituer ladite analyse dans les délais (5) en vue de prises de décisions. Qu’elle soit adressée directement au contrôle de gestion ou à la comptabilité pour être ensuite reprise par le contrôle de gestion, l’information à produire doit être juste. Nomenclature unique et unifiée, enregistrements d’objets, de mouvements-matière, d’actes et mouvements réels du personnel, sont les facteurs clés de succès de la mission. Autrement dit, pas de place pour la confusion, pour l’enregistrement sur la base de souvenirs ou des estimations quand un produit ou un acte est quantifiable, et bien sûr pas de place pour l’information erronée. Pour le schéma d’organisation particulier de Providence Verte, encore au stade de finalisation, l’information est produite par chacune des cellules de gestion (stock, irrigation, phytosanitaire, …), elle est vérifiée par le Gérant puis saisie sur le système avec copie pour les différents départements et services concernés. Le parfait n’existe pas, quel que soit l’effort fourni pour faire parvenir de l’information conforme à la procédure. A Providence Verte les gardiens du Temple sont justement les contrôleurs de gestion qui veillent à une seconde vérification des données recueillies. Et chaque fois qu’un écart flagrant apparaît par rapport à la base de données de référence utilisée pour le pilotage, une alerte est donnée pour revérifier et faire valider l’information contestée.
Gérer de l’information en temps réel pour une activité changeante et pleine d’imprévus requiert du hard et du soft adaptés. Dans certaines Unités agrumicoles avant-gardistes au Maroc (Bounejmat, 2014), le problème a été presque totalement automatisé et l’usage du papier est réduit à son strict minimum. Pointeurs, techniciens, Gérants, sont équipés d’enregistreurs baladeurs de poche pour la saisie et la transmission, puis du Soft articulant ERP/ SCM/CRM, prend en charge le traitement et la synthèse des données. A Providence Verte, ce travail est assuré entre autres au moyen du Logiciel BEE ONE élaboré maison (Kassel et al., 2019). L’outil est configuré autour d’un critère original clé nommé Profil/Culture, avec possibilité de zoomer sur de fins détails pour n’importe quel type d’information. Il gère le patrimoine sous ses différents aspects (parcellaire, culture, matériel,…), les mouvements et usage-matière, le suivi technique, la main d’œuvre, la comptabilité analytique, génère des tableaux de synthèse instantanés à la demande, avec en plus l’archivage de l’historique de gestion, ce qui permet le pilotage direct des réalisations sur courte ou longue période.
Discussion et conclusions
Depuis l’avènement du plan Maroc vert, un nouveau modèle de production a été introduit en agrumiculture.
Sur le plan financier, le modèle prévoit de traiter l’investissement dans cette filière agricole à la manière de l’industrie et des services, notamment en suggérant le principe d’une durée d’amortissement plus courte que par le passé (15-20 ans au lieu de 30-40 ans), et un retour sur investissement plus rapide (ROI des anglo-saxons). Dans un souci de cohérence avec ces objectifs, le modèle prévoit des vergers avec une entrée en production rapide, une haute productivité, une qualité irréprochable et une augmentation de la part de marché à l’export avec des prix plus intéressants.
Sur le plan agronomique, le modèle consiste à créer des unités modernes conduites en intensif où la haute densité (6 x 1,5; 6 x 2; 6 x 3) se substitue aux anciens écartements très larges (8 x 8, 7 x 7, 7 x 6, 6 x 6), à introduire de nouveaux porte-greffes (Macrophylla, Volkameriana, Citrange Carrizo, Citrange Troyer, C35, Citrumello, …) pour remplacer le bigaradier, seul utilisé en agrumiculture jusqu’aux années 2000 mais très sensible à la maladie grave de la tristeza. De nouvelles variétés, soit très précoces ou au contraire très tardives, sont aussi venues enrichir le patrimoine agrumicole du Maroc et élargir la période d’exportation des petits fruits (Bruno, Esbale, Afourer,…), sans oublier la technique de plantation sur butte, le goutte à goutte, la fertigation, les pièges de masse pour lutter contre la cératite, et bien d’autres technologies nouvelles.
Concernant le rôle de l’État, d’importantes mesures d’incitation ont été prises pour mettre en œuvre et soutenir ce nouveau modèle, entre autres l’accès plus facile au crédit à l’établissement, la subvention sous diverses formes pour la production (sous solage, réalisation des forages, goutte à goutte, achat de plants, de matériel,…), la subvention substantielle aux stations de conditionnement et quelque peu aussi pour l’Export.
Moins de 12 ans après, force est de constater que les outputs les plus évidents de ce nouveau modèle sont surtout l’accroissement remarquable du volume produit grâce aux jeunes plantations, l’amélioration de la qualité et le changement de la configuration de l’assortiment variétal, avec plus de petits fruits que d’oranges eu égard au passé. En si peu de temps, le pays est passé de 70 mille ha de vieilles plantations en extinction à plus de 125 mille ha avec plus de jeunes vergers, et la production de 1,3 millions de tonnes à plus de 2,7 millions. Le revers de la médaille du modèle, c’est malheureusement l’absence de progrès significatif sur le tonnage exporté, un certain tassement du prix à l’Export mais surtout sur le marché intérieur, frôlant à peine le seuil de rentabilité et parfois produisant des marges négatives graves comme en 2018. Mais le plus inquiétant est le manque de visibilité réelle sur l’avenir de la filière. C’est un modèle qui a eu le mérite de produire plus vite de la ressource biologique, mais avec l’inconvénient de n’avoir pas pu préparer aussi vite les marchés nécessaires à sa commercialisation.
Au Maroc, nous avons affaire à une économie libérale où le marché des agrumes est régi par la loi de l’offre et de la demande. Mais en continuant à augmenter l’offre sans que la demande ne suive et à vendre le produit à perte, il y a un risque évident que l’autorégulation se fasse d’elle-même, au moyen de la main invisible d’Adam Smith (1776), avec disparition éventuelle de la strate des producteurs en position de faiblesse, qu’ils soient grands ou petits, alors même que beaucoup de jeunes vergers ne sont même pas encore à leur plein régime de production.
Pourtant, il s’agit d’une Crise pour pas grand-chose ou Crise-50 cts (mettons 75 cts pour être plus large), car c’est de ce petit complément de prix au kg tout venant dont la filière a besoin pour assurer sa durabilité et poursuivre même son développement. Mais le modèle peine à lui assurer ce petit montant. Crise structurelle fatale ou conjoncturelle et surmontable? Objectivement, au stade où nous en sommes, personne ne détient la réponse. Le Maroc ne fait qu’entamer l’exploration (un peu tard certes) de grands nouveaux marchés. Et tout dépend du temps que mettra le volume Export à monter en charge et du prix net moyen que le producteur va en tirer. Par contre, la question qui interpelle la profession est de savoir si le secteur a la résilience suffisante pour tenir encore longtemps? En tout cas, ce n’est pas sur le marché local qu’il faut compter pour absorber 2 millions de tonnes d’agrumes; pour preuve la campagne 2018 où la clémentine a été vendue bord verger entre 0,10 et 0,50 dirhams, et pour une partie non négligeable abandonnée sur arbre ou détruite faute d’acheteur.
Qui fera quoi pour essayer de sauver la filière? C’est une question légitime que tout le monde est en droit de se poser. Entre la stratégie de l’État sur le long terme, de faire du Maroc un mastodonte des agrumes au niveau méditerranéen, forcément consommatrice de délai, et le besoin d’une rentabilité minimale pour tenir bon le temps d’atteindre cet objectif, la filière est à la croisée des chemins. Elle court un risque d’effondrement prématuré avec perte de fonds investis énormes, si la période de transition dure trop longtemps.
Qui est responsable de la crise? Honnêtement, il ne faut pas en vouloir uniquement au plan Maroc Vert, comme certains se donnent raison de le croire, à moins qu’il soit écrit expressément quelque part, que l’État devait assurer seul la relance du volet Export. Les producteurs ne peuvent nier leur part de responsabilité dans ce qui se passe. En effet, au moment de lancer le plan Maroc Vert en 2010, tout le monde savait que la meilleure marge était dans les petits fruits et non dans les oranges. Chacun avait alors choisi d’investir dans cette catégorie, laissant implicitement aux autres le soin de produire les oranges à faibles marges. Mais comme tout le monde avait fait la même lecture des données du marché, le pays s’est retrouvé en quelques années avec une production excessive de petits fruits et beaucoup moins d’oranges. En fait, la remarque la plus importante à formuler au sujet de cette phase ФI du plan Maroc Vert-agrumes, c’est que la trilogie produire/conditionner/exporter en même temps, n’a pas fonctionné en flux continu comme on s’y attendait. La surproduction est maintenant là et la grande question, eu égard à l’inertie constatée sur la réponse du marché étranger, est de savoir s’il va y avoir ou non, une phase ФII avec grand volume Export, comme on l’avait prévu. En moins d’une décennie, la production additionnelle du Maroc est de 1,5 millions de tonnes/an mais quel-équivalent-délai sera-t-il nécessaire pour en exporter au moins une partie afin de soulager le marché local ? Dans l’hypothèse fort-plausible que 2018 n’est qu’une crise passagère en partie due à la forte charge et en partie au faible tonnage exporté, une première ébauche de solution à cette crise serait peut-être de commencer par dissuader le producteur de continuer à planter les petits fruits et d’orienter les subventions vers le conditionnement, la logistique et surtout vers l’aide à l’Export.
La seconde ébauche pour dénouer la crise, réside aussi en partie dans la possibilité qu’a le Maroc de conquérir de grands nouveaux marchés tels que la Chine, les pays du CEDEAO et du Maghreb, sans oublier de s’efforcer à récupérer les parts de marché perdues en Europe et en Russie. Quoi que la Chine, qu’on croyait pays encore émergent et supposé moins exigeant, ait proposé un premier cahier des charges encore plus sévère que celui des USA ou de la Russie.
A l’évidence, s’installer dans un grand marché comme celui du CEDEAO ne sera pas non plus chose facile. C’est un marché sans doute avec des contraintes semblables à celles du marché intérieur marocain, avec peut-être même un coefficient amplificateur de ces contraintes, plus ou moins important, selon le niveau d’évolution du commerce dans chaque pays. Mais accéder au grand marché africain n’est pas non plus un objectif impossible, s’il est engagé avec détermination dans la durée. Difficulté de s’installer, logistique, retards de paiement, non solvabilité de quelques clients, c’est le prix à payer pour conquérir ce marché. En tout cas, l’Afrique (pays du Maghreb compris), est le continuum naturel du Maroc avec lequel tôt ou tard il va falloir développer davantage le commerce et les échanges.
La troisième proposition, qui n’est pas des moindres, a trait à la nécessité de réorganiser le marché local qui aujourd’hui est forcé d’absorber plus de 2 millions de tonnes bien qu’il n’en ait pas la capacité et sans profiter au producteur. Continuer d’en parler depuis plus de 30 ans sans se mettre à l’œuvre n’apportera rien à la profession. Dans une enquête récente menée à l’occasion des prix catastrophiques de 2018 (Bensaïd et al., 2018), le système par lequel ce marché est régi a été tracé dans différentes villes du Maroc (Fès, Sidi Slimane, Rabat, Casablanca, Marrakech). L’étude a permis d’identifier, entre autres, les faux mécanismes de régulation de ce marché. Avec la multiplicité des intermédiaires,même dans une année où elle est payée bord verger moins de 50 centimes, la clémentine est revendue parfois au consommateur final 3-4 Dh/kg, c’est-à-dire 10 fois plus que son prix d’achat. Les parties en présence indiquées du doigt dans ce dysfonctionnement sont semble-t-il, la catégorie faite d’outsiders qui échappent à tout contrôle (vente au bord de la route, à l’entrée des villes, au sein des quartiers,…) et qui en plus ne paient ni taxe locale ni impôt.
La dernière solution partielle, si la crise des prix de 2018 se répète avec moins de gravité, et laisse une lueur d’espoir d’un redressement du marché, c’est bien sur la réduction des charges. Étant donné que l’investissement dans la plantation est déjà fait, pour le producteur, l’idéal serait d’éviter l’arrachage et de maintenir l’arbre en vie avec un minimum de dépenses, puis de le faire repartir en production dès la remontée des prix sur le marché. Malheureusement, l’impasse sur certains inputs comme l’irrigation, l’engrais, la taille ou encore les pesticides, est techniquement très difficile; ce serait affaiblir l’arbre biologiquement et compromettre irréversiblement sa productivité dans la durée. Il reste donc l’idée d’un contrôle de gestion serré des dépenses d’entretien, sauf peut-être pour quelques variétés de petits fruits tardifs (Nour, Afourer) qui continuent d’afficher des recettes correctes et dans une moindre mesure pour les oranges qui ne représentent plus grand-chose à l’Export. La barre de référence pour cette conduite serrée est en première approximation donnée par la productivité minimale en petits fruits de 35 T/ha obtenue avec une sorte de Target Costing inférieur à 1,60 Dh/kg, toutes charges comprises, et un prix de vente tout venant départ propriété au moins égal à 2 Dh/kg. D’où l’intérêt du contrôle de gestion pour passer au crible l’ensemble des postes et évaluer ce que sont les possibilités réelles de réduire les charges.
Au-delà de la crise actuelle, instaurer le contrôle de gestion dans une entreprise est une obligation sinon ce serait investir sans savoir exactement où on se dirige. Comment s’assurer que l’entreprise est bien gérée s’il n’y a pas de suivi interne par une équipe spécialisée. Bien que chaque entreprise puisse établir ses propres tableaux de pilotage à partir de sa base de données, et sans vouloir faire du tableau 16 un référentiel universel, en première approximation et à cette remarque près, le contrôle de gestion peut considérer qu’un investissement efficient est celui qui réalise un projet moderne de petits fruits d’agrumes (y compris l’immobilisation des 5 années de frais culturaux jusqu’à l’entrée en production) à un coût inférieur à 200.000 Dh/ha (250.000 pour l’Afourer). La gestion du projet est également en première approximation efficiente si celle-ci produit plus de 35-40 t/ha avec un taux d’export de plus de 70 %, fait essentiellement des 3 ou 4 calibres les plus demandés sur le marché. Le coût moyen doit être inférieur à 65.000 Dh/ha (85.000 pour l’Afourer) répartis entre le coût de l’eau d’irrigation (10.700), les pesticides (7.600), les engrais (5.800), la récolte (10.500), l’amortissement (8000), le matériel agricole (4.200), la taille (2.500), les frais divers (4.000) et le coût de structure (9.500).
Cette publication le dit avec un peu de retard, la crise des agrumes est une crise filière et requiert en fait une solution filière. Et le vrai contrôle de gestion qu’il aurait fallu proposer au Maroc, il y a quinze ans, c’est le contrôle de gestion-filière afin de prévenir la sur-offre excessive et doser le marché en fonction de la demande réelle exprimée.
Bibliographie
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Par
AÏT HOUSSA A.1, DRISSI S.2, ASFERS A.1, OUBAKI L.1, HADDOUCHE Z.1, AMLAL F.1,3, CHRAÏBI H.1
1 Centre de Formation et de Recherches, Société Providence Verte, Louata, Sefrou, Maroc
2 Département d’Agronomie et d’Amélioration des Plantes, École Nationale d’Agriculture de Meknès, Maroc
3 Faculté des Sciences, Université Chouaïb Doukkali, El Jadida, Maroc